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Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les campagnes hallucinées) - La bêche

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Émile VERHAEREN (1855-1916) (Recueil : Les campagnes hallucinées) - La bêche Le gel durcit les eaux ; le vent blémit les nues. A l'orient du pré, dans le sol rêche Est là qui monte et grelotte, la bêche Lamentable et nue. - Fais une croix sur le sol jaune Avec ta longue main, Toi qui t'en vas, par le chemin - La chaumière d'humidité verdâtre Et ses deux tilleuls foudroyés Et des cendres dans l'âtre Et sur le mur encor le piédestal de plâtre, Mais la Vierge tombée à terre. - Fais une croix vers les chaumières Avec ta longue main de paix et de lumière - Des crapauds morts dans les ornières infinies Et des poissons dans les roseaux Et puis un cri toujours plus pauvre et lent d'oiseau, Infiniment, là-bas, un cri à l'agonie. - Fais une croix avec ta main Pitoyable, sur le chemin - Dans la lucarne vide de l'étable L'araignée a tissé l'étoile de poussière ; Et la ferme sur la rivière, Par à travers ses chaumes lamentables, Comme des bras aux mains coupées, Croise ses poutres d'outre en outre. - Fais une croix sur le demain, Définitive, avec ta main - Un double rang d'arbres et de troncs nus sont abattus, Au long des routes en déroutes, Les villages - plus même de cloches pour y sonner Le hoquetant dies irae Désespéré, vers l'écho vide et ses bouches cassées. - Fais une croix aux quatre coins des horizons. Car c'est la fin des champs et c'est la fin des soirs ; Le deuil au fond des cieux tourne, comme des meules, Ses soleils noirs ; Et des larves éclosent seules Aux flancs pourris des femmes qui sont mortes. A l'orient du pré, dans le sol rêche, Sur le cadavre épars des vieux labours, Domine là, et pour toujours, Plaque de fer clair, latte de bois froid, La bêche.

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