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E. Faguet écrit de Corneille : « Né dans un demi-siècle romantique, il a été romantique très pleinement et quelquefois trop. » Que pensez-vous de cette opinion ?

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« E.

Faguet écrit de Corneille : « Né dans un demi-siècle romantique, il a été romantique très pleinement et quelquefois trop.

» Que pensez-vous de cette opinion ? Pour traiter ce sujet, il faut examiner les questions suivantes : Problème explicatif : dans quelle mesure le « romantisme » de Corneille s'explique-t-il par le romantisme de son temps? — Problème descriptif ou analytique : en quoi consiste le romantisme de Corneille? — Problème polémique ou de jugement : que vaut ce romantisme de Corneille? En bonne méthode, il est plus sûr de procéder ainsi : analyse — explication — jugement. Dans un problème général concernant une pièce de théâtre, il y a toujours lieu d'examiner (quitte à n'en retenir qu'une partie) : la structure générale de la pièce, sujet et marche de l'action, — les caractères prêtés aux principaux personnages (caractères proprement dits ou peinture des mœurs), — le style.

Dans les pièces de Corneille, la structure présente deux caractères peu classiques : Corneille n'applique pas la règle des trois unités avant Horace et jusqu'au bout il aura du mal à se plier à ces règles; il les chicanera; d'autre part, comme il veut des actions surprenantes, à la mesure des âmes surprenantes qu'il peindra, il affirmera que la tragédie peut et même doit mettre en scène des événements extraordinaires, à condition que l'histoire vienne nous affirmer qu'ils ont eu lieu; le sujet d'une tragédie doit « n'être pas vraisemblable », c'est-à-dire doit n'être pas vraisemblable dans la vie de tous les jours.

Pour les caractères, il est évident que Corneille ne choisit que des êtres « hors de l'ordre commun », que ce soit d'ailleurs dans la vertu ou dans le vice (Cléopâtre de Rodogune, Attila, etc.).

— Le style est constamment « grand », oratoire ; il vise au sublime.

Tous ces caractères sont bien, si l'on veut, romantiques.

Les événements et les personnages d'Hernani et de Ruy Blas sont également extraordinaires et ils n'ont même pas la garantie de l'histoire (ou de la légende).

Il y a cependant deux différences : Corneille relègue l'amour au second plan et le subordonne à la volonté vertueuse ou ambitieuse.

Les romantiques lui donnent la première place et les entraînements de la passion prennent la place de la volonté réfléchie. Dans quelle mesure cette conception de la tragédie s'explique-t-elle par les coûts du temps? Il est certain que, avant Quinault et certaines pièces de Thomas Corneille, c'est-à-dire avant 1650, on écrit des tragi-comédies romanesques et tendres où l'amour tient la première place, comme dans les romans (l'Astrée, Gomberville, Mme de Scudéry) ; mais on n'écrit guère que des tragédies « grandes » où s'étale avant tout l'énergie démesurée du caractère (Rotrou, Du Ryer, Scudéry surtout, etc.).

D'autre part, jusque vers 1640, les poètes les plus célèbres sont des « irréguliers » (Théophile, Saint-Amant), et leur vogue reste grande jusque vers 1655.

Mais les triomphes de Corneille, sa gloire, tout en s'expliquant par les mœurs et les goûts contemporains, ont contribué à confirmer et prolonger ces goûts. Pour le jugement, une partie peut être certaine, objective, et l'autre ne peut relever que de préférences personnelles.

Il n'est pas douteux que les événements de trop de pièces de Corneille sont d'une invraisemblable complication et que beaucoup de ses personnages (Agésilas, Suréna, Attila, etc.) ne sont que des rhéteurs grandiloquents.

Mais doit-on préférer à la simplicité nue de certaines tragédies raciniennes, à ce qu'il y a d'humanité moyenne dans beaucoup de ses personnages, les coups de théâtre, les reconnaissances, les retours inopinés, le « panache » de la Mort de Pompée, Don Sanche, Nicomède? C'est affaire de tempérament ; et vous pouvez décider à votre guise.. »

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