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Jules LAFORGUE (1860-1887) (Recueil : Derniers vers) - Le mystère des trois cors

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Jules LAFORGUE (1860-1887) (Recueil : Derniers vers) - Le mystère des trois cors Un cor dans la plaine Souffle à perdre haleine, Un autre, du fond des bois, Lui répond ; L'un chante ton-taine Aux forêts prochaines, Et l'autre ton-ton Aux échos des monts. Celui de la plaine Sent gonfler ses veines, Ses veines du front ; Celui du bocage, En vérité, ménage Ses jolis poumons. - Où donc tu te caches, Mon beau cor de chasse ? Que tu es méchant ! - Je cherche ma belle, Là-bas, qui m'appelle Pour voir le Soleil couchant. - Taïaut ! Taïaut ! Je t'aime ! Hallali ! Roncevaux ! - Être aimé est bien doux ; Mais, le Soleil qui se meurt, avant tout ! Le Soleil dépose sa pontificale étole, Lâche les écluses du Grand-Collecteur En mille Pactoles Que les plus artistes De nos liquoristes Attisent de cent fioles de vitriol oriental !... Le sanglant étang, aussitôt s'étend, aussitôt s'étale, Noyant les cavales du quadrige Qui se cabre, et qui patauge, et puis se fige Dans ces déluges de bengale et d'alcool !... Mais les durs sables et les cendres de l'horizon Ont vite bu tout cet étalage des poisons. Ton-ton ton-taine, les gloires ! .... Et les cors consternés Se retrouvent nez à nez ; Ils sont trois ; Le vent se lève, il commence à faire froid. Ton-ton ton-taine, les gloires !... - " Bras-dessus, bras-dessous, " Avant de rentrer chacun chez nous, " Si nous allions boire " Un coup ? " Pauvres cors ! pauvres cors ! Comme ils dirent cela avec un rire amer ! (Je les entends encor). Le lendemain, l'hôtesse du Grand-Saint-Hubert Les trouva tous trois morts. On fut quérir les autorités De la localité, Qui dressèrent procès-verbal De ce mystère très-immoral.

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