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Henri Michaux

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La situation d'Henri Michaux dans la littérature contemporaine est en tout point singulière. Ce poète est sans doute le seul de sa génération qui n'ait appartenu à aucun mouvement, à aucune école. A Paris depuis près de quarante ans quand il n'est pas en voyage (Henri Michaux a voyagé un peu partout dans le monde), il y a écrit et publié, dans la solitude, une quarantaine de livres (le premier, Qui je fus, parut en 1927) qui d'abord rencontrèrent une audience limitée. Il a fallu attendre l'après-guerre pour que cette œuvre, après qu'André Gide l'eut "découverte" (Découvrons Henri Michaux, 1941), conquît peu à peu sa place qui, de toute évidence, est aujourd'hui la première.

« Henri Michaux La situation d'Henri Michaux dans la littérature contemporaine est en tout point singulière.

Ce poète est sans doute le seul de sa génération qui n'ait appartenu à aucun mouvement, à aucune école.

A Paris depuis près de quarante ans quand il n'est pas en voyage (Henri Michaux a voyagé un peu partout dans le monde), il y a écrit et publié, dans la solitude, une quarantaine de livres (le premier, Qui je fus, parut en 1927) qui d'abord rencontrèrent une audience limitée.

Il a fallu attendre l'après-guerre pour que cette oeuvre, après qu'André Gide l'eut "découverte" (Découvrons Henri Michaux, 1941), conquît peu à peu sa place qui, de toute évidence, est aujourd'hui la première. Un phénomène de génération spontanée : ainsi apparaît cette oeuvre, difficile à situer dans la géographie littéraire de son temps, sans référence parce qu'exempte d'influence.

L'originalité totale de l'invention autant que de l'expression, un parfait mépris des genres, comme tous essayés et moqués tour à tour, la diversité extrême de ton, le mélange du fantastique le plus inquiétant et de l'observation la plus aiguë de la réalité, du lyrisme et de l'humour : c'est là ce qui frappe d'abord le lecteur de ces livres, qui, plutôt que dans une lecture, se sent entraîné dans la confidence et la complicité d'une aventure insolite mais plausible.

On trouve, dans ces livres, des "histoires" il y a chez Michaux un merveilleux conteur qui prennent tantôt l'allure de poèmes en prose (La nuit remue, Plume), tantôt celle de courts aphorismes, légers, cruels et profonds en même temps (Tranches de savoir) ; des descriptions de pays imaginaires (Voyage en grande Garabogne, Au pays de la magie), et aussi de pays bien réels (Un barbare en Asie) ; des pages d'essai, qui sont à la fois de la psychologie, de la morale et de la critique, mais avant tout peutêtre de la poésie (Passages) ; enfin, çà et là, des poèmes, jaillis comme un cri du plus vif de l'affectivité, qui ressemblent plus à un bref et déchirant solo de jazz qu'à ce que nous avons coutume d'appeler poèmes.

Une longue expérience des hallucinogènes (le hachisch et la mescaline surtout), poursuivie systématiquement ces dernières années par Henri Michaux, nous a valu plusieurs livres qui, par l'analyse des états exceptionnels suscités par la drogue, éclairent d'une lumière inattendue les mécanismes de notre vie intérieure (Misérable Miracle, l'infini turbulent, Connaissance par les gouffres).

Ces derniers livres achèvent de donner son sens et son unité à une oeuvre qui apparaît aujourd'hui surtout comme le journal d'une même et passionnée exploration : celle de la nature et des pouvoirs de l'esprit, celle de cet Espace du dedans, qui donne son titre au principal choix de textes de Michaux.

Pour cette exploration, un instrument a été créé : celui d'un style qui renouvelle le langage littéraire de notre époque, style à la fois brut et savant, direct et subtil, toujours actif, admirablement fait pour épouser le mouvement même de notre conscience, son va-et-vient incessant entre les pôles du sentir et du penser.

Certaine insatisfaction des moyens du langage, qui sont ceux de la littérature, a poussé, par ailleurs, cet écrivain à s'exprimer par d'autres moyens, en particulier ceux du dessin et de la peinture ; d'où une oeuvre plastique aujourd'hui importante. Finalement, une question se pose, et elle a été posée : Michaux est-il un poète ? Oui, assurément dans la mesure même où sa démarche illustre et résout de façon éclatante la crise ouverte depuis Baudelaire et Rimbaud : c'est-àdire l'éclatement de la poésie et son épanchement hors du poème dans tous les genres, donc dans tous les domaines de l'expression et de la connaissance.. »

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