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Guillaume de Lorris

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Le Roman de la Rose, on le sait, a deux auteurs : Guillaume de Lorris et Jean de Meung. Traité de philosophie amoureuse pour le premier, il est devenu chez le continuateur un vaste poème encyclopédique en même temps qu'une satire âpre et brillante de la société humaine. Guillaume de Lorris, qui a laissé son œuvre inachevée, n'avait pas de si grandes ambitions ; il ne s'est proposé que la mise en action des préceptes de l'amour courtois tel qu'on le concevait alors, mais sa part est assez belle : son poème est une des plus charmantes réussites du XIIIe siècle. On serait bien embarrassé de tracer une biographie, même sommaire, de Guillaume de Lorris : les pièces d'archives sont rares, qui se rapportent aux écrivains de cette époque reculée. Tout ce qu'on sait de lui, c'est qu'il est né vers 1200 dans la petite ville du Gâtinais dont il porte le nom. Il a sans doute étudié à la Faculté des Arts d'Orléans, et il a dû séjourner à Paris. Il est mort avant la trentième année. Son œuvre est brève : en tout quatre mille cinquante-huit vers, mais elle est précieuse : on y trouve, avec la fraîcheur de la jeunesse, le raffinement de l'humaniste. L'intérêt seul du poème eût pu sans doute lui assurer la durée promise aux chefs-d'œuvre, mais il est certain d'autre part que la fortune extraordinaire de la seconde partie du Roman de la Rose a contribué à sauver la première de l'oubli.

« Guillaume de Lorris Le Roman de la Rose, on le sait, a deux auteurs : Guillaume de Lorris et Jean de Meung.

Traité de philosophie amoureuse pour le premier, il est devenu chez le continuateur un vaste poème encyclopédique en même temps qu'une satire âpre et brillante de la société humaine.

Guillaume de Lorris, qui a laissé son oeuvre inachevée, n'avait pas de si grandes ambitions ; il ne s'est proposé que la mise en action des préceptes de l'amour courtois tel qu'on le concevait alors, mais sa part est assez belle : son poème est une des plus charmantes réussites du XIIIe siècle. On serait bien embarrassé de tracer une biographie, même sommaire, de Guillaume de Lorris : les pièces d'archives sont rares, qui se rapportent aux écrivains de cette époque reculée.

Tout ce qu'on sait de lui, c'est qu'il est né vers 1200 dans la petite ville du Gâtinais dont il porte le nom.

Il a sans doute étudié à la Faculté des Arts d'Orléans, et il a dû séjourner à Paris.

Il est mort avant la trentième année. Son oeuvre est brève : en tout quatre mille cinquante-huit vers, mais elle est précieuse : on y trouve, avec la fraîcheur de la jeunesse, le raffinement de l'humaniste.

L'intérêt seul du poème eût pu sans doute lui assurer la durée promise aux chefs-d'oeuvre, mais il est certain d'autre part que la fortune extraordinaire de la seconde partie du Roman de la Rose a contribué à sauver la première de l'oubli. C'est un Art d'aimer inspiré d'Ovide, moins la grosse sensualité, avec les personnifications mises à la mode par Prudence et Martianus Capella, et influencé par les divers rythmica en vogue parmi les clercs du moyen âge, tels que le Pamphilus et l'Altercatio Phyllidis et Floræ, et surtout par le fameux traité d'André le Chapelain De arte honeste amandi. En principe, ce qui caractérise l'amour, selon André le Chapelain et ses émules, c'est son incompatibilité avec le mariage. Affirmation qui appelle quelques réserves et qu'il faut prendre cum grano salis.

En réalité, chez les écrivains, l'idée du mariage n'est pas absolument bannie, mais sous-entendue ou passée sous silence : les formalités destinées à assurer le sort de la famille et la perpétuité de l'espèce n'ont rien, en effet, de spécialement poétique, non plus que le notaire armé de son contrat, et il ne faut pas confondre le lyrisme avec la comédie. Le sujet du poème de Guillaume est la naissance du sentiment amoureux dans le coeur d'un jeune homme qui, après bien des écoles et maint obstacle, voit l'objet de ses désirs couronner sa flamme, comme on disait autrefois. Le poète s'est endormi ; il fait un songe.

Par une belle journée de printemps, il se trouve devant un verger clos sur les murailles duquel sont peintes des figures allégoriques qui représentent avec une remarquable vérité les éternels ennemis de l'amour : Haine, Vilenie, Convoitise, Avarice, Envie, Papelardie, Tristesse, Vieillesse, Pauvreté.

Dame Oiseuse (l'Oisiveté personnifiée) lui ouvre la porte de ce séjour de délices où s'ébattent dans une ronde gracieuse, vêtus de ravissants atours que le poète décrit avec complaisance, Déduit, autrement dit le Divertissement, et Liesse son amie, et leur plaisante compagnie : Beauté, Richesse, Largesse, Jeunesse, et Franchise que nous nommons aujourd'hui la Bonté.

Là sont des roses à profusion.

Tandis que l'adolescent s'extasie sur l'une d'elles, le dieu d'amour le frappe d'une flèche.

Dès lors, il n'a plus qu'une pensée, cueillir la fleur qu'il a choisie.

Mais tout d'abord, il doit connaître, afin de les observer, les commandements que lui dicte l'Amour : éviter toute vilenie en faits ou en paroles, fuir la médisance, être discret, poli, sans orgueil et généreux ; soigner sa personne, se vêtir avec élégance, cultiver les arts d'agrément et les exercices du corps ; surtout, pas d'avarice, le vice des balourds et des sots.

L'amant devra supporter des veilles douloureuses, mais s'il montre de la constance, il sera largement payé de ses peines.

Il lui est recommandé aussi d'avoir recours à l'amitié, et de choisir un compagnon sûr qui sache le conseiller et l'aider au besoin. Ayant prêté hommage au dieu, il fait la rencontre de Bel Accueil : ce personnage symbolise la bonne grâce montrée à certains moments par la femme.

Bel Accueil seconderait volontiers ses desseins, s'il n'avait à compter avec trois ennemis redoutables : Malebouche (ou la Médisance), la Honte et la Peur.

Mais Danger, une sorte de sauvage, intervient brutalement ; Danger, c'est le Pudor d'Ovide, mais singulièrement vivifié : il personnifie avec beaucoup de relief le refus essuyé par l'Amant, refus procédant à la fois de la contrainte extérieure, puissance maritale ou paternelle, et de l'instinct de défense du sexe féminin.

Voilà Bel Accueil en fuite.

Raison sermonne l'Amant.

Ami le console.

Imploré par Franchise et par Pitié, Danger finit par être plus traitable.

Bel Accueil est maintenant de retour ; l'Amant s'approche de la Rose et y porte ses lèvres.

Mais Malebouche a vu le geste.

Danger qui dormait se réveille menaçant, et Jalousie fait élever une tour où elle enferme Bel Accueil sous la surveillance d'une affreuse vieille.

L'Amant abandonné exhale une longue plainte... C'est à ce moment que s'interrompt l'oeuvre de Guillaume : elle touchait sans doute à sa fin, et il est facile de l'imaginer.

La Vieille, la Vetula du Pamphilus, de l'Eracle de Gautier d'Arras et d'autres romans, type classique de l'entremetteuse, devait certainement, contre espèces sonnantes, prêter ses bons offices au jeune homme, et toute résistance étant vaincue, l'Amant du songe n'avait plus qu'à se réveiller. Cette analyse donne une idée sans doute assez froide d'un poème qui vaut par les détails d'observation, les portraits, le charme exquis de la narration, et ces descriptions poétiques qu'Etienne Pasquier déclarait inimitables (voir notamment la Fontaine de Narcisse), et dont Edmond Faral a souligné fort justement "la virtuosité d'exécution". Certainement, ce fut l'opinion de Jean de Meung qui, ayant repris le fil du roman pour le poursuivre à sa manière, rendait hommage à son prédécesseur en lui consacrant "un tombeau plein de baume, d'encens, de myrte et d'aloès".. »

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