L'oeuvre de THÉOPHILE GAUTIER
Extrait du document
«
Théophile Gautier débute dans l'avant-garde romantique : puis il condamne le lyrisme indiscret et fonde une religion
de l'Art.
Il exerce avec ennui sa profession de journaliste; niais la poésie le console.
A La carrière de Gautier.
RECHERCHE D'UN ÉQUILIBRE (1811-1836).
Théophile Gautier, tarbais de naissance, parisien d'adoption, suit les cours du collège Charlemagne, fréquente à dixhuit ans l'atelier du peintre Rioult, puis opte pour la littérature, lutte aux côtés de Victor Hugo et prend part à la
bataille d'Hernani.
Mais bientôt il veut s'affranchir des outrances romantiques et dégage son originalité; en même
temps, non sans quelque nonchalance, il cherche à s'assurer par la plume des ressources régulières.
Du lyrisme à l'ironie.
En 1830, Gautier révèle dans un recueil de Poésies, à travers les fantaisies déjà savantes du
rythme, une sincérité ingénue.
De bonne heure, cependant, il apprend à se réserver ou à se dédoubler; aux
confidences indirectes, il mêle une ironie narquoise : le long poème Albertus (1832) est l'histoire, à dessein
encombrée de poncifs, d'un jeune peintre qui se damne pour une sorcière; Les Jeunes-France (1833) sont une suite
de récits humoristiques où l'écrivain raille gentiment le goût de ses contemporains pour la fausse couleur locale, les
inventions fantastiques et la frénésie.
Du dilettantisme à l'angoisse.
Gautier songe en effet à fuir son siècle et pense que l'Art éternel peut apporter une
consolation aux âmes raffinées et déçues : dans une véhémente préface à son premier roman Mademoiselle de
Maupin (1836), il dénonce l'utilitarisme sordide et célèbre la Beauté pure.
Il fréquente l'Hôtel du Doyenné, où règnent
l'insouciance et l'élégance.
Cependant, il conserve en lui-même l'inquiétude et l'amertume qui marquent sa
génération : un pessimisme profond transparaît dans Mademoiselle de Maupin et dans La Comédie de la mort, un long
poème, où il exprime son angoisse métaphysique et son horreur de la condition humaine.
RECHERCHE D'UNE ÉVASION (1836-1872)
En 1836, Gautier trouve une position sociale : il devient journaliste.
Désormais, il doit consacrer la plus grande partie
de son temps à la rédaction de chroniques ou de feuilletons.
Il s'acquitte de sa besogne avec maîtrise et s'impose
comme critique d'art.
Pourtant, son métier lui pèse; il saisit toutes les occasions de s'évader, tantôt par le voyage,
tantôt par la création poétique, tantôt par le rêve.
En même temps, il arrête définitivement les principes de son
esthétique; il veut être un homme « pour qui le monde extérieur existe ».
Les diversions du voyage.
En 184o, Gautier part pour l'Espagne, où il séjourne six mois; ce voyage est pour lui un
enchantement; il en donne, dans Tra los montes, une relation fidèle.
Il visitera plus tard l'Italie, la Grèce, la Russie,
la Turquie.
Les pays d'Orient, plus particulièrement, laissent en lui une nostalgie profonde.
Ses impressions de
touriste, sobres et vivantes, alimentent ses chroniques, puis sont réunies en volumes.
Les consolations de la poésie.
Dans l'intervalle de ses voyages, Gautier emploie volontiers ses loisirs à ciseler des
poèmes.
Dans le recueil Espana (1845), il transpose ses souvenirs de la péninsule ibérique.
Mais son chef-d'oeuvre
est Émaux et Camées (1852), qu'il enrichit de pièces nouvelles jusqu'à sa mort : dans ce volume sont groupés
comme au hasard des poèmes sans lien, mais qui ont tous en commun la perfection de la forme et du rythme.
Affinités secrètes.
Des sympathies s'établissent entre les êtres et les objets que le destin a fait voisiner.
Ces
sympathies survivent dans les molécules dissociées et se retrouvent dans les formes nouvelles qu'elles composent.
L'attirance mystérieuse de l'amour s'explique ainsi par le souvenir vague d'un passé vécu en commun sous d'autres
apparences.
Symphonie en blanc majeur.
D'où vient l'éclat de cette femme-cygne échappée d'un conte nordique? Est-elle
givre, hostie, flocon, lis, écume, marbre, argent, opale, ivoire, hermine ? Oh! cette obsession de blancheur!
Nostalgies d'obélisques.
Exilé sur la place de la Concorde, l'obélisque de Paris pleure son Égypte.
Solitaire dans
son désert d'Afrique, l'obélisque de Louqsor envie son frère parisien.
Vieux de la Vieille.
Trois vieux grognards, un jour de fête, se promènent en uniforme dans les rues de la capitale,
et leurs silhouettes grotesques symbolisent la grandeur déchue de la France napoléonienne.
Ce que disent les hirondelles.
C'est l'automne; les hirondelles préparent leur départ, et le poète entend leurs
paroles.
Ah! s'il pouvait s'envoler avec elles!
Les charmes du rêve.
L'écrivain traduit aussi ses aspirations à l'Idéal dans des oeuvres en prose, contes, fantaisies,
nouvelles ou romans.
Beaucoup de ces oeuvres répondent à une exigence de dépaysement : ainsi Arria Marcella
(1852), où est évoquée l'antique Pompéi, Le Roman de la momie (1858), où revit l'ancienne Égypte, et même Le
Capitaine Fracasse (1863), où sont contées les aventures héroï-comiques d'un jeune noble ruiné qui joue les rôles
de matamore dans une troupe de comédiens ambulants.
Mais le plus émouvant de ces récits est sans doute Spirite
(1866), dont le héros, hanté par un esprit féminin, croit pénétrer dans un paradis sentimental et mystique : « Le
génie est vraiment divin : il invente l'Idéal, il entrevoit la beauté supérieure et l'éternelle lumière.
Où ne monte-t-il
pas, lorsqu'il a pour ailes la foi et l'amour ! ».
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