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Frédéric Mistral

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Il naquit à Maillane, non loin de Saint-Rémy-de-Provence, le 8 septembre 1830. Son enfance champêtre au mas du Juge, sur le domaine du patriarche campagnard qu'était son père, a quelque chose d'évangélique, de même ses études à l'école rurale de Saint-Michel-de-Frigolet, puis au pensionnat Dupuy, en Avignon. Bachelier à Nîmes, puis licencié en droit à Aix, il devait, pour tout usage de ses diplômes, rejoindre paisiblement le mas paternel, où l'appelait une vocation déjà très mûre : fruit, en grande partie, de l'amitié nouée par lui avec son répétiteur en Avignon, Joseph Roumanille. C'est de l'alliance de l'aîné et du cadet, bientôt rejoints par d'autres poètes patoisants, que devait sortir, le 21 mai 1854, la Déclaration de Font-Ségugne. Là, ce jour-là, les nouveaux écrivains provençaux, s'affublant du nom de "félibres", prirent l'engagement de remettre en honneur la langue de leur terroir. Puis Mistral rentra dans son mas. Le 2 février 1859 paraissait le poème de Mireio : le premier exemplaire fut envoyé à Lamartine qui, par un "entretien" mémorable de son Cours familier de littérature, en assura le succès. Suivirent Calendau (1867), Lis Isclo d'or (1875), Nerto (1884), Lou Tresor dou Felibrige (1886), La Reino Jano (1890), Lou Pouemo dou Rose (1897), Moun Espelido... (Mes origines... 1906), Lis Oulivado (1912). La vie du poète, depuis 1854 jusqu'à son décès survenu le 25 mars 1914, devait rester celle de l'ermite de Maillane : sans autres épisodes qu'un mariage heureux, deux déménagements dans la commune même, d'illustres visites et quelques déplacements à petite distance. Son "jubilé", en 1909, couronna une carrière toute d'unité et d'harmonie, entièrement vouée à la poésie provençale et à la "cause".

« Frédéric Mistral Il naquit à Maillane, non loin de Saint-Rémy-de-Provence, le 8 septembre 1830.

Son enfance champêtre au mas du Juge, sur le domaine du patriarche campagnard qu'était son père, a quelque chose d'évangélique, de même ses études à l'école rurale de Saint-Michel-de-Frigolet, puis au pensionnat Dupuy, en Avignon.

Bachelier à Nîmes, puis licencié en droit à A ix, il devait, pour tout usage de ses diplômes, rejoindre paisiblement le mas paternel, où l'appelait une vocation déjà très mûre : fruit, en grande partie, de l'amitié nouée par lui avec son répétiteur en Avignon, Joseph Roumanille.

C 'est de l'alliance de l'aîné et du cadet, bientôt rejoints par d'autres poètes patoisants, que devait sortir, le 21 mai 1854, la Déclaration de Font-Ségugne.

Là, ce jour-là, les nouveaux écrivains provençaux, s'affublant du nom de "félibres", prirent l'engagement de remettre en honneur la langue de leur terroir.

Puis Mistral rentra dans son mas.

Le 2 février 1859 paraissait le poème de Mireio : le premier exemplaire fut envoyé à Lamartine qui, par un "entretien" mémorable de son C ours familier de littérature, en assura le succès.

Suivirent Calendau (1867), Lis Isclo d'or (1875), Nerto (1884), Lou Tresor dou Felibrige (1886), La Reino Jano (1890), Lou Pouemo dou Rose (1897), Moun Espelido...

(Mes origines...

1906), Lis Oulivado (1912).

La vie du poète, depuis 1854 jusqu'à son décès survenu le 25 mars 1914, devait rester celle de l'ermite de Maillane : sans autres épisodes qu'un mariage heureux, deux déménagements dans la commune même, d'illustres visites et quelques déplacements à petite distance.

Son "jubilé", en 1909, couronna une carrière toute d'unité et d'harmonie, entièrement vouée à la poésie provençale et à la "cause". Sur cette cause, à laquelle Mistral s'identifia, il convient ici d'appuyer.

A l'origine, manifestation solidaire des écrivains méridionaux du Sud-Est, décidés à défendre et à illustrer leur langue, le "félibréisme" prit bientôt, dans l'ordre politique, les allures d'une protestation contre l'emprise nordique.

La tâche du félibre n'était pas seulement, dès lors, de donner de nouvelles oeuvres vernaculaires : il s'agissait de réveiller contre le colon "franchiman" la conscience provençale, de développer par la littérature le patriotisme local.

On appelait à la rescousse d'autres peuples opprimés du domaine d'Oc, bientôt engagés sous la bannière d'un "fédéralisme" des provinces méridionales.

C 'est le fil qu'il faut tenir pour comprendre une oeuvre tout entière consacrée à l'accomplissement du programme félibréen : oeuvre d'un apôtre, toujours oeuvre parfois d'un poète authentique.

Le poète Mistral, c'est d'abord, c'est surtout l'auteur, primitif et sincère, de Mireio. Il serait vain de rappeler le sujet d'une oeuvre si populaire : récit poétique des amours contrariées de deux jouvenceaux : Vincent, fils d'un vannier, Mireille, fille d'un riche ménager de la Crau "colossale idylle", où toute la Provence agreste, dans ses aspects, dans ses travaux, dans ses caractères humains, est traitée par une sorte de Théocrite, de Virgile du cru.

Qu'il s'agisse de décrire les amants dans le mûrier, la descente montagnarde des troupeaux d'A laric ou le combat de V incent et d'Ourrias, partout se retrouve un sens exquis du naturel, de la simplicité.

Dans l'ensemble, un chef-d'oeuvre universellement valable que ni les musiques pommadeuses ni les tutu-panpan ne sont parvenus à compromettre. L'apôtre Mistral, c'est quasi tout le reste : en premier lieu l'auteur de Calendau.

Il fait partir, on le sait, du port de C assis, pour le conduire à Aiglun, dans l'Esterel, un petit pêcheur d'anchois, Calendal, bientôt bizarrement transformé en une manière de Perceval méditerranéen, ayant pour amoureux Graal Estérelle, dernière princesse des Baux, épouse infortunée de l'aventurier Séveran.

Allégorie déjà un peu pesante, qu'alourdit encore le souci d'introduire dans la trame du conte toutes les antiquités provençales.

La rançon en est moins, au demeurant, dans l'académisme des tableaux, souvent d'un bel éclat, que dans l'inconsistance des personnages mi-réels, mi-imaginaires.

Mis en parallèle avec Mireille, dont il garde la forme (strophe uniforme de 8-8-12-8-88-12, sur distribution aabcccb) soutenue par une rhétorique souvent plus voyante, Calendal apporte la preuve claire que Mistral n'avait rien compris à ses propres vertus. C'est de la même famille d'ouvrages, fût-ce avec moins de cartonneux symboles, que relève Nerto, "nouvelle médiévale" coulée en octosyllabes sur rimes plates : et d'abord promenade historico-littéraire de l'Avignon des Papes à la cour des rois de Provence. Le meilleur de Mireille, par un heureux retour, et le pire de Calendal, par une persévérance diabolique, allaient s'opposer dans le Poème du Rhône.

Donnée encore symbolique : le C aburle, péniche du marinier Apian, accomplit de Lyon à la foire de Beaucaire son dernier voyage.

Sur le réel Caburle, un fabuleux Prince d'Orange venu du Nord, par sa rencontre avec une demi-réelle orpailleuse de l'Ardèche, l'Anglore, fournit au poème l'idylle-prétexte.

Sur le chemin du retour, à Pont-Saint-Esprit, une collision de la péniche remontante avec le premier bateau à vapeur qui descend entraîne le naufrage général du Caburle, des amants et de toute la vieille Provence.

Le conventionnel de la trame ne le cède qu'à celui des héros.

Mais les comparses ont de la vérité, et le Rhône qui porte ce bateau fantôme est tout vivant.

Mistral emploie ici le décasyllabe blanc (irrégulièrement coupé 4-6 ou 6-4 et distribué en laisses), d'une souple nouveauté qui achève de faire du Rose son second chef-d'oeuvre. Par respect, on a coutume de passer sous silence l'unique oeuvre dramatique de Mistral, La Reine Jeanne, mais on estime ordinairement son oeuvre lyrique. A celle-ci on fera le même reproche qu'à Calendal : beaucoup et même les meilleures des pièces qui la composent : L'Ode aux poètes catalans, La Comtesse, L'Ode à la race latine, L'Ode à Clémence Isaure sont des poèmes de combat qui, la bataille finie, risquent de perdre une partie de leur intérêt. Restent dans Les Îles d'or, comme dans Les Olivades, des morceaux classiques. Un mot sur la prose autobiographique de Moun Espelido qui est ingénue, débonnaire et charmante, et deux sur une des entreprises majeures de Mistral, le Trésor du Félibrige.

A la fois Littré et Larousse méridionaux, a-t-on dit : Larousse, il se peut, plus que Littré.

A vec des erreurs qui s'aggravent dès que Mistral s'éloigne, dans l'espace et dans le temps, du Rhône contemporain, ce Trésor mobilise d'extraordinaires richesses ; il n'y faudrait qu'une révision critique, menée de pair par les spécialistes de chaque époque et de chaque région, pour qu'il répondît entièrement à son gigantesque propos. Au jour même de cette grande oeuvre, la langue que Mistral écrit ce dialecte si particulier de la langue d'Oc (ou provençal) qu'est le rhodanien risque d'apparaître parfois imparfaite.

Il s'en faut, d'une part, que de l'ensemble des parlers occitans le rhodanien soit le plus pur, le meilleur, le mieux conservé ; il s'en faut, d'autre part, que Mistral, entreprenant dans ce patois quelque peu abâtardi une oeuvre littéraire énorme, ait pu se garder de recours imprudents. Tel quel, Mistral a cependant réussi à faire croire que son provençal était le provençal : équivoque dont il bénéficiera aussi longtemps qu'on n'aura pas accrédité l'inventaire des grandes oeuvres de l'occitan moderne, ouvertes au XV Ie siècle par l'avant-félibre gascon Pey de Garros. Mistral a eu de très nombreux, parfois de fanatiques thuriféraires.

Le malheur veut qu'il ait été souvent soutenu par les champions d'une idée attaqué, au rebours, par les adversaires de cette idée, et que l'homme de prêche ou d'action ait prévalu finalement, dans beaucoup d'esprits, sur l'écrivain.

Maintenant que la doctrine mistralienne a produit son fruit, il importe de considérer en Mistral ce qu'il fut, ce qu'il reste essentiellement : un des plus grands poètes qui aient jamais fleuri sur notre terre.

Pour mesurer toute la valeur de son apport, il faudrait dégager la considérable importance, dans la production française, des oeuvres dialectales : mais ceci est une autre histoire.. »

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