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Jean-Antoine de BAÏF (1532-1589) (Recueil : Amours de Francine) - Or voy-je bien qu'il faut vivre en servage

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Jean-Antoine de BAÏF (1532-1589) (Recueil : Amours de Francine) - Or voy-je bien qu'il faut vivre en servage Or voy-je bien qu'il faut vivre en servage, A dieu ma liberté : Dans les liens de l'amoureux cordage Je demeure arresté. J'ay conoissance De la puissance D'une maistresse, Qu'Amour adresse. Ô combien peut sur nous une beauté ! J'ay veu le temps que l'on me disoit : Garde Amour te punira ; Tu ris de luy, tu ris, mais quoy qu'il tarde De toy il se rira. Je leur disoye : Devant que soye De la sagette Qu'aux coeurs il jette Atteint au coeur, le monde finira. Mais qu'ay-je fait de ma fiere arrogance ? Où est ce brave coeur ? Je conoy tard ma fole outrecuidance, Amour, en ta rigueur. Je le confesse, Une maistresse Belle et bien-née Tu m'as donnée : Je suis vaincu, et tu es le vainqueur. Et quel effort ay-je oublié de faire, Pour rompre ta prison ? Et quel remede à mon grand mal contraire Pour avoir guerison ? Mais toute peine M'a esté vaine. Il n'est plus heure Qu'on me sequeure : Trop a gagné dedans moy la poison. J'ay bien voulu moy-mesme me contreindre De Francine haïr. (Pardon Francine : et mon mal n'en est moindre, Et je veu t'obeïr) Où que la visse, De vertu vice J'ay voulu faire Pour m'en distraire ; Mais c'est en vain qu'amour je veu fuir. Mesme cuidant (ô cuider execrable !) Mon tourment alleger, J'ay bien osé par un vers difamable La vouloir outrager. Mais mon martyre M'a fait dedire. " La vraye plainte " Plus que la feinte " Peut de l'amour la peine soulager. Vous jeunes gens, qu'Amour des-ja menace, Fuiez ce faus archer, Fuiez son arc, courez de place en place, Ne vous laissez toucher. " Puis que la fleche " A fait sa breche, " C'est grand'sotise " Si l'on s'avise " Après le coup du tireur n'aprocher. Heureux celuy que d'autruy le dommage " A fait bien avisé : Si j'eusse peu de bonne heure estre sage Devant qu'il eust visé, Plus sain je fusse, De luy je n'usse Paravanture Ce que j'endure : Je ne languisse ainsi martyrisé ! Bien que mon mal me cause un grand martyre En cruelle rigueur, Heureux vrayment de l'avoir me puis dire Pour si grande valeur. Je reçoy gloire De sa victoire : " L'honneur surmonte " La foible honte " S'on est vaincu par un brave vainqueur. Puis que mon mal est si grand qu'il refuse L'espoir de guerison, Je feray bien, si doucement j'abuse L'effét de sa poison. " L'acoutumance " Donne alegeance, " Quand on suporte " De vertu forte " Ce qui ne peut s'amander par raison.

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