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L'OLIVE de du BELLAY (commentaire)

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— Une jeune femme à son lever éclipse de sa beauté le jour naissant : L'argument, hérité à travers Pétrarque de la poésie courtoise, est repris par du Bellay dans un sonnet, forme fixe par excellence. Le sonnet, parce qu'il repose sur un jeu d'opposition (rimes, strophes) et grâce à sa structure binaire, facilite l'antithèse en même temps qu'il la circonscrit. Il apparaît donc parfaitement adapté à l'objet du poème : cette opposition conventionnelle de la Femme et du Jour qui rivalisent de splendeurs. — Toutefois, décider de mettre au service d'un cliché poétique, « la belle matineuse », une forme aussi rigide que le sonnet, relève peut-être du « suicide littéraire »... A trop imiter, du Bellay ne craint-il pas de disparaître derrière son modèle ? L'auteur de la Défense et illustration de la langue française parvient à maintenir une tension entre cette tradition littéraire qu'il admire et une inspiration personnelle, à ménager à la fois l'artifice et le naturel. Ainsi se dégage habilement d'un cadre de conventions un charme discret qui transforme le cliché en un tableau ingénieux et plaisant.

« INTRODUCTION — Une jeune femme à son lever éclipse de sa beauté le jour naissant : L'argument, hérité à travers Pétrarque de la poésie courtoise, est repris par du Bellay dans un sonnet, forme fixe par excellence.

Le sonnet, parce qu'il repose sur un jeu d'opposition (rimes, strophes) et grâce à sa structure binaire, facilite l'antithèse en même temps qu'il la circonscrit.

Il apparaît donc parfaitement adapté à l'objet du poème : cette opposition conventionnelle de la Femme et du Jour qui rivalisent de splendeurs.

— Toutefois, décider de mettre au service d'un cliché poétique, « la belle matineuse », une forme aussi rigide que le sonnet, relève peut-être du « suicide littéraire »...

A trop imiter, du Bellay ne craint-il pas d e disparaître derrière son m o d è l e ? L'auteur d e la Défense et illustration d e la langue française parvient à maintenir une tension entre cette tradition littéraire qu'il admire et une inspiration personnelle, à ménager à la fois l'artifice et le naturel. Ainsi se dégage habilement d'un cadre de conventions un charme discret qui transforme le cliché en un tableau ingénieux et plaisant. I.

UN CADRE DE CONVENTIONS 1.

Une forme poétique codée — Le sonnet pétrarquisant : les deux quatrains s'opposent aux tercets : « Déjà » répété deux fois, le rythme est brisé au premier tercet (« Quand »).

La jeune femme apparaît donc au milieu du poème.

Les quatrains sont consacrés au lever du jour, les tercets à celui de la nymphe.

Souci d'équilibre, le sonnet est une forme « fermée » ; il doit former un tout, une sorte de cercle au centre duquel trône la figure de la femme aimée. 2.

Un décor à l'Antique — La nature : le ciel, les prés, le fleuve.

C'est bien le décor de l'idylle (Petit p o è m e dont le sujet est ordinairement pastoral). Etymologiquement idylle signifie « Petit tableau », on demeure dans le champ connotatif du cliché. — La nymphe : la femme aimée, « la matineuse », apparaît sous les II.

UNE FACTURE ORIGINALE traits d'une nymphe, ce qui est conforme à l'ambiance du poème, mais aussi parfaitement cohérent.

Les grecs appelaient nymphes toutes les divinités féminines de la nature.

Dans un tel décor bucolique, on attend une nymphe.

C'est aussi une façon de diviniser la femme aimée.

Du Du Bellay suit par là cette tradition courtoise qui plaçait la femme sur un piédestal, faisant de la maîtresse une suzeraine et de l'amant son vassal. 3.

Un réseau de métaphores et de comparaisons convenues — Personnification d e la nuit : le verbe « amassait », le groupe nominal « grand troupeau » font d e la nuit un berger (voir le cadre idyllique). — Animalisation des étoiles devenues des brebis l'adjectif « vagabondes », placé d'une manière insistante à la rime, permet toutefois la superposition d'une image originale, celle d e l'étoile filante (strophe 1).

Cette double comparaison pastorale est tout à fait attendue (origine probablement biblique). — Métaphore : la rosée devient « mille perlettes rondes », une infinie parure pour la nature, c'est le sens du vers « De ses trésors les prés enrichissait ». La goutte de rosée comparée à une perle : il s'agit bien là d'un lieu commun qui va perdurer grâce au baroque. On peut y voir comme une métaphore emblématique : De même que ces perles enrichissent les prés, les métaphores les plus convenues décorent le poème.

Ne pas négliger la fonction ornementale des métaphores, surtout lorsqu'elles sont bien connues. — Double comparaison : la nymphe (à laquelle est d'ailleurs préalablement identifiée la f e m m e ) est d'abord comparée à une étoile (parmi les autres).

« Comme une étoile vive ».

Mais son état devient plus intense, elle est alors « cette nouvelle Aurore ». — Personnification du jour, par l'utilisation de l'adjectif « honteux » que le poète appelle grâce au rougeoiement de l'horizon qui précède le lever du soleil.

Le jour est « rouge de honte », de la honte d'avoir été moins en éclat par la nymphe (cette personnification a été annoncée par celle de l'« aube » au second quatrain).

On le constate, le réseau de métaphores et de comparaisons est extrêmement dense.

Cette prolifération d e figures rend dans l'espace clos du sonnet un effet d e « surcharge ».

O n peut dès lors se demander si cet excès d'ornements est vraiment si naïf.

Ce travail de broderie autour d'un lieu commun relèverait purement et simplement de l'exercice de style s'il n'était pas d'une facture si remarquable qu'elle trahit la personnalité de son auteur. II.

UNE FACTURE ORIGINALE 1.

Un art dans la versification — Mise en valeur de certains mots par leur position dans le vers : ex : « amassait » (à la rime du vers 1) suggère le très grand nombre des étoiles.

Cet effet est prolongé par l'enjambement du vers 1 au vers suivant.

L'opération qui consiste à rassembler les étoiles est si longue qu'elle nécessite pour l'exprimer deux vers non ponctués. — Utilisation de rimes riches (importante, dans un sonnet où la richesse et la splendeur prennent une telle place). — Un jeu habile et parfois ironique sur les mots et les sonorités.

Ainsi le son « or » est entendu cinq fois dans le dernier tercet ! « Alors », « Aurore » (avec un doublement), « colore », « orient ». On retrouve l'effet de surcharge et de saturation.

Ironie dans la rime vers 11 /vers 14, « en riant »/« orient », rime très riche aux limites du calembour.

Aux magnificences de « L'Indique orient » répond simplement le rire de la jeune femme. 2.

D'où une thématique plus discrète de l'opposition de la richesse et de la simplicité L'opposition de la « nymphe » et du « jour » cache une série d'oppositions beaucoup plus originales et qui méritent toute notre attention : là— Une opposition géographique : occident/orient. Le soleil vient d'Orient, la nymphe se lève à l'occident, et plus régionalement en Anjou. — Une opposition : artifice/naturel. Les deux quatrains qui évoquent le lever du jour sont boursouflés de métaphores et d'images (parfois aux limites du ridicule : les tresses blondes d e l'Aube !) le premier tercet, au contraire, respire le naturel et la simplicité (vocabulaire très simple, évocation d'une nature dépouillée de tout apparat : « verte rive », etc.). — Une opposition faste de l'orient/fraîcheur et jeunesse de l'occident.

C'est ici que l'on retrouve le jeu de mots orient-en riant.

Le rire d'une jeune angevine suffit à égaler tout le luxe oriental (répétition du son « or »). CONCLUSION — Reprise d'un cliché qui ira s'affirmant. — Mais surtout présence de l'un des thèmes les plus personnels de la poésie de du Bellay, le dédain des splendeurs du monde et le regret de la simplicité et de la fraîcheur du terroir. Prouesse poétique : du Bellay détourne discrètement l'objet d e son poème, il fait du cliché lui-même un élément d e s a thématique personnelle.. »

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