Hérédia, « Le récif de corail »
Extrait du document
«
Introduction.
José-Maria de Heredia appartient au groupe des Parnassiens qui se forme, entre 1860 et 1866, autour de Théophile
Gautier, leur maître, à l'origine de la doctrine de l'Art pour l'Art.
Les Parnassiens récusent notamment le romantisme
sentimental et confidentiel que leur paraît symboliser Alfred de Musset.
Le recueil de poèmes le plus célèbre de José
Maria de Heredia, Les Trophées, paraît en 1894 et éternise à travers cent dix-huit sonnets des instants privilégiés ou
mémorables de l'histoire ou du spectacle de fa nature.
Ici, le poète, d'origine cubaine, restitue la beauté et l'éclat de la
mer des Antilles.
Le poème s'attache à rendre le foisonnement de la vie sous-marine et dresse un tableau pittoresque qui n'exclut pas le
mystère conformément à une esthétique fin de siècle.
I.
Le foisonnement de la vie.
Comme Paul Valéry invoquant plus tard « les gênes exquises » des formes fixes ou de la versification, Heredia se plaît à
intégrer une vie foisonnante et luxuriante dans le cadre étroit du sonnet.
1.
La composition du poème.
Heredia adapte la composition strophique du sonnet à la description des fonds sous-marins.
Les quatrains plantent le décor et évoquent un spectacle global.
Ex.
: v.
1 : impression générale de lumière, v.
2 : décor en liaison avec le titre du sonnet (« la forêt » et « le récif de
corail »).
Présence de termes génériques (v.
4 : « la bête », « la flore »), de pronoms indéfinis (v.
5 : « tout...
») ou
d'énumérations (v.
6 : « Mousse, algue chevelue, anémones, oursins »).
Les versets en revanche (plus brefs par définition) évoquent en gros plan un élément agissant pendant un instant
précis : le poisson et les effets de lumière résultant de son passage.
Le lien entre les deux types de strophes est assuré par cet effet de gros plan et la continuité thématique : par les
effets de lumière, le poisson apparaît comme un deuxième soleil.
2.
La variété des éléments mis en scène.
• Les cieux règnes, animal et végétal, sont présents et confondus.
Ex.
: v.
4 « la bête épanouie et la vivante flore », aussi
Le commentaire composé
luxuriantes l'une que l'autre comme le souligne le rapprochement des deux adjectifs « épanouie » et « vivante ».
• Les éléments vivants sont nombreux.
Annoncés par le vers 4 (« la bête épanouie ») et le vers 5 (« Et tout...
»), ils sont développés par l'énumération du
vers 6.
Ce foisonnement prépare la vision du poisson, personnage principal des versets.
• Le décor choisi, le corail, est également vivant :
— v.
4 : « la vivante flore »,
— v.
8 : « le fond vermiculé du pâle madrépore » ; l'adjectif « vermiculé » évoque le monde animal.
Le corail oscille
donc entre deux registres, animal et végétal (v.
2 : « la forêt » et v.
10 : « les rameaux »).
3.
Evocation d'un monde mouvant.
Heredia, à la manière d'un peintre, s'attache aux jeux de lumière, aux couleurs et aux mouvements.
• Les jeux de lumière.
Les premiers et les derniers vers du poème sont consacrés à la lumière :
— v.
1 et 2 : « le soleil », « aurore », « éclaire » (noter la place des mots clés dans le vers en tête ou à la rime) ;
— v.
12 et 14 : « le feu » et le « frisson d'or » annoncés par le verbe « éteindre » signifiant ici « surpasser » au vers
9.
• Les couleurs : v.
5 : « Et tout ce que le sel ou l'iode colore », v.
7 : « Couvre de pourpre sombre...
»
— leur opposition et l'effet en résultant (« pourpre sombre » et « pâle madrépore »),
— leur richesse : v.
9 : « De sa splendide écaille éteignant les émaux »,
— leur variété et leur luminosité : v.
14 : « ...
un frisson d'or, de nacre et d'émeraude ».
• Les mouvements.
Les quatrains évoquent une animation continue, celle de l'enchevêtrement de différents animaux autour du récif de
corail (deuxième quatrain).
Les tercets décrivent l'irruption du poisson dans ce décor.
Heredia souligne l'opposition entre l'action longue («
naviguer », « indolemment il rôde ») et brève (« brusquement, d'un coup...
», « il fait [...] courir »).
Noter la place de
« coup » à la césure à l'hémistiche et du rejet en tête de vers de « Courir ».
Le poème s'achève sur cette impression de mouvement et de splendeur, conformément à l'esthétique du sonnet en
général et de J.-M.
de Heredia pour qui le dernier vers du sonnet est primordial.
Transition.
Le tempérament du poète enclin à exalter la vie sous toutes ses formes en dépit du dogme d'impassibilité du Parnasse
et peut-être quelques souvenirs personnels expliquent l'accent mis sur le foisonnement de vie.
L'esthétique
parnassienne apparaît cependant dans ce tableau pittoresque et mystérieux..
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