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Les Baroques

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Après avoir été considéré, au XIXe siècle, comme une épithète péjorative, le terme de Baroque a pris depuis les années 20, une valeur apologétique. A la base de cette transformation, il y a un changement d'appréciation des valeurs psychologiques et une connaissance plus approfondie des faits historiques.       Pour les hommes du XIXe siècle, le sens de l'histoire moderne était simple ; la Renaissance constituait la dernière forme valable de la vraie civilisation, parce que l'homme est éternellement le même et qu'on ne peut mesurer les valeurs qu'il crée dans le temps que par rapport à des types de perfection dont, à plusieurs reprises déjà dans le passé, l'humanité s'est approchée. On condamnait donc le Baroque en considération d'une philosophie de l'histoire et de l'homme qui est platonicienne, puisqu'elle suppose l'existence d'un paradigme de l'Homme aussi bien que du Beau. Les différentes sectes chrétiennes et les encyclopédistes comme les disciples de Kant ou de Hegel se rencontraient d'ailleurs dans cette vue. Il en résultait une croyance toute naturelle dans la périodicité des mouvements de l'histoire comme dans la supériorité absolue ­ hors de l'histoire ­ des styles et des époques qui se sont le plus approchées d'une interprétation adéquate de l'éternel humain. Ainsi le Baroque, art de l'instable et du fugitif, apparaissait comme une décadence.       Certains des apologistes modernes du Baroque se sont encore inspirés d'une philosophie entièrement conforme aux anciennes attitudes de l'esprit. Eugenio d'Ors s'est fait, par exemple, le défenseur des constantes historiques. Il a eu beau les appeler des " éons ", il n'a pas rajeuni le thème. Baroque éternel, éternels retours des périodes de la vie des formes ou des civilisations calquées sur le développement de l'être humain parcourant des âges immuablement fixés par la nature, cette philosophie n'est qu'un rajeunissement des termes où se concilient le décadentisme et le nietzschéisme des années 1880 avec le conformisme chrétien le plus miraculeux. D'autres commentateurs ont fait preuve de plus de modernisme. Non pas, certes, un Wölfflin ­ pour qui le Baroque et le Classique ne constituent que deux modes de présentation éternellement opposés ­ mais les vrais historiens, qui, s'approchant des oeuvres, se sont refusés à les condamner à priori, simplement parce qu'elles ne répondaient pas à une définition abstraite du vrai.   

« Les Baroques Après avoir été considéré, au XIXe siècle, comme une épithète péjorative, le terme de Baroque a pris depuis les années 20, une valeur apologétique.

A la base de cette transformation, il y a un changement d'appréciation des valeurs psychologiques et une connaissance plus approfondie des faits historiques. Pour les hommes du XIXe siècle, le sens de l'histoire moderne était simple ; la Renaissance constituait la dernière forme valable de la vraie civilisation, parce que l'homme est éternellement le même et qu'on ne peut mesurer les valeurs qu'il crée dans le temps que par rapport à des types de perfection dont, à plusieurs reprises déjà dans le passé, l'humanité s'est approchée.

On condamnait donc le Baroque en considération d'une philosophie de l'histoire et de l'homme qui est platonicienne, puisqu'elle suppose l'existence d'un paradigme de l'Homme aussi bien que du Beau. Les différentes sectes chrétiennes et les encyclopédistes comme les disciples de Kant ou de Hegel se rencontraient d'ailleurs dans cette vue.

Il en résultait une croyance toute naturelle dans la périodicité des mouvements de l'histoire comme dans la supériorité absolue hors de l'histoire des styles et des époques qui se sont le plus approchées d'une interprétation adéquate de l'éternel humain.

Ainsi le Baroque, art de l'instable et du fugitif, apparaissait comme une décadence. Certains des apologistes modernes du Baroque se sont encore inspirés d'une philosophie entièrement conforme aux anciennes attitudes de l'esprit.

Eugenio d'Ors s'est fait, par exemple, le défenseur des constantes historiques.

Il a eu beau les appeler des " éons ", il n'a pas rajeuni le thème.

Baroque éternel, éternels retours des périodes de la vie des formes ou des civilisations calquées sur le développement de l'être humain parcourant des âges immuablement fixés par la nature, cette philosophie n'est qu'un rajeunissement des termes où se concilient le décadentisme et le nietzschéisme des années 1880 avec le conformisme chrétien le plus miraculeux.

D'autres commentateurs ont fait preuve de plus de modernisme. Non pas, certes, un Wölfflin pour qui le Baroque et le Classique ne constituent que deux modes de présentation éternellement opposés mais les vrais historiens, qui, s'approchant des oeuvres, se sont refusés à les condamner à priori, simplement parce qu'elles ne répondaient pas à une définition abstraite du vrai. Si l'intérêt pour le Baroque s'est développé depuis un demi-siècle, on le doit donc aux hommes qui ont analysé les oeuvres ou qui les ont replacées dans leur contexte historique.

Les uns et les autres ont insisté sur le fait que le Baroque s'est efforcé d'enseigner et de plaire dans la forme particulière à une époque unique de l'histoire et à travers des génies originaux.

Apologistes des CarracheA1092 et du DominiquinA1151, du CaravageA018, de TintoretA119 ou du GrecoA053, les goûts particuliers s'opposent, mais les Marcel Reymond, les Welsbach et les Mâle, les BarrèsL1074, ou les Brinckmann ont fait plus pour relever le goût du Baroque que les théoriciens de la forme.

Simultanément des historiens de la civilisation, comme Benedetto CroceH014, étudiaient avec ferveur l'âge baroque tout entier à travers des faits globaux de littérature et de civilisation. On a cherché les valeurs plastiques non dans l'immuable mais dans l'éphémère.

Et, à la poésie des faits universels, on a voulu substituer ainsi celle des qualités particulières.

On a insisté, surtout, sur ce qu'un mode d'expression comme le Baroque se manifestait par l'alignement sur les mêmes principes de toutes les techniques d'une époque, y compris le mode de vie des individus.

On est passé, de la sorte, du problème de la permanence des formes fondamentales de l'art à celui de l'unité, dans une époque donnée, de tous les langages utilisés par une société humaine.

Toutefois, identifiant la connaissance esthétique avec un phénomène d'intuition qui nous permet, à travers les formes, de voir directement la spéculation intellectuelle qui les a agencées, on en est venu à ne faire de l'art qu'une manière de dire et on a, en dernière analyse, retrouvé l'opposition fondamentale entre la forme qui est l'art et le contenu qui est la matière ou l'histoire, l'accident. Or il est apparu que l'approfondissement même des faits qui soulignaient l'étroite adhérence des formes à certaines conditions particulières de l'histoire, rendait aussi difficile la définition d'un âge Baroque que celle d'un baroque éternel.

Pour les uns, en effet, le Baroque est un phénomène consécutif à l'hispanisation de l'Italie au XVIe siècle, pour les autres il a sa source jusque dans le Moyen Âge et ses premières formes apparaissent dans le Flamboyant allemand.

Pour certains, il est la conséquence de la Réforme de l'Église catholique et constitue le style de Trente, pour les autres il est un style populaire et fleuri qui s'oppose absolument à la rigidité dogmatique et iconographique des Pères.

D'aucuns le situent, très largement, vers 1570-1660, mais d'autres réduisent ou étendent, au contraire, cette chronologie, suivant le principe d'explication qu'ils défendent.

On trouve dans des ouvrages consacrés au Baroque, tantôt PoussinA102 et la sculpture de Versailles, tantôt Michel-AngeA087 et la fin du Flamboyant.

Les théories cycliques viennent alors rejoindre l'historicisme et, pour beaucoup d'auteurs, le Baroque succède au Classicisme en vertu d'une nécessité dialectique intérieure.

C'était l'opinion de WölfflinH1244 qui posait comme une loi démontrée le passage du plastique au pictural et l'irréversibilité des états dans la vie des styles.

Mais d'autres, au contraire, soutiennent alors que le Classique n'est, au XVIIe siècle du moins, qu'un Baroque apaisé.

Ainsi, tandis que, pour les wolffliniens de plus ou moins stricte observance, le Baroque utilise, dans un mode de présentation nouveau, des formes toutes issues de l'effort créateur de la Renaissance, pour d'autres c'est le Baroque qui correspond à l'âge du foisonnement créateur et le Classique qui est le moment d'aménagement de signes antérieurement crées. Il ne saurait être question, bien entendu, d'examiner ici le bien-fondé de ces thèses.

Il reste acquis que le Baroque ne peut plus être considéré comme valeur négligeable.

On pouvait encore, à la fin du XIXe siècle, confondre style et Renaissance, la chose est, aujourd'hui, totalement exclue.

Il a donc paru nécessaire de grouper quelques monographies d'artistes sous cette rubrique à la fois suggestive et un peu équivoque, afin de mettre en relief l'actualité et la portée universelle du problème.

Cependant, il est nécessaire de préciser la place que cette section occupe dans l'économie générale de l'ouvrage. Si, en premier lieu, on a situé délibérément les Baroques dans les temps modernes, c'est parce qu'on ne croit absolument pas au Baroque éternel.

Il n'est certes pas question de nier les affinités qui existent entre le Baroquisme des XVIe et XVIIe siècles et d'innombrables oeuvres du passé.

Toutefois, le problème du Baroque n'existe qu'en fonction d'une certaine époque et d'un certain groupe d'artistes historiquement donnés.

De même qu'on a cru découvrir, à tort, un Impressionnisme éternel lorsque, dans les temps modernes, un groupe de peintres a créé un. »

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