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Li T'ai-po

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Li T'ai-po 701-762 Li T'ai-po, "le poète immortel", vécut à l'époque T'ang, la plus féconde de l'histoire des lettres chinoises. C'était un artiste vagabond, aimant l'exubérance et le vin, la vie délicate de la cour et les "longues conversations entre amis dans la solitude des campagnes". Son œuvre atteignit une telle perfection, fixa d'une manière si définitive les formes de la poésie chinoise que les générations qui suivirent se contentèrent de l'imiter sans avoir jamais l'espoir d'égaler son génie. En ce temps l'empereur Hiuan-tsong, continuant l'œuvre de T'ai-tsong le grand, fondateur de la dynastie, étendait les frontières de l'empire et employait les richesses que lui rapportaient ses victoires à soutenir les arts. Jamais autant d'artistes et de lettrés ne vécurent ensemble et ne produisirent autant d'œuvres en si peu d'années. La dernière édition complète des poésies de l'époque T'ang contient 48 900 poèmes répartis en 900 volumes. Les sculpteurs du temps ne furent pas moins fertiles ni moins heureux. "Le soleil et la lune s'éteindront", disait avec amertume Li T'ai-po, "la terre redeviendra de la cendre. Pourquoi, parce que nous ne vivons pas mille ans, nous plaindrions-nous de ce que la vie est courte ?" A cette même heure, les sculpteurs T'ang sortaient fiévreusement de leurs fours ces chevaux de terre cuite, aux pattes raidies, aux mâchoires ouvertes que nous connaissons si bien et dont les formes tendues sont pour nous les images de l'énergie. L'époque T'ang fut celle de la force mais aussi celle de la plus séduisante délicatesse chinoise. Dans le palais de Tcheng-hiang-ting, tout un monde de courtisanes et de musiciennes évoluait au milieu des lettrés et des généraux. Nous les connaissons par les figurines aux longues manches ondulées, œuvres de ces mêmes sculpteurs qui oubliaient parfois leur puissant réalisme pour représenter les gracieuses compagnes de Yang Kouei-fei, la favorite de l'empereur. Ce dynamisme et cette tendresse nous les retrouvons partout dans l'œuvre de Li T'ai-po unis à un sens de la nature qu'aucune poésie, peut-être, n'a égalé.

« Li T'ai-po 701-762 Li T'ai-po, "le poète immortel", vécut à l'époque T'ang, la plus féconde de l'histoire des lettres chinoises.

C'était un artiste vagabond, aimant l'exubérance et le vin, la vie délicate de la cour et les "longues conversations entre amis dans la solitude des campagnes".

Son oeuvre atteignit une telle perfection, fixa d'une manière si définitive les formes de la poésie chinoise que les générations qui suivirent se contentèrent de l'imiter sans avoir jamais l'espoir d'égaler son génie.

En ce temps l'empereur Hiuan-tsong, continuant l'oeuvre de T'aitsong le grand, fondateur de la dynastie, étendait les frontières de l'empire et employait les richesses que lui rapportaient ses victoires à soutenir les arts.

Jamais autant d'artistes et de lettrés ne vécurent ensemble et ne produisirent autant d'oeuvres en si peu d'années.

La dernière édition complète des poésies de l'époque T'ang contient 48 900 poèmes répartis en 900 volumes.

Les sculpteurs du temps ne furent pas moins fertiles ni moins heureux.

"Le soleil et la lune s'éteindront", disait avec amertume Li T'ai-po, "la terre redeviendra de la cendre.

Pourquoi, parce que nous ne vivons pas mille ans, nous plaindrions-nous de ce que la vie est courte ?" A cette même heure, les sculpteurs T'ang sortaient fiévreusement de leurs fours ces chevaux de terre cuite, aux pattes raidies, aux mâchoires ouvertes que nous connaissons si bien et dont les formes tendues sont pour nous les images de l'énergie.

L'époque T'ang fut celle de la force mais aussi celle de la plus séduisante délicatesse chinoise.

Dans le palais de Tcheng-hiang-ting, tout un monde de courtisanes et de musiciennes évoluait au milieu des lettrés et des généraux.

Nous les connaissons par les figurines aux longues manches ondulées, oeuvres de ces mêmes sculpteurs qui oubliaient parfois leur puissant réalisme pour représenter les gracieuses compagnes de Yang Kouei-fei, la favorite d e l'empereur.

Ce dynamisme et cette tendresse nous les retrouvons partout dans l'oeuvre de Li T'ai-po unis à u n sens de la nature qu'aucune poésie, peut-être, n'a égalé. On connaît mal la vie de Li T'ai-po.

Les récits que les Chinois nous en font amoureusement se confondent avec la légende.

Il naquit en 701 dans le Sse-tchouen, écrivit à douze ans son premier poème, et obtint à vingt le titre de docteur que beaucoup de lettrés passaient toute une vie à conquérir.

Pendant sa jeunesse il parcourut au hasard le pays avec cinq amis.

Ils se dénommaient les "six indolents", étaient, comme lui, amateurs de libations au clair de lune et de discussions sans fin.

A quarante ans, précédé d'une grande réputation, il vint à la cour de Hiuan-tsong.

Il y connut la faveur impériale pendant de longues années.

Enfant gâté de ce mécène, il put écrire en paix et boire tout son saoul. Un jour, dit la légende, l'empereur avait fait planter des pivoines dont les fleurs étaient magnifiques.

Il voulut q u e s a favorite vînt les admirer.

Celle-ci pénétra dans les jardins suivie des courtisans, des généraux, des lettrés et des danseuses.

Et quand la plus belle des femmes se tint devant les plus exquises des fleurs, tout ce monde s'écria : il faut que Li T'ai-po fasse de ceci un poème.

Mais Li T'ai-po était introuvable.

Les ministres fouillèrent en vain le palais de Tcheng-hiang-ting.

Le poète dormait, ivre, dans un cabaret de la ville et c'est là qu'on finit par le découvrir.

Lorsqu'il parut devant le souverain il tenait à peine sur ses jambes.

Mais, à la vue des fleurs et de la favorite, son génie se réveilla.

Il demanda une dernière coupe de vin, la vida et écrivit sans une hésitation les trois chants de Tsing-ping. C'est le poème célèbre qui débute ainsi : Le nuage ressemble à sa robe. Et la fleur à son visage. Cette vie heureuse eut une fin pourtant.

On fit croire au souverain qu'un des poèmes de son protégé contenait à l'adresse de Yang Koueifei des allusions méchantes.

Li T'ai-po fut exilé.

Mais l'empereur ne le renvoya pas durement.

Il aimait trop son "immortel poète", et, avant son départ, le chargea de présents.

Li T'ai-po reprit alors ses habitudes vagabondes, erra comme dans sa jeunesse en buvant et en chantant.

Vers la fin de sa vie il se compromit encore.

Il fit partie, on ne sait pourquoi, d'une conspiration conduite par le prince Li-lin, un d e s e s anciens amis d e T'chang-ngan.

D e nouveau, l'empereur n'eut pas le courage d'être sévère.

Au lieu d'emprisonner le poète vieillissant, il lui pardonna.

Il finit même par le rappeler à sa cour.

Li T'ai-po ne profita pas de cette faveur : ses forces l'abandonnaient.

Il ne put entreprendre le voyage vers la capitale et mourut à Tang-t'ou en 762. La légende lui donne une autre mort, celle du héros bachique et inspiré qu'il était devenu dans l'imagination populaire.

Voguant sur un lac, par une nuit claire, le poète, ivre comme toujours, se pencha pour embrasser le reflet de la lune sur l'eau, tomba par-dessus bord et se noya. Celui qui veut traduire un poème chinois est toujours arrêté par un problème désespérant.

Il pourrait, à la rigueur, essayer de transposer dans notre langue la signification d e s m o t s et leur musique, mais comment donnerait-il ce qui est essentiel pour le lettré fils du ciel, l'équivalent de leur écriture elle-même ? Il le devrait pourtant car, dans une oeuvre classique, le dessin de chaque ligne est plus important que sa sonorité.

On sait q u e le chinois p o s s è d e u n caractère différent pour chaque mot.

Ces petits idéogrammes, où l'initié retrouve stylisées mais pleines de fraîcheur les formes de la nature, il en existe plusieurs dizaine de milliers dans les gros dictionnaires.

Chacun a une histoire.

Son étymologie est toujours ingénieuse et souvent d'une surprenante poésie, son invention remonte aux premiers siècles de l'histoire de la Chine et cette origine lointaine le pare de tout le prestige d u p a s s é .

U n p o è m e est donc, à première vue, une suite de petits tableaux.

La manière dont le poète les a choisis touche avant tout le lecteur qui ne peut séparer, dans son esprit, l'émotion visuelle des joies littéraires.

Devant un art aussi différent du nôtre, comment ne laisserions-nous pas tomber les bras ? Comment ne donnerionsnous pas raison à nos amis chinois qui trouvent nos traductions puériles ? Pourtant la force de certains poètes est assez grande pour que, même traduites et trahies, leurs oeuvres conservent beaucoup de vie.

Il en est ainsi d e Shakespeare et, je crois, de Li T'ai-po.

Ce qui leur confère à tous d e u x u n e beauté universelle, c'est un mélange de gravité et de licence, de tristesse et d'appétit vigoureux de la vie.

Li T'ai-po possède d'éblouissants dons de peintre.

Il les exerce, bien entendu, à la manière chinoise, dans de très courts poèmes ouvragés avec minutie.

Mais il y enferme d'immenses paysages, les ciels que balaient les grands vents, la grandeur du p a s s é irrémédiablement perdue et la mélancolie toujours renouvelée des h o m m e s .

Avec le pessimisme du bouddhiste, il constate à chaque vers combien peu durables sont les empires et vains nos espoirs.

Mais cette amertume de son intelligence cède sans cesse devant les explosions de sa vitalité.

Il demande l'ivresse au vin et à la nature tout entière.

Dans son oeuvre, ponctuée de courtes marques de désespoir, nous allons d'un paysage admirable à un autre plus merveilleux encore. Les montagnes bleues se confondent avec les forêts, Une voile apparaît, peu à peu, à l'horizon. Et les oiseaux s'envolent dans l'aube. Ces brèves et saisissantes descriptions du monde sont toujours étroitement apparentées à la vision des peintres chinois.

Comme eux, Li T'ai-po choisit dans ce qu'il voit les images essentielles.

Comme eux, comme les céramistes, comme les sculpteurs, il joint le goût de l'art le plus parfait à une faculté d'abstraction naturelle et aiguë.

Mais nous ne pouvons bien comprendre le charme des trois vers que je cite cidessus, si nous ne les imaginons écrits en caractères.

L'imprécision de l'écriture chinoise fait que le lecteur devant la suite d'idéogrammes choisis par le poète peut, comme celui-ci devant son paysage, rêver à l'infini.. »

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