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Lady Montagu

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Quand Lady Mary Wortley Montagu était une petite fille, son jeu favori consistait à courir de toutes ses forces, le soir, dans la prairie, pour essayer d'attraper le soleil couchant. On pourrait voir, dans cette tentative passionnée pour saisir la miraculeuse boule de feu, le premier signe d'une imagination poétique. En fait, bien que plus tard elle écrivît des vers, pas très bons, Lady Mary devait se révéler comme une nature insensible aux émotions poétiques. Mais cette impulsion enfantine qu'elle se plaisait à évoquer nous apparaît, avec le recul du temps, comme singulièrement révélatrice d'une destinée. La vie de Lady Mary fut longue, varice, mouvementée, mais cette femme énergique ne cessa jamais de poursuivre ce qu'elle ne pouvait atteindre, tout en sachant parfaitement que son rêve le plus cher était basé sur une impossibilité.

« Lady Montagu Quand Lady Mary Wortley Montagu était une petite fille, son jeu favori consistait à courir de toutes ses forces, le soir, dans la prairie, pour essayer d'attraper le soleil couchant.

On pourrait voir, dans cette tentative passionnée pour saisir la miraculeuse boule de feu, le premier signe d'une imagination poétique.

En fait, bien que plus tard elle écrivît des vers, pas très bons, Lady Mary devait se révéler comme une nature insensible aux émotions poétiques. Mais cette impulsion enfantine qu'elle se plaisait à évoquer nous apparaît, avec le recul du temps, comme singulièrement révélatrice d'une destinée.

La vie de Lady Mary fut longue, varice, mouvementée, mais cette femme énergique ne cessa jamais de poursuivre ce qu'elle ne pouvait atteindre, tout en sachant parfaitement que son rêve le plus cher était basé sur une impossibilité. Elle voulut être une femme de lettres alors que son rang lui interdisait de publier une ligne sous son propre nom.

Il fallut donc tricher, cacher le démon d'écrire sous le masque inoffensif d'une grande dame qui s'amuse, se rabattre sur les journaux intimes, sur la littérature épistolaire surtout, et mettre son espoir dans une gloire posthume.

Mais le masque ne tint jamais très bien en place : trop de secousses dans sa vie privée, trop de grimaces d'enfant terrible, et, bon gré mal gré, au grand scandale de sa famille, Lady Mary se trouva bien souvent au centre de la petite guerre de pamphlets, satires, attaques et contre-attaques qui sévissait dans les milieux littéraires de son temps.

On comprend que sa personnalité et l'histoire de sa vie aient fasciné ses biographes qui s'avouent impuissants à en résoudre toutes les contradictions, à en percer tous les mystères. Il est également difficile de porter un jugement sur la valeur de ses lettres.

Elles sont décevantes si, en les lisant, on pense à sa grande rivale, Mme de Sévigné, ou à son compatriote Lord Chesterfield.

Bien souvent, surtout dans les lettres adressées à sa fille, elle nous irrite par quelque chose de sec, de dur, et par une morgue aristocratique que ne nuancent pas les subtiles raisons du coeur. Mais pour qui aime à retrouver, même chez des écrivains de deuxième ordre, l'esprit aventureux et frondeur du XVIIIe siècle, les Lettres de Lady Mary Wortley Montagu resteront comme un document historique des plus précieux. En particulier dans ses lettres écrites à l'occasion de son voyage en Turquie, nous retrouvons cette curiosité à l'égard des moeurs et de la religion d'autres pays, cette leçon de relativité, ce goût du paradoxe qui caractérisent son époque : les femmes turques sont plus libres que les Européennes, la religion arabe n'est pas sensiblement différente de la religion chrétienne, et, pour ajouter une note de coquetterie à la hardiesse de ses opinions, Lady Mary se fait peindre par Keller en costume turc.

Surtout elle incarne le XVIIIe siècle par son désir constant d'être une femme d'esprit en toutes choses : dans sa vie, dans ses conversations, dans sa correspondance.

Et l'esprit, au XVIIIe siècle, c'est essentiellement le culte du bon sens se traduisant par tout un rituel de comparaisons piquantes et d'aphorismes incisifs.

Ses nombreux amis et admirateurs, anglais, français, italiens ou turcs s'accordèrent pour lui trouver infiniment de charme et d'esprit : mais les lecteurs d'aujourd'hui trouveront sans doute que le style de Lady Mary n'a été que bien rarement à la hauteur de son ambition. Demi-succès ? Demi-échec ? On ne saurait conclure facilement.

Cette femme attire et rebute à la fois, stimule notre curiosité et la déçoit, provoque notre admiration et aussi un peu notre pitié, et reste assez mystérieuse.

Après tant de complications et de contradictions, après un si long jeu de cache-cache avec ses préjugés, sa famille, ses amis et les insaisissables Muses, on ne peut que lui souhaiter d'avoir atteint le seul paradis auquel elle crût : celui où commence dans la lumière sereine le règne incontesté du bon sens.. »

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