Éphraïm MIKHAËL (1866-1890) - L'automne
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                    Éphraïm MIKHAËL (1866-1890)  - L'automne Le parc bien clos s'emplit de paix et d'ombre lente : Un vent grave a soufflé sur le naïf orgueil  Du lys et la candeur de la rose insolente ;  Mais les arbres sont beaux comme des rois en deuil. Encore un soir ! Des voix éparses dans l'automne  Parlent de calme espoir et d'oubli ; l'on dirait  Qu'un verbe de pardon mystérieux résonne  Parmi les rameaux d'or de la riche forêt. Au dehors, par delà mon vespéral domaine,  La terre a des parfums puissants et ténébreux ;  Dans les vignes, le vent vibrant de joie humaine  Disperse des clameurs de vendangeurs heureux : C'est l'altière saison des grappes empourprées  Des splendeurs de jeunesse éclatent dans les champs.  Si j'allais me mêler aux foules enivrées  De clairs raisins et si j'allais chanter leurs chants ? Je suis las à présent de mes rêves stériles  Que j'ai gardés comme un miraculeux trésor.  Je hais comme l'amour mes fiertés puériles  Et la rose de deuil comme la rose d'or. L'Ennui, rhythme dolent de flûte surannée,  L'Orgueil, vulgaire choeur d'inutiles buccins,  Ne vont-ils pas mourir avec la vieille année  Dans le soir bourdonnant de rires et d'essaims ? D'invisibles clairons dans l'Occident de cuivre  M'appellent vers la vigne et les impurs vergers ;  Je veux aussi ma part dans le péché de vivre ;  Seigneur, conduisez-moi parmi les étrangers ! Pourtant tu sais, ô coeur épris de blond mystère,  Qu'au pays triomphal des treilles et des vins  Veille le dur regret de la forêt austère : Tu pleurerais de honte en leurs sentiers divins. N'écoute pas le cri lointain qui te réclame,  Les conseils exhalés dans la senteur des nuits.  Tu sais que nul baiser libérateur, mon âme,  Ne rompt l'enchantement de tes subtils ennuis. Laisse les vendangeurs en leurs mauvaises vignes,  Tu ne t'enivres pas des vins de leur pressoir : Contemple les lueurs candides des grands cygnes  Glissant royalement sur les lacs bleus de soir. Et dans le jardin pur de floraisons charnelles  Regarde croître l'ombre avec sérénité,  Tandis qu'au ciel, des mains blanches et fraternelles  Font dans le crépuscule un geste de clarté.
                
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