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Jean-Marie Domenach, Le Retour du Tragique

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Dans une société qui porte sur toute chose son regard économique, la littérature est devenue une carrière exploitable à merci. Elle partage avec le tourisme ce précieux avantage : la consommation ne l'appauvrit pas ( Racine, comme le soleil, est inépuisable ; Victor Hugo, comme la mer). Elle s'en accroît plutôt : des livres ajoutés aux livres allongent la promenade en repoussant toujours plus loin le mystère. Nous approchons du moment où la critique se constituera à son tour en industrie autonome, installant ses derricks à proximité des gisements littéraires. Et tandis que la faculté de lire diminue sous la pression des multiples distractions de masse, la prolifération critique finit par obnubiler la littérature. On la visite, comme on visite les chefs-d'oeuvre du passé, et des millions de citadins en vacances s'extasient devant des cathédrales et de vieux villages, sans avoir l'idée que tout cela pouvait servir à habiter, à prier ; pour eux, ça sert à photographier. De même la littérature, devenue objet de cours. Cessons donc de nous comporter en écoliers ou en touristes ! Vivons avec les oeuvres que nous aimons, vivons d'elles. Jean-Marie Domenach, Le Retour du Tragique, Seuil. Vous montrerez quels sont, d'après ce texte, les rapports de la littérature et de la critique et vous vous interrogerez avec son auteur sur l'avenir de la littérature. INTRODUCTION Jean-Marie Domenach nous propose dans ce texte, plus qu'une analyse, une vision des rapports qu'entretiennent littérature, critique et public. Grâce à des comparaisons simples et frappantes il met en évidence les déviations que peut subir l'étude littéraire ainsi que l'utilisation commerciale qui peut en être faite. Nous essaierons de dégager la portée de ces accusations ainsi que l'attitude que l'on peut adopter pour s'y soustraire.

« Dans une société qui porte sur toute chose son regard économique, la littérature est devenue une carrière exploitable à merci.

Elle partage avec le tourisme ce précieux avantage : la consommation ne l'appauvrit pas ( Racine, comme le soleil, est inépuisable ; Victor Hugo, comme la mer).

Elle s'en accroît plutôt : des livres ajoutés aux livres allongent la promenade en repoussant toujours plus loin le mystère.

Nous approchons du moment où la critique se constituera à son tour en industrie autonome, installant ses derricks à proximité des gisements littéraires.

Et tandis que la faculté de lire diminue sous la pression des multiples distractions de masse, la prolifération critique finit par obnubiler la littérature.

On la visite, comme on visite les chefs-d'œuvre du passé, et des millions de citadins en vacances s'extasient devant des cathédrales et de vieux villages, sans avoir l'idée que tout cela pouvait servir à habiter, à prier ; pour eux, ça sert à photographier.

De même la littérature, devenue objet de cours.

Cessons donc de nous comporter en écoliers ou en touristes ! Vivons avec les œuvres que nous aimons, vivons d'elles. Jean-Marie Domenach, Le Retour du Tragique, Seuil. Vous montrerez quels sont, d'après ce texte, les rapports de la littérature et de la critique et vous vous interrogerez avec son auteur sur l'avenir de la littérature. INTRODUCTION Jean-Marie Domenach nous propose dans ce texte, plus qu'une analyse, une vision des rapports qu'entretiennent littérature, critique et public.

Grâce à des comparaisons simples et frappantes il met en évidence les déviations que peut subir l'étude littéraire ainsi que l'utilisation commerciale qui peut en être faite.

Nous essaierons de dégager la portée de ces accusations ainsi que l'attitude que l'on peut adopter pour s'y soustraire. I.

RAPPORTS DE LA LITTÉRATURE ET DE LA CRITIQUE L'auteur nous présente ces rapports en assimilant la littérature à une « carrière exploitable » : dans cette image la littérature est en quelque sorte la « source d'énergie », ainsi que le laisse penser le mot « gisement » et la critique représente la technique d'exploitation.

Comparaison féroce s'il en est, puisqu'elle ramène une partie de la vie intellectuelle à une simple affaire commerciale.

Comme telle, la littérature présente deux aspects : elle est objet de critique et source de profit.

L'auteur balaie donc l'aspect quelque peu sacré de l'œuvre d'art, qui la situe bien au-dessus des intérêts matériels ; étudiée comme un aspect parmi d'autres de notre société, la littérature peut plus facilement être étudiée d'un point de vue critique.

Nous nous apercevons sur-le-champ qu'elle n'est pas dénigrée pour elle-même par l'auteur, mais que l'utilisation qui en est faite par la société moderne est sévèrement critiquée.

Comme nous l'avons vu, ce n'est pas tant l'aspect pécuniaire de la question qui est envisagé que ses répercussions psychologiques : la critique, qui vit de la littérature, finit par l'envahir, la submerger au point que celle-ci disparaît dans son originalité.

Si l'œuvre artistique est vraiment géniale, sa richesse est infinie : voilà qui constitue la force de la littérature mais aussi la faille qui en fait l'objet idéal de consommation. Pour un seul génie, quelle longue bibliographie critique ! A ce point de réflexion, l'auteur introduit un autre élément destructeur : « les pressions des distractions de masse ».

En effet, celles-ci donnent à la critique un nouvel avantage : lire demande du temps, la possibilité de s'isoler intellectuellement et matériellement, ainsi que le souci d'une recherche personnelle.

Les conditions de vie de l'homme moderne, comme notre paresse naturelle sont donc facilement exploitables, et la critique fournit à bon compte un avis « autorisé » sur une œuvre. Elle se divise en deux catégories pour atteindre l'ensemble des lecteurs : pour la grande masse, elle s'exprime dans les journaux et devient alors une méthode publicitaire parmi d'autres ; pour les spécialistes, elle accumule d'imposants volumes de gloses et de commentaires et se prétend nécessaire à tout homme cultivé.

L'alliée naturelle est donc devenue le pire ennemi. II.

DEVENIR DE LA LITTÉRATURE Domenach a l'honnêteté de dévoiler la grande misère intérieure que connaît la littérature dans notre société en dénonçant les attaques qu'elle subit : dépossédée de sa propre substance, elle souffre aussi de la mentalité superficielle de ses lecteurs.

En poursuivant sa comparaison entre critique et tourisme, l'auteur approfondit sa pensée : si le public adopte envers la littérature la même attitude qu'envers les pays qu'il parcourt, c'est que toute une culture médiocre s'est développée.

La plupart des individus vivent de romans-photos ou d'ouvrages policiers de série.

Là se trouve la source de leurs émotions.

Nous comprenons alors mieux l'attitude de dilettante, suggérée par les termes « promenade » et « visite », et fondée sur la méconnaissance profonde de l'intérêt littéraire.

En même temps, beaucoup prennent conscience de l'existence d'une culture plus noble ; ils se livrent alors au culte des génies : culte d'autant plus fervent qu'il s'adresse à des dieux morts.

Car ces auteurs ne sont plus pour eux que des noms prestigieux qu'il est de bon ton d'admirer : mais qui songerait à se nourrir de leur pensée ? Sans doute l'oubli, pour injuste qu'il soit, paraîtrait-il encore préférable à cette adoration de commande : car elle entretient le public dans l'idée qu'il possède une culture et lui fait négliger de s'en créer une, authentique.

Ainsi, ce qui fut, et pourrait être encore, source de vie, devient-il totalement inutile : si les hommes ne se sentent pas profondément concernés par leurs lectures, si leur vie n'est pas en jeu dans les méditations qui en naissent, la littérature n'est plus qu'un élément de train de vie.

Tout sombre alors dans l'anecdotique, ce qui est bien la forme la plus pernicieuse de l'étude.

C'est pourquoi l'auteur fustige « la littérature, devenue objet de cours », car ceux-ci laissent croire trop souvent qu'il est nécessaire et suffisant de connaître dans leurs grandes lignes les caractéristiques d'un auteur ; ils font de la littérature une nomenclature, elle qui doit être inspiration et mise en question permanente, source de réflexion, de vie intellectuelle. CONCLUSION La dernière phrase de ce passage est donc un appel à la sincérité et à la recherche intellectuelles qui, seules, peuvent créer une culture authentique, donc enrichissante.

Elle représente aussi le refus de se cantonner dans le commentaire, pour atteindre à la méditation personnelle.

L'auteur, par des comparaisons d'autant plus frappantes qu'elles reposent sur une analyse rigoureuse, parvient à nous persuader de la nécessité du retour aux sources pour rendre à la littérature son but initial et la fraîcheur de son inspiration.. »

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