Dom Juan est-il comique ?

« Introduction & problématique: Dom Juan est le personnage éponyme de la pièce de Molière par ailleurs sous-titrée Le Festin de Pierre.

Composée en cinq actes, elle retrace le parcours du séducteur libertin accompagné de son valet Sganarelle.

Le registre comique très présent dans la pièce pourrait faire de Dom Juan un personnage de comédie.

Mais Molière dote son personnage d'une grande complexité.

Aristote définissant dans sa Poétique le comique comme « laideur sans douleur ni destruction », pouvons nous considérer Dom Juan comme un personnage comique ? I. Dom Juan : « Grand seigneur méchant homme ». Dom Juan apparaît d'abord comme un plaisant séducteur, libertin, un personnage de comédie 1) Le séducteur « épouseur à toutes mains » Dom Juan est avant tout un personnage séducteur, libertin.

On emploie d'ailleurs fréquemment l'antonomase : « C'est un Dom Juan » pour désigner un galant.

L'acte II de la pièce de Molière montre le personnage au sommet de son art de séduction.

Il séduit Mathurine et Charlotte, deux paysannes, simultanément, leur promettant à chacune le mariage.

Le patois des paysans, le burlesque de la situation donnent à la scène une tonalité résolument comique qui rend Dom Juan « amusant ».

Dom Juan a également séduit Done Elvire pour finalement l'abandonner. 2) Le libre penseur Mais Dom Juan ne se joue pas seulement des femmes.

Il tourne en dérision les pensées de son valet sur Dieu et sur la médecine.

La présence du valet, notamment avec sa tirade sur le tabac en début de pièce, ou encore à la dernière scène quand il réclame ses gages permet non seulement d'établir un contraste entre les deux personnages, mais surtout permettent de traiter sur un ton léger des sujets sérieux.

Dom Juan n'apparaît pas alors comme un personnage noir mais comme un simple sceptique qui se moque de tout. 3 )Dom Juan : l'épicurien Dom Juan apparaît finalement comme un personnage qui souhaite profiter de la vie, des femmes, de la bonne chair, des richesses.

La scène avec son créancier, Monsieur Dimanche fait rire le spectateur et fait de Dom Juan un personnage humain, plaisant bien qu'attiré par le vice. Dom Juan est donc un personnage humain, capable de faire rire.

La tonalité comique très présente dans la pièce ne permet pas d'en faire un personnage de tragédie et certains des gestes de Dom Juan le rendent même humain. II. Dom Juan : archétype de la démesure Mais Dom Juan est un personnage plus complexe qu'il n'y paraît 1) transgression des mœurs Dom Juan défie les hommes et Dieu.

Il transgresse les valeurs du mariage, en épousant pas Elvire d'abord, puis en séduisant Charlotte, paysanne promise à Pierrot.

Dom Juan se pose alors comme supérieur et indifférent aux valeurs humaines.

La dimension comique n'apparaît, en définitive, que secondaire par rapport à cet aspect du personnage, capable de se montrer odieusement cynique face aux lamentations douloureuses d'Elvire.

Si Dom Juan peut, au premier abord, paraître plaisant, la complexité du portrait moral (ou éthopée) du personnage se dessine au fil du texte de Molière. 2) transgression du rang social La perversion du personnage atteint son paroxysme lorsqu'il berne son père, le noble et digne Dom Louis.

Dom Juan renie alors l'ascendance du père.

La tirade cornélienne de Dom Louis contribue à rendre tragique la subversion des valeurs filiales et familiales à laquelle s'adonne Dom Juan.

La conduite du personnage n'a en effet rien de noble au sens propre comme au sens figuré du terme, et son père le désigne comme le déshonneur de sa famille (acte IV) 3) défi au ciel et à Dieu Mais Dom Juan ne se contente pas de défier les hommes à travers la gente féminine ou encore à travers la figure du père.

Il lance un défi constant au ciel que ce soit dans son discours matérialiste et sceptique : « je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit » (Acte III), dans la scène du pauvre, ou dans son refus jusqu'à la mort de se repentir dans la scène finale avec la statue du commandeur à laquelle la pièce doit son sous-titre, montrant ainsi que l'accent est mis sur cet aspect du personnage III. Dom Juan : un homme en quête d'identité Finalement Dom Juan n'est ni un drôle, ni un monstre.

C'est un homme qui tente de définir sa place au sein du monde sur le mode de la transgression. 1) Dom Juan : un personnage en fuite Dom Juan est en perpétuelle fuite, préférant l'inconstance à la fidélité, il fuit également les responsabilités relatives à la famille (Dom Louis) ou même à l'honneur (Dom Carlos, frère de Done Elvire).

Il semble chercher son identité, tant à travers ses différentes conquêtes féminines, que par les multiples provocations.

La fuite de Dom Juan s'apparente à un défi toujours plus grave qui finit par se heurter à Dieu. 2) Dom Juan : la tentation du ciel Dom Juan a beau nier l'existence de Dieu, il cherche à défier le ciel, pour en obtenir une réponse, une réaction.

Nous donnerons pour exemple la scène du pauvre, où Dom Juan demande à un pauvre gueux de blasphémer en échange d'un louis d'or.

Le pauvre refuse : « je préfère mourir de faim », et Dom Juan finit par lui donner la pièce « pour l'amour de l'humanité ».

Affirmant une fois de plus son athéisme.

L'apparition d'un spectre aux allures de femme voilée et les injonctions de Sganarelle ne parviendront pas à faire plier Dom Juan : « Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de me repentir, allons, suis-moi.

». Conclusion: Dom Juan est donc un personnage complexe qui ne peut se définir comme comique du moins en tenant compte de la définition d'Aristote. La pièce se distingue d'ailleurs par l'absence d'unité de ton.

Quand au personnage, Molière en fait un véritable mythe.

On peut rapprocher le Dom Juan de Molière à celui de Mozart (Dom Giovanni) on peut également penser à la réécriture de Baudelaire dans Les Fleurs du Mal « Dom Juan aux Enfers » à partir d'une peinture de Delacroix.

(le texte de Baudelaire est loin d'explorer la dimension comique du personnage de Dom Juan).. »