Georg Büchner
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Georg Büchner
1813-1837
1813.
La bataille de Leipzig.
Naissance de Georg Büchner, fils de Ernest Karl Büchner, docteur en chirurgie.
Famille libérale.
La soeur de Georg Büchner,
Louisa, jouera un rôle assez important dans les luttes "féministes" de l'époque.
Georg Büchner a trois frères dont l'un, A lexandre, deviendra professeur de
littérature étrangère à la Faculté de C aen, un second Wilhelm, député au Reichstag, et le troisième, Ludwig, l'auteur d'un livre qui en son temps fit beaucoup
parler de lui : matérialisme.
1 8 2 1 - 1 8 3 1 .
Études brillantes au lycée de Darmstadt.
Büchner lit Shakespeare, dont on retrouvera l'influence dans toute son oeuvre, et se passionne
également pour la Révolution française.
1831.
Études de médecine ; puis, en 1833, Georg Büchner se trouve mêlé à une révolte paysanne surgie à Giessen (Grand-Duché de Bade), révolte dirigée
contre les dirigeants féodaux.
M aître à penser : Babeuf.
Slogan : "Guerre aux châteaux, paix aux chaumières." Georg Büchner, avec ses amis, distribue des
tracts dans les campagnes et certains, dont lui-même, sont dénoncés par des paysans que précisément ils voulaient défendre.
Georg Büchner, recherché,
revient à Darmstadt dans sa famille et commence La M ort de Danton, où l'on décèle l'amertume née de la dénonciation dont il fut victime.
Ses parents, riches et notoires, sont très bien vus par les autorités.
La police leur explique poliment que leur fils, à la suite de ses activités, aurait intérêt à
s'expatrier.
Büchner s'enfuit à Strasbourg, où il rencontre M inna Jägle, fille de pasteur, avec qui il se fiance.
P endant ce temps, les amis révolutionnaires de
Büchner lancent un journal : Le M essager hessois.
On arrête un des meilleurs amis de Büchner, M innigerode, étudiant, membre du "complot", sur la dénonciation d'un espion.
Minnigerode, torturé, ne "donne"
pas le nom de ses camarades.
1835.
La Mort de Danton paraît en librairie (l'auteur a vingt-deux ans).
Büchner fréquente à Strasbourg des groupes d'étudiants émigrés politiques.
Il se
livre à des études de sciences, et fait lire, en 1836, par la Société d'Histoire Naturelle de Strasbourg, son mémoire écrit en français : Sur le système
nerveux du barbeau.
Il rédige aussi un autre mémoire sur l'Éthique de Spinoza, traduit Lucrèce Borgia et Marie Tudor de V ictor Hugo, écrit Léonce et Léna et
commence sa pièce la plus importante, Woyzeck, qu'il poursuivra à Zurich où il devient professeur adjoint de l'Université.
Février 1837.
Büchner est atteint du typhus et meurt.
Minna Jägle et son beau-frère brûlent l'un de ses manuscrits inachevés (comme l'est du reste
Woyzeck) : l'A rétin, qu'ils considèrent comme "contraire à la morale et à la religion".
Les dernières lettres de Büchner laissent deviner un terrible remords : celui d'avoir échappé à la police du Grand-Duché de Bade, alors qu'après des années
de prison son ami Minnigerode a été tué par les "führers" du Grand-Duché de Bade.
Büchner, dans ces lettres, écrit en substance : la Révolution française était beaucoup moins cruelle.
Elle ne faisait pas languir en prison les gens pendant
des années.
En somme, il désavoue d'une certaine manière sa pièce la plus célèbre : La Mort de Danton.
Bien sûr, on peut reprocher à La M ort de Danton de ne montrer de la révolution que l'image d'un Saturne dévorant ses propres enfants.
Je ne dis pas que
dans les révolutions sociales Saturne ne dévore jamais ses propres enfants.
Mais la question, tout de même, ne peut pas se réduire à cela ; et s'il les
mange, encore faudrait-il analyser comment et pourquoi il se trouve obligé de les manger.
Büchner, dans La Mort de Danton, n'a pas échappé au travers d'un
idéalisme quasi schillérien.
Néanmoins, il fut honnête, et reprit presque littéralement les paroles de Robespierre et de Saint-Just qui, eux, savaient ou plus
exactement devinaient que les soupirs de Danton et de leurs ennemis s'élançaient "vers l'A ngleterre et vers l'A utriche".
Si Büchner ne vit pas qu'à l'époque
dont il prétendait parler P aris était une citadelle assiégée et avait donc la mentalité inquiétante de la citadelle assiégée, il sut rendre compte, et d'une
manière extraordinairement lucide, d'un certain style, d'une certaine forme d'expression des P arisiens d'alors, citant continuellement la mythologie, grecque
ou romaine, au milieu de quelques bêlements, et de très grandes naïvetés gentilles.
Et n'oublions pas non plus que, quelles que fussent les relations de sa
famille, le jeune Büchner, âgé de dix-huit ans, devait fuir son propre pays.
Que l'on considère, enfin, ce qui, pour moi, importe : si Büchner a donné de
l'Histoire une interprétation un peu hâtive, il ne l'a pas fait à la manière d'un moraliste proche d'Albert C amus, mais à la manière d'un grand poète lyrique.
Entre La Mort de Danton et Woyzeck, se situe une pièce sur laquelle je ne sais trop que dire : Léonce et Léna.
Quand on connaît C omme il vous plaira, ou
n'importe quelle comédie de Shakespeare, le démarcage devient gênant.
C ertes, La M ort de Danton rappelle un peu trop C oriolan et Jules C ésar, et le peuple
versatile, criant tour à tour "V ive Danton" et "V ive Robespierre", nous le connaissions déjà...
Néanmoins, le héros de La Mort de Danton est, corrompu ou
pas, un chef révolutionnaire.
Je ne connais pas une pièce révolutionnaire intitulée Brutus (manque d'érudition, peut-être ?).
Mais je crains, à la réflexion, de
me montrer un peu injuste vis-à-vis de Léonce et Léna.
La caricature, ici, est déjà un peu transformée, et, en un sens, pour son époque, moderne.
A u-delà
d'une métaphysique bien ressassée, ne voit-on pas poindre la critique d'une organisation sociale ? Un exemple :
L E RO I PIERRE, tandis qu'on l'habille.
— Il faut que l'homme pense, et moi, que je pense mes sujets, car ils ne pensent pas, ils ne pensent pas.
La
Substance est l'En-Soi, et l'En-Soi, c'est moi.
J'en viens enfin au chef-d'oeuvre de Büchner : Woyzeck, dont, comme on sait, A lban Berg a tiré un opéra admirable, rejoignant par des voies détournées le
vrai sujet, retrouvant le coeur même de la pièce.
Woyzeck : première oeuvre véritablement moderne, celle où, pour la première fois dans l'histoire du théâtre européen, le héros est un prolétaire, un soldat,
victime, objet d'un médecin militaire qui fait des expériences sur lui, moyennant de petits "avantages" financiers.
Woyzeck l'instrument, Woyzeck qui se
confond avec le chat dont on tire les oreilles et qui (compte tenu des "expériences") n'a pas le droit de pisser n'importe où et n'importe comment.
Une
réserve, pourtant : j'ai eu tort en disant, "Woyzeck, première pièce moderne".
V écut, avant Büchner, Lenz, auteur du Précepteur et des Soldats.
Büchner a
été marqué par Lenz (sur qui il écrivit d'ailleurs une admirable nouvelle), de même que Brecht fut marqué par Büchner...
et par Lenz, dont il adapta Le
Précepteur.
Woyzeck encore.
Woyzeck, démuni financièrement, aime à en mourir Marie, qui le trompe avec le premier venu, misérable tambour major.
Mais le tambour
n'est pas, comme Woyzeck, "névrosé", et il a un peu d'argent : il peut offrir des boucles d'oreilles.
Impossible de raconter la pièce.
Elle aboutit simplement à un meurtre : Woyzeck tue Marie.
Un des meurtres les plus simples, les plus évidents que l'on
puisse voir au théâtre.
A vrai dire, la pièce ne se termine pas exactement sur le meurtre de Marie, mais sur une scène "enfantine" : des gosses se laissent glisser sur une rampe
d'escalier, et l'un d'eux crie au fils de Marie : "Ta maman est morte, ta maman est morte !" Et le fils de Marie, jouant au cheval sur la même rampe, répond
simplement : "Hei, hei, hop !"
Le théâtre d'avant-garde, décidément, n'est pas né au vingtième siècle....
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