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Dans Le Théâtre, A. Ubersfeld affirme : L'une des caractéristiques les plus étonnantes du texte théâtral, la moins visible, mais peut-être la plus importante, c'est son caractère incomplet. Pour elle, le texte théâtral est donc un texte troué, qui exige du metteur en scène une interprétation. Vous discuterez ce point de vue en prenant appui sur les textes du Corpus et sur les oeuvres que vous avez lues ou étudiées, notamment Rhinocéros.

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- Anne Ubersfeld rappelle la distinction entre une lecture syntagmatique du texte et une lecture paradigmatique : la lecture syntagmatique privilégie le sens qui naît de la succession des mots entre eux, et la lecture paradigmatique décolle du texte, et examine les connotations, les allusions cachées derrières ces mots. Au théâtre, la lecture paradigmatique est particulièrement riche, elle s'exprime dans la mise en scène : Ubersfeld donne comme exemple une mise en scène de Phèdre par Antoine Vitez en 1975, dans laquelle une bassine d'eau figure les larmes; les personnages vont s'y laver le visage pour figurer les pleurs. Cet exemple enrichit le texte en alliant aux larmes l'idée de purification, en sous-entendant que la révélation de Phèdre a le caractère positif d'une expiation. II. Mais le théâtre peut aussi se lire - Dans certaines pièces, le texte présente une valeur littéraire en lui-même : : ses pièces de théâtre ont en effet une tonalité poétique très importante, elles sont écrites dans la forme particulière du "verset" (sortes de vers libres) et les dialogues donnent lieu parfois à de longs développements poétiques (hymne de gloire à Dieu dans L'annonce faite à Marie. Loin d'être "incomplet", le théâtre de Paul Claudel pose plutôt le problème inverse : il est si riche que la représentation semble impossible. La représentation de sa pièce Le soulier de satin devrait durer toute une journée. - Alfred de Musset adopte une position provocatrice, en créant le genre du "théâtre dans un fauteuil" : il affirme en effet que le genre dramatique est limité par la représentation, qui ne peut accueillir un nombre suffisant d'intrigues, de spectateurs, et qui doit être limitée dans le temps (ce qui limite aussi la longueur du texte). Il écrit alors la pièce Lorenzaccio, qui, par sa longueur, le nombre de ses personnages et de ses intrigues, la complexité du cadre (qui implique de reconstituer une ville italienne) et l'extrême longueur de certains monologues, est très difficile à représenter.   III.

« Sujet: Dans Le théâtre, A Ubersfeld affirme: "Une des caractéristiques les plus étonnantes du texte théâtral, la moins visible, mais peut-être la plus importante, c'est son caractère incomplet".

Pour elle le texte théâtral est donc un texte troué qui exige du metteur en scène une interprétation.

Vous discuterez ce point de vue en prenant appui sur les oeuvres que vous avez lu ou étudié. Anne Ubersfeld adopte une position provocatrice en affirmant que le texte théâtral est "incomplet", ce qui suggère une véritable dépendance entre le texte et la mise en scène.

C'est ce terme d' "incomplétude" qui doit être interrogé : on doit se demander dans quelle mesure le texte théâtral exige une mise en scène, et s'il peut s'en passer.

Dans les deux cas il y a problème : si le texte théâtral exige une mise en scène pour être complet, quelle est la valeur du texte "nu" qui est pourtant ce que nous avons le plus souvent à disposition? Et autrement, comment un texte peutil avoir une valeur littéraire à la fois sans et avec une mise en scène? Quelle est la nature de ce texte? I.

Le texte dramatique est destiné à la mise en scène - Dans Lire le théâtre, Anne Ubersfeld souligne l'importance de la mise en scène pour révéler les potentialités du texte théâtral : la représentation est la somme de T (le texte) et T' (la mise en scène); elle précise que le texte au théâtre est troué, laisse des vides; et c'est à la représentation de combler ces vides.

Elle souligne aussi le danger qu'il y aurait à figer le texte, à le sacraliser en le mettant au centre de la mise en scène : il faut au contraire l'écarter, le rendre "mineur" pour augmenter la part de théâtralité.

Plusieurs auteurs de théâtre se caractérisent par une écriture dépourvue de recherche : par exemple dans Dom Juan, de Molière, la scène entre Dom Juan et les paysannes est écrite dans un style clair, simple à comprendre : la richesse du texte vient du jeu scénique très drôle qu'elle permet de créer, dans le va-t-vient de Dom Juan entre les deux paysannes à qui il fait la cour. - Anne Ubersfeld rappelle la distinction entre une lecture syntagmatique du texte et une lecture paradigmatique : la lecture syntagmatique privilégie le sens qui naît de la succession des mots entre eux, et la lecture paradigmatique décolle du texte, et examine les connotations, les allusions cachées derrières ces mots.

Au théâtre, la lecture paradigmatique est particulièrement riche, elle s'exprime dans la mise en scène : Ubersfeld donne comme exemple une mise en scène de Phèdre par Antoine Vitez en 1975, dans laquelle une bassine d'eau figure les larmes; les personnages vont s'y laver le visage pour figurer les pleurs.

Cet exemple enrichit le texte en alliant aux larmes l'idée de purification, en sous-entendant que la révélation de Phèdre a le caractère positif d'une expiation. II.

Mais le théâtre peut aussi se lire - Dans certaines pièces, le texte présente une valeur littéraire en lui-même : : ses pièces de théâtre ont en effet une tonalité poétique très importante, elles sont écrites dans la forme particulière du "verset" (sortes de vers libres) et les dialogues donnent lieu parfois à de longs développements poétiques (hymne de gloire à Dieu dans L'annonce faite à Marie.

Loin d'être "incomplet", le théâtre de Paul Claudel pose plutôt le problème inverse : il est si riche que la représentation semble impossible.

La représentation de sa pièce Le soulier de satin devrait durer toute une journée. - Alfred de Musset adopte une position provocatrice, en créant le genre du "théâtre dans un fauteuil" : il affirme en effet que le genre dramatique est limité par la représentation, qui ne peut accueillir un nombre suffisant d'intrigues, de spectateurs, et qui doit être limitée dans le temps (ce qui limite aussi la longueur du texte).

Il écrit alors la pièce Lorenzaccio, qui, par sa longueur, le nombre de ses personnages et de ses intrigues, la complexité du cadre (qui implique de reconstituer une ville italienne) et l'extrême longueur de certains monologues, est très difficile à représenter. III.

L'ambivalence du texte théâtral - La double nature du texte théâtral en fait la richesse : on peut choisir de l'aborder de deux manières différentes. Soit en l'accompagnant d'une mise en scène qui enrichit l'interprétation, soit en examinant le texte nu (ce qu'on fait en classe).

L'existence d'un texte écrit, distinct d'une mise en scène, permet justement la pluralité des mises en scènes (au contraire d'une pièce pour laquelle on aurait très peu de liberté de mise en scène : cette ambivalence est bien rendue par la pièce Cette fois , de Beckett, écrite sur la fin de sa fin, qui peut se réduire à un monologue dépourvu d'action.

Beckett commente : "A l'objection que la composante visuelle est trop petite, hors de proportion avec l'auditive, réponse : la réduire encore en vertu du principe que qui peut le moins peut le plus." D'une part l'absence de "composante visuelle" permet d'aborder le texte littéraire en se passant de mise en scène; d'autre part ce manque d'indications scéniques donne d'autant plus de liberté au metteur en scène qui voudrait s'y attaquer. C'est l'ambivalence du texte théâtral qui en fait la spécificité par rapport au roman ou à la poésie: il oscille entre deux pôles, qui sont la littérarité pure (monologues, tentation du lyrisme, de la poésie, de la méditation philosophique) et la théâtralité pure (dialogues, "agôn" théâtral, mime, comédie, mise en scène de combats, de dieux, de monstres fantastiques).

Tout texte de théâtre doit pouvoir être abordé selon ces deux angles : d'une part, dans le texte même et dans sa signification; d'autre part, dans la manière dont on peut rendre de manière visible et éclatante aux yeux du spectateur cette signification.. »

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