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La philosophie de Proust

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La philosophie de Proust Marcel Proust a voulu marquer toute son oeuvre au sceau du Temps. Il montre la cruauté de sa tyrannie; mais il croit à la possibilité d'une délivrance, dont le dernier volume de sa suite romanesque apporte le secret. LA SUJÉTION AU TEMPS Proust constate avec angoisse l'écoulement, la corruption, puis la destruction des choses et des êtres par le Temps. Le paradis enfantin est perdu; la mort nous prive des parents que nous avons passionnément aimés; et notre coeur ne conserve d'eux qu'un souvenir intermittent. L'amour, pure création de notre esprit, est un mirage qui découvre, en se dissipant, une réalité vulgaire. La vie sociale, les « grandes situations », n'ont pas davantage d'existence réelle : les milieux aristocratiques s'écroulent; le faubourg Saint-Germain se dissout; les usages mondains révèlent leur vanité. Ainsi le monde extérieur ne nous procure que des expériences décevantes.

« Selon Marcel Proust, la création esthétique permet seule de pénétrer l'essence du monde, dont l'expérience commune ne distingue que des aspects illusoires.

Sa conscience d'artiste s'applique continuellement à rendre évidente, au sein de son oeuvre, la présence d'une réalité absolue. LA MYSTIQUE DE L'ART. L'art, aux yeux de Proust, prend la valeur d'une religion.

Tout chef-d' oeuvre implique la révélation d'une vérité suprême et résonne en nous comme un « appel vers une joie supra-terrestre ».

Tout artiste est un prêtre qui accomplit comme un sacerdoce les rites d'une initiation.

Lorsque Vermeer peint, dans sâ Vue de Delft, un petit pan de mur jaune, il le transfigure par son génie au point d'exprimer sur sa toile toute la poésie divine qui se cache sous les plus humbles apparences.

De même, un motif musical jailli des profondeurs d'une âme inspirée apporte à l'âme de l'auditeur l'écho d'une patrie céleste dont la vulgarité des contingences lui avait fait perdre le souvenir.

Ainsi, par l'intercession des grands peintres ou des grands musiciens, nous arrivons à connaître « cette réalité loin de laquelle nous vivons...

et qui est tout simplement notre vie, la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie ». LA MÉTHODE DE L'ARTISTE. L'artiste ne peut dès lors se contenter d'un réalisme étroit qui reproduit les apparences au lieu de les dépasser.

La vision vraie n'est pas la vision commune qui ramène l'objet à des lignes grossières, mais la vision enrichie des multiples nuances qu'y associe le souvenir : « La vue, par exemple, de la couverture d'un livre déjà lu a tissé dans les caractères de son titre les rayons de lune d'une lointaine nuit d'été.

» Créer une oeuvre d'art, c'est donc exercer avec méthode cette mémoire affective dont la plupart des hommes négligent d'approfondir les suggestions et saisir ainsi des relations insoupçonnées. LES PROCÉDÉS DE L'ÉCRIVAIN. Pour exprimer ces relations, l'écrivain recourt tout naturellement à la métaphore, qui, entre deux objets, met en évidence une analogie implicite (« A l'ombre des jeunes filles en fleurs »), ou même à la comparaison en forme, filée parfois tout au long d'une phrase sinueuse : « La haie (d'aubépines) formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir; au-dessous d'elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s'il venait de traverser une verrière; leur parfum s'étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j'eusse été devant l'autel de la Vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d'un air distrait son étincelant bouquet d'étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l'église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail, et qui s'épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier.

» La fraîcheur et la profusion des images qui surgissent ainsi à chaque page entretiennent dans toute l'oeuvre un climat d'intense poésie. La philosophie de Proust Marcel Proust a voulu marquer toute son oeuvre au sceau du Temps.

Il montre la cruauté de sa tyrannie; mais il croit à la possibilité d'une délivrance, dont le dernier volume de sa suite romanesque apporte le secret. LA SUJÉTION AU TEMPS Proust constate avec angoisse l'écoulement, la corruption, puis la destruction des choses et des êtres par le Temps.

Le paradis enfantin est perdu; la mort nous prive des parents que nous avons passionnément aimés; et notre coeur ne conserve d'eux qu'un souvenir intermittent.

L'amour, pure création de notre esprit, est un mirage qui découvre, en se dissipant, une réalité vulgaire.

La vie sociale, les « grandes situations », n'ont pas davantage d'existence réelle : les milieux aristocratiques s'écroulent; le faubourg Saint-Germain se dissout; les usages mondains révèlent leur vanité.

Ainsi le monde extérieur ne nous procure que des expériences décevantes. Notre être physique et mental n'échappe pas à la loi commune.

Le temps exerce ses ravages sur nos corps : pour métamorphoser en quelques années une blonde valseuse en une grosse dame à cheveux blancs et à la démarche pesante, il accomplit « plus de dévastations que pour mettre un dôme à la place d'une flèche ».

La vie de notre esprit, instable et incohérente, apparaît comme une succession de périodes où rien de ce qui soutenait la précédente ne subsiste plus dans celle qui la suit : « la désagrégation du moi est une mort continue ». LA VICTOIRE SUR LE TEMPS Le passé, pourtant, ne meurt pas à jamais; il reste enfoui dans les profondeurs de notre inconscient, sous forme d'impressions évanouies, mais toujours prêtes à repa-raître : « Quand d'un passé ancien rien ne subsiste après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles, mais plus vivaces, plus immaté-rielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore long-temps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.

» (Du côté de chez Swann.) Ces moments de résurrection se produisent lorsqu'une sensation présente rappelle à notre mémoire affective une sensation éprouvée autrefois.

Ainsi le contact d'une serviette empesée sur ses lèvres rappelle au Narrateur une sensation identique ressentie jadis au Grand-Hôtel, à Balbec : aussitôt mille détails ressuscitent en lui et raniment les émotions de sa vie passée.

En vivant à la fois dans deux " instants distincts, nous éprouvons le sentiment d'échapper aux servitudes de la durée et d'accéder à une sorte d'éternité. Mais de telles associations sont rares et fugitives.

Elles ne nous apporteraient qu'une joie précaire, sans le concours actif de notre esprit, qui doit répondre à ces appels spontanés et tirer de nos intuitions fugaces, au prix d'un effort douloureux, une vérité essentielle et permanente.

Cette élaboration, qui consacre de façon définitive notre victoire sur le Temps, est le propre de l'Art.. »

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