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Discuter ce jugement de G. Lanson : « Le reproche qu'on pourrait faire à Corneille, ce serait plutôt, tout au contraire de ce qu'on a dit, d'avoir trop exclusivement tiré l'action des caractères : à tel point que sa tragédie a parfois quelque chose de factice, l'air d'un jeu concerté, d'une partie liée et soumise à des conventions préalables. Les personnages ne comptent pas assez avec le hasard et les circonstances... Rien n'intervient qui dérange leur action; et le miracle, précisémen

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« Discuter ce jugement de G.

Lanson : « Le reproche qu'on pourrait faire à Corneille, ce serait plutôt, tout au contraire de ce qu'on a dit, d'avoir trop exclusivement tiré l'action des caractères : à tel point que sa tragédie a parfois quelque chose de factice, l'air d'un jeu concerté, d'une partie liée et soumise à des conventions préalables. Les personnages ne comptent pas assez avec le hasard et les circonstances...

Rien n'intervient qui dérange leur action; et le miracle, précisément, c'est que rien n'intervienne.

» Sujet difficile en ce sens qu'il faut comprendre : « Tout au contraire de ce qu'on a dit ».

Lanson fait allusion à cette idée, en effet courante, que la volonté du héros cornélien est telle qu'elle surmonte l'obstacle dès qu'il se présente; d'où la nécessité d'imaginer un second, un troisième obstacle et de compliquer l'action; complication nécessaire pour agir sur les caractères et non pas conséquence de ces caractères.

Selon Lanson, au contraire, si compliqués que soient les événements, Corneille n'invente jamais que ceux dont la volonté peut triompher.

C'est là « la convention préalable ».

Dans les drames de la vie, il peut, il doit y avoir souvent, en effet, des hasards, des circonstances matérielles, contre lesquels la volonté ni l'intelligence ne peuvent rien.

Or, ces hasards, irréparables, ne se produisent jamais chez Corneille.

Le sujet étant ainsi compris, nous avons à expliquer et discuter le rapport de l'action romanesque et du caractère des personnages chez Corneille. Nous sommes ainsi amenés à une analyse du héros cornélien.

Ce héros est évidemment, ainsi qu'Auguste, « maître de lui comme de l'univers ».

Mais il est aussi, le plus souvent, maître des événements.

Il nous semble que Rodrigue sera nécessairement vainqueur du comte, vainqueur des Maures, vainqueur de don Sanche.

Horace doit nécessairement faire triompher Rome.

Auguste ne peut pas tomber victime d'une conspiration, si bien ourdie qu'elle soit.

Nicomède lutte contre son père, sa belle-mère, Attale, Rome, dans les conditions les plus défavorables ; il est cependant sûr de l'emporter et nous en sommes sûrs avec lui; si Attila n'atteint pas les buts que son énergie indomptable veut atteindre, c'est seulement parce qu'il meurt subitement au dénouement, etc.

(Ce caractère est d'ailleurs plus marqué dans les pièces qui sont médiocres ou ne sont pas les chefs-d'œuvre).

L'action est donc combinée pour nous donner l'impression de cette toute-puissance de la volonté.

Jamais un de ces hasards fortuits et redoutables qui si souvent mettent la volonté en présence d'une sorte de fatalité.

Les romantiques feront, au contraire, grand usage de ces sortes de fatalités.

Hernani, Ruy Blas sont poursuivis par des puissances mystérieuses et hostiles, contre lesquelles leur intelligence et leur héroïsme doivent nécessairement se briser. Vous pouvez expliquer cette conception cornélienne de la vie en reprenant ce que nous avons dit pour le sujet précédent; on la retrouve plus ou moins chez tous les contemporains de Corneille.

Vous pouvez aussi la discuter, la juger.

Et ce jugement comportera, pour ainsi dire, deux moments : 1° l'affirmation de Lanson est-elle absolument vraie? 2° dans la mesure où elle l'est, devons-nous y voir une critique, plus ou moins grave, du génie cornélien? Elle est certainement vraie, dans la plupart des cas ; et c'est pour cela que nous n'avons pas cherché à lui opposer une contrepartie.

Mais il est vrai également que dans les chefs-d'œuvre et même dans les bonnes pièces de Corneille, le spectateur n'y songe pas.

Il admire la volonté, comprend sa puissance et ne se préoccupe pas des hasards contre lesquels elle ne pourrait rien.

Faut-il préférer à de pareils sujets ceux qu'évoque Jules Lemaître dans la dissertation qui va suivre, ceux où la vie est le jouet des hasards, hasards des sentiments et hasards des événements? C'est une question de goût personnel.. »

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