Démosthène
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Démosthène
Fils d'un riche armurier athénien, le jeune Démosthène fit d'excellentes études de rhétorique et de droit.
Doté d'un défaut d'élocution, il s'entraînait à parler,
dit-on, avec des cailloux dans la bouche.
Devenu logographe, il rédigeait et déclamait ses plaidoyers dans les procès d'État, pour le compte du ministère
public.
Grâce à ses dons d'orateur, il entra en politique vers 354 avant JC, et tenta de mobiliser les sentiments nationalistes des Athéniens sur la menace
d'invasion par les troupes de Philippe II de Macédoine, enflammant l'assemblée par une série de discours passionnés, Les philippiques.
En 340 avant JC,
devenu le chef du parti patriotique, il convainquit ses concitoyens, alliés aux Thébains, de partir en guerre contre Philippe II.
Malgré leur défaite à Chéronée
en 338 avant JC, il conserva du respect des Athéniens.
Huit ans plus tard, l'un de ses plus anciens adversaires politiques, Eschine, profita de la proposition
de Ctésiphon de décerner une couronne honorifique à Démosthène pour l'attaquer ouvertement au cours d'un procès.
La défense que déploya alors l'orateur
mis en cause, dans son discours Sur la couronne constitue un chef-d'oeuvre d'éloquence.
En 325 avant JC , il fut accusé, probablement à tort, de
détournement de fonds et banni un an d'Athènes.
A la mort d'A lexandre le Grand, fils de Philippe de Macédoine, Démosthène combattit à nouveau, mais
sans succès, les Macédoniens.
Condamné à mort, il devança ses exécuteurs en s'empoisonnant dans le temple de Poséidon.
Démosthène appartient autant à l'histoire qu'à la littérature.
Orateur politique, chef de parti, c'est à ce double titre qu'il a pris place dans la galerie des héros de Plutarque et qu'il incarne aux yeux des
modernes, parmi les vicissitudes qui ont bouleversé le monde hellénique dans la seconde moitié du IVe siècle, la résistance de la Grèce à l'impérialisme macédonien.
Démosthène est un Athénien du dème de Paiania.
Né en 384 av.
JC, orphelin à sept ans, il connut en atteignant sa majorité les épreuves d'un riche héritier que ses tuteurs avaient dépouillé.
Obligé de plaider
contre eux, il se mit en état de soutenir lui-même sa cause et, pendant deux ou trois ans, il s'initia sous la conduite d' Isée à l'étude des lois et aux procédés de la dialectique.
Nous pouvons lire encore les
plaidoyers qu'il prononça lorsqu'en 363 av.
JC son affaire fut appelée devant le tribunal et qui lui firent gagner son procès, sans lui permettre de recouvrer pourtant la totalité de son patrimoine.
En
s'instituant logographe il avait trouvé sa voie et, dans les années qui suivirent, il fit métier pour le compte des autres de l'art auquel il s'était formé.
De cette époque datent plusieurs plaidoyers civils qui
nous ont été conservés.
Sa maîtrise s'affirme, étayée sur la solide culture intellectuelle qu'il s'est donnée par la lecture et sur la science de l'action oratoire qu'il acquit au prix d'une lutte acharnée contre
certains défauts de sa nature.
De plus en plus, d'ailleurs, il abandonne les causes privées pour plaider d'importants procès politiques.
En 354 av.
JC, il prononce sa première harangue à la tribune de l'Assemblée : le discours sur les Symmories, où il présente un plan pour la réorganisation de la marine de guerre en vue de défendre les
intérêts athéniens menacés en Thrace par l'expansion macédonienne.
Alors commence véritablement sa carrière d'homme public, qui se partagera en trois " moments " distincts.
Il sera tout d'abord et pendant
près de quinze ans un orateur d'opposition.
Il s'efforcera d'ouvrir les yeux de ses concitoyens sur la politique cauteleuse de Philippe IIP2321, qui travaille à donner à son pays un libre accès à l'Égée et qui
évince progressivement les Athéniens de leurs positions en Chalcidique, risquant de couper à leur commerce la route du blé.
Partisan de la fermeté, Démosthène, quand il ne s'adresse pas à une opinion
égarée, se heurte à la veulerie de ses compatriotes, qui répugnent de plus en plus à servir eux-mêmes dans l'armée et la marine, aussi bien qu'à acquitter les contributions nécessaires à solder les mercenaires
auxquels ils ont pris l'habitude de faire appel.
Soutenu seulement par quelques hommes, il s'emploie, dans la Première PhilippiqueL057M2 (351 av.
JC) et dans les OlynthiennesL057M3 (349 et 348
av.
JC), à réveiller sa patrie engourdie.
Un moment soulevés au lendemain de la chute d'Olynthe, clef de la Chalcidique, les Athéniens se laissèrent convaincre en 346 av.
JC de traiter : Démosthène, lui-même,
sentant la cause perdue, fit partie avec son rival EschineP1545 de deux ambassades successives envoyées auprès de Philippe et d'où devait sortir la paix.
Celle-ci se révèle un leurre pour Athènes et, trois
ans plus tard, l'orateur accusera EschineP1545 d'avoir trahi au cours des négociations menées avec le roi et lui demandera compte de cette paix désastreuse dans son discours sur l'Ambassade infidèle.
Mais,
pour le moment, il s'efforce de calmer la colère impuissante du peuple et, dans sa harangue sur la Paix, il conseille d'accepter le fait accompli.
Alors commence la seconde période de sa carrière, au cours de laquelle il deviendra le véritable chef du parti de la résistance à la Macédoine et finira par faire triompher ses vues.
Tour à tour, Philippe, dont la
paix n'arrête pas l'activité, intrigue dans le Péloponnèse et intervient en Chersonèse de Thrace, où Athènes essaie de se renforcer : dans trois nouvelles Philippiques et dans le discours sur les affaires de
Chersonèse (344-340 av.
JC), Démosthène dénonce, chaque fois avec une vigueur convaincante, les visées du Macédonien et le péril mortel où elles mettent Athènes.
Il est enfin entendu ; une armée est
envoyée au secours des régions menacées, une alliance est conclue avec le roi de Perse : Philippe doit reculer.
Malheureusement, ce succès n'eut pas de lendemain.
En 339 av.
JC, à la faveur d'une guerre
provoquée par EschineP1545 et les agents de la Macédoine, sous couleur de défendre les intérêts du sanctuaire de Delphes, Philippe pénétra en Grèce centrale.
L'émotion à Athènes fut considérable.
Démosthène amena ses concitoyens à tenter ce qu'il croyait leur dernière chance : un rapprochement avec Thèbes, l'ancienne ennemie, qui avait à redouter elle aussi les agissements du roi.
La sanglante
défaite de Chéronée, dans l'été de 338 av.
JC, devait anéantir ses espoirs.
C'était comme un tragique désaveu apporté par les événements à sa politique : Philippe devenait le maître de la Grèce.
Le peuple,
néanmoins, n'abandonna pas Démosthène, qu'il chargea de prononcer l'éloge funèbre des soldats morts sur le champ de bataille et qu'il suivit quand il demanda qu'on remît en état les défenses de la ville.
Sur
la proposition de Ctésiphon, il se disposait même à lui décerner une couronne d'or " pour n'avoir cessé par ses discours et par ses actes de travailler au bien de la cité ".
Il fallut qu' EschineP1545 attaquât la
motion en illégalité pour que fût suspendu l'effet du décret plébiscitant, malgré la défaite, l'action de Démosthène.
En 336 av.
JC, après l'assassinat de Philippe, sa main se retrouverait dans le mouvement de
révolte que tentèrent les cités grecques abusées par la jeunesse de son successeur.
On sait comment celui-ci, Alexandre le GrandP012, étouffa la tentative, prit d'assaut et rasa Thèbes, et comment Athènes
n'obtint qu'en s'humiliant sa grâce et celle de Démosthène (335 av.
JC).
Le rôle actif de ce dernier semble alors prendre fin.
Nous entrons dans la troisième période de sa carrière, au cours de laquelle il n'est plus que l'homme d'un parti vaincu.
Pendant les onze ans où Alexandre
est occupé à la conquête de l'Asie, son nom ne reparaît plus qu'à deux reprises dans l'histoire d'Athènes.
En 330 av.
JC, le procès de la couronne, qui s'ouvre sur la plainte d'EschineP1545 vieille de sept ans,
est pour lui l'occasion d'un dernier triomphe.
Véritable plaidoyer en faveur d'une cause perdue, le discours sur la CouronneL057M1, qu'il prononce alors pour justifier sa politique passée, reste un des plus
beaux morceaux d'éloquence de tous les temps.
En 324 av.
JC, l'affaire d'Harpale, où, dans l'état de nos sources, il n'est pas aisé d'établir les responsabilités, mais qui garde un relent de scandale financier, jette
comme une ombre sur la réputation de Démosthène, qui est condamné et doit s'enfuir d'Athènes.
Lorsqu'on apprit, dans l'été de 323 av.
JC, la mort d'Alexandre et que la Grèce, dans un ultime sursaut, tenta de
secouer la tutelle macédonienne, Démosthène fut rappelé et réhabilité par ses concitoyens.
Il se joignit aux ambassadeurs que sa patrie envoyait de ville en ville pour former une coalition.
En septembre 322
av.
JC, celle-ci fut défaite à Crannon par Antipater, qui exigea qu'on lui livrât les orateurs du parti antimacédonien.
Démosthène avait pu s'enfuir, mais il fut rejoint dans l'île de Calaurie par les sicaires du
Macédonien et, pour ne pas tomber vivant entre leurs mains, il s'empoisonna dans le sanctuaire de Poséidon où il s'était réfugié.
Avec lui finissaient la liberté et la grandeur d'Athènes.
Et si l'on a pu dire que " sa mort tragique devait faire plus pour sa mémoire que ses plus ardents
plaidoyers ", il n'est que juste de reconnaître que l'énergie de son caractère et la vigueur de son éloquence ne pouvaient suffire à elles seules à arrêter
l'essor de l'impérialisme macédonien.
Son échec fut la conséquence de l'usure des institutions et de l'engourdissement des moeurs dans l'A thènes du IVe
siècle : il ne prévaut ni contre sa clairvoyance ni contre son talent..
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