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Léopold Sédar Senghor

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Léopold Sédar Senghor Femme nue, femme noire Vétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux Et voilà qu'au coeur de l'Eté et de Midi, Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle Femme nue, femme obscure Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée Femme noire, femme obscure Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau. Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux. Femme nue, femme noire Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.

« Introduction Léopold Sédar Senghor reprend une longue tradition poétique qui lie la nature et la femme.

Mais le lecteur sent fort bien qu'il ne s'agit pas, dans ce poème, d'une simple convention littéraire.

La symbiose est totale.

La force de la nature africaine, la sensualité, le lyrisme, tout concourt à faire de ce texte un bel hymne à la négritude.

Il sera possible d'étudier la correspondance avec le continent et l'éloge vibrant de l'amour. Développement Le plan de la première partie sera plus succinct que celui de la seconde.

En effet, la comparaison de la femme et de la nature fait, par la suite, l'objet d'une rédaction complète. • Première partie : la femme et la nature La correspondance est évidente.

A l'intérieur de cette partie, on peut classer les remarques par thèmes : la lumière, la force, la fragilité, etc. Il est possible aussi de les répartir en tenant compte des procédés d'écriture.

Les éléments se répondent par analogie, mais aussi par contraste.

C'est cette seconde organisation qui a été retenue. — La correspondance par analogie Elle se manifeste tout d'abord par la nudité.

Ensuite, de nombreux éléments rappellent la nature africaine : gazelle et savane.

Ici, l'on traite ce qui appartient spécifiquement à l'Afrique. La similitude n'est pas déterminée géographiquement : « fruit » et « soleil » encore que ce dernier puisse caractériser le continent noir. — Une correspondance par contraste On insiste surtout sur l'ombre et la lumière, le calme et le tourment. Toutefois, les thèmes ne se combattent pas, l'impression est plutôt celle de la complémentarité. • Deuxième partie : l'éloge de l'amour — La mort, la vie Toutes deux ne sont que les facettes de l'amour.

En effet, la vie anime tout le texte par l'intermédiaire de la sensualité.

Ainsi «savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est».

Il faut noter, à propos de cette phrase, la confusion entre l'Amour de la femme et celui de la nature.

En outre, «ferventes» exprime bien une ardeur, mais aussi un aspect quasi religieux.

Rien de dégradant dans ces plaisirs parce qu'ils sont le triomphe de la vie. La mort, présente à la fin de la première strophe, n'a rien de désespéré.

L'amour «foudroie», m ort d'autant plus violente qu'elle touche «en plein cœur».

Rien de la sensualité morbide de Baudelaire; on penserait plutôt à l'extase de sainte Thérèse par Le Bernin.

A la fin du texte, la notion du temps qui passe ou plutôt de la beauté éphémère introduirait comme une nostalgie. L'image du feu, pur, de la foudre qui ne laisse pas de traces fait place aux cendres.

Pourtant, le poème se termine à nouveau sur l'espoir puisque cette disparition servira à « nourrir les racines de la vie ».

Que ce soit dans les airs, avec «l'éclair de l'aigle» ou sous terre, avec «les racines», la vie triomphe toujours.

Même le destin jaloux de la beauté, comme les dieux grecs le sont aussi des hommes, se plie au mouvement universel. — L'amour ferment de l'inspiration poétique Là encore, Senghor renouvelle un thème traditionnel : «bouche qui fais lyrique ma bouche».

La neutralité du verbe «faire» accentue la valeur de l'adjectif, la phrase s'encadre par les deux mêmes mots qui s'appellent.

Le lyrisme imprègne tout le texte marqué par une vaste incantation.

La disposition «femme nue, fem me noire», «femme nue, femme obscure » est construite en chiasme.

A chaque strophe le thème est posé et les images, souvent longue suite d'appositions, se succèdent comme autant d'illuminations. Le rôle du poète est assigné : «forme que je fixe dans l'Eternel».

La polysémie de «fixe» laisse une ambiguïté : s'agit-il d'une contemplation, d'un regard fasciné sur cette beauté céleste ou d'une forme que l'auteur rend fixe.

A l'appui de la première hypothèse, la foudre qui s'abat.

A l'appui de la seconde, le vocabulaire conquérant : vainqueur, athlète, les princes du Mali et, surtout, le caractère en apparence éphémère de la beauté. Le poème donne à la femme tous les traits de l'éternité : la plus grande généralisation est atteinte grâce à l'absence de déterminant : « Femme nue.

» En outre, on note le bref retour au passé «j'ai grandi à ton ombre»; le texte chante l'amour mais aussi toutes les femmes qui ont élevé, protégé l'écrivain.

La sensualité devient idéale : «le chant spirituel de l'Aimée».

Car le poème réussit à mêler la réalité la plus physique à la forme la plus mythique.

Comme la Vénus de Milo, perfection grecque, la Femme noire, perfection africaine, atteint le type universel de beauté. Enfin, la louange de la femme n'abaisse pas l'homme, comme le veut une tradition qui part de la courtoisie pour aboutir même aux surréalistes.

Le poète qui retrouve vie grâce à la femme fait souvent figure d'être faible, d'enfant.

Ici l'auteur revendique la force et la puissance. première partie rédigée Le poème établit des analogies très étroites entre la femme et la nature.

Chaque strophe commence par «Femme nue».

Mais cette nudité n'est pas exempte de noblesse, de dignité.

L'apposition «vêtue de ta couleur qui est vie» allie la culture et la nature, simplement «le vêtement» ne renvoie pas à une appartenance sociale, il ne sert pas à voiler, il est «vie».

Le corps ressemble à un tam-tam sculpté : la nature est œuvre d'art. Certains points de comparaison rappellent immédiatement l'Afrique : « savane, gazelle ».

Toutes deux évoquent les vastes espaces, la course, la légèreté.

Les allitérations en s et z chantent la douceur.

Les attaches font penser au délié de l'animal, et l'adjectif «célestes» ajoute la perfection à la finesse, à la délicatesse.

Il introduit aussi l'image de la déesse dont les dieux seront jaloux.

Si la similitude avec le fruit et le soleil peut être soulignée sous d'autres cieux, il est évident que les indications de l'Été, de Midi, tout le vocabulaire de la brûlure font penser au climat africain.

De même que le paroxysme de la chaleur est atteint, de même le fruit mûr suggère l'épanouissement triomphant (à la chair ferme). Si le texte offre des correspondances directes, il joue aussi sur les contraires.

L'ombre et la lumière dominent.

Les adjectifs «noirs, obscure, sombre» reviennent à plusieurs reprises.

On notera l'interprétation double de l'adjectif «obscure» : acception physique mais aussi figurée : mystérieux.

Comme nous l'avons dit à propos de la nudité, ce secret ne provient pas d'un être qui se voile, se cache, se dérobe, mais de sa trop grande richesse.

Liée à la nature, la femme est aussi inépuisable qu'elle. La lumière est également présente avec, par exemple, l'homophonie de «l'éclair» et de «éclaire».

Et surtout, le soleil parcourt tout le texte.

Il se métamorphose en feu qui calcine, en foudre, et même en «or rouge». Les deux éléments se valorisent : l'ombre rend plus claire sa lumière et la lum ière rend plus sombre l'ombre.

Ainsi la peau combine «la nuit» et «l'or».

Cependant, ici, rien de mitigé, les contrastes ne s'annulent pas, l'été fait aimer la nuit et «les soleils prochains» appellent «les étoiles» astres du soir.

Dans une même phrase se heurtent les termes : «A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse.» L'inversion du sujet met le verbe en évidence.

Rien de terne ici : le noir a l'éclat de la moire. De même, la terre calcinée engendre une Terre promise avec ses fruits, sa richesse.

Le vin enivre et le texte mêle l'exaltation amoureuse à l'apaisement.

Dans une nature tourmentée par le Vent, par la chaleur,, par la passion, la femme apparaît comme «Huile que ne ride nul souffle, huile calme».

Outre le calme, cette phrase suggère la jeunesse que n'affecte nulle marque, aucune cicatrice.

De ces deux états naît une certaine gravité perceptible dans la voix de contralto qui répond au tam-tam.

Les formes contrastées ne s'agressent pas.

Grâce à la confrontation des éléments antagonistes, elles gagnent en intensité.

Par sa beauté formelle, «Femme noire» se dessine sous nos yeux et prend une valeur de symbole.

Comme certaines œuvres plastiques, elle atteint au classicisme.

Elle surgit des mots et se confond avec la nature dans ce que celle-ci a de plus noble : l'Été, le Midi, la Terre, le Vent, mais aussi parce que le Vainqueur et l'Aimée sont la proie de l'Éternel et du Destin.. »

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