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Edgar Allan Poe

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La vie d'Edgar Allan Poe, né en 1809 à Boston d'un ménage comédiens errants, trouvé en 1849 mourant d'une crise de delirium tremens dans un bureau de vote de Baltimore, présente pour nous la particularité de joindre à une possibilité de reconstitution extrêmement minutieuse de ses accidents extérieurs une indétermination quasi totale des motifs qui la mènent. Quant à l'arrangement matériel ­ plutôt inconfortable ­ de sa vie, au minimum de besoins physiques qu'il lui arrivait de tenter tant bien que mal de satisfaire (l'homme qu'on trouva le 3 octobre 1849 au Ryan's Fourth Ward Polls de Baltimore, "écroulé sur un siège, le visage hagard, son vaste front caché sous un chapeau de palme déchiré et sans ruban, son costume composé d'un paletot-sac d'alpaga qui bâillait aux coutures et d'un pantalon de "cassinette" à dessins brouillés, à moitié usé et mal ajusté, si l'on peut dire qu'il le fût le moins du monde", en avait de tyranniques mais, semble-t-il, d'assez lacunaires), Poe paraît ne l'avoir jamais envisagé autrement que sous la forme d'une perpétuelle prise en charge ­ par son père adoptif, par sa belle-mère Maria Clemm, par les femmes qu'il connut ou aima, et qui, épouse, amie, hôtesse, furent toujours pour lui uniformément "la sœur de charité". Dans cette caricature tragique de "chute dans l'anonymat du on" ­ une bouteille de whisky d'une main, un bulletin de vote de l'autre ; et ce regard atrocement vide qu'on lui voit dans le fameux daguerréotype de Mac Farlane ­ que fut sa suprême et ubuesque "prise en charge" par les négriers électoraux de Baltimore, dans cette régalade civique un peu appuyée sur laquelle le poète prend congé de l'aimable société, il y a l'image d'un homme qui s'est beaucoup, qui s'est gravement absenté de sa vie.

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