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Daniel BOULANGER - « En été », Les Noces du Merle.

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[Après avoir mené une vie aventureuse jusqu'en 1958, Boulanger se consacra à la rédaction de scénarios de films et de nouvelles qui lui valurent plusieurs prix. Dans ses nouvelles, les personnages ont souvent plus de cinquante ans, ils vivent en province d'une façon banale, un peu vieillotte, sans révolte. L'art de Boulanger est de savoir en peu de pages, par tel geste, quelques mots, les individualiser, leur enlever tout caractère stéréotypé, conventionnel. Parmi ses œuvres : les Noces du Merle, Vessies et Lanternes, Fouette cocher ! Il est l'auteur, entre autres, des scénarios de l'Homme de Rio et d'A bout de souffle.] Dans le jardin au milieu des champs et sous le saule au milieu du jardin, les enfants se sont réfugiés. Ils parlent à voix basse. Leur rire parfois s'égare en papillon jusqu'au soleil. La mère est à l'ombre de la grange. Le père, de vague en vague, s'enfonce dans le sommeil, retrouvant dans la chambre qui tangue avec douceur tout un lot de couleurs qui s'enfuient par la porte et brûlent sur les pierres. Avant le repas de midi, manège autour de la carafe d'eau, les enfants sont rentrés chargés de fleurs. L'oie les suivait, qui s'appelle Séraphine, sous l'œil en coin du chien qui veille près de la table, au frais des carreaux rouges. Il n'y a personne au-delà de ce monde, mais dans le globe de la lumière où les arbres ont la pâleur d'un bouquet de mariée un bonheur encore se prépare d'où naîtra le vent. On le sent déjà qui nous désire. L'unique oiseau qui se tenait immobile en plein ciel tombe au ras des chaumes. Il n'y a plus à vivre que l'instant. Au retour de la fraîcheur, les yeux se regardent et se découvrent. La maison sent le pain. Le père, avant la nuit, dira l'histoire qu'on lui réclame, un conte qui ressemble à ce jour hors du temps, sans héros et sans gestes, qui s'ouvre et se ferme avec la délicatesse d'une fleur. Après, nous irons regarder les astres qu'une fois encore les enfants se mettront à compter.

« Daniel BOULANGER - « En été », Les Noces du Merle. [Après avoir mené une vie aventureuse jusqu'en 1958, Boulanger se consacra à la rédaction de scénarios de films et de nouvelles qui lui valurent plusieurs prix.

Dans ses nouvelles, les personnages ont souvent plus de cinquante ans, ils vivent en province d'une façon banale, un peu vieillotte, sans révolte.

L'art de Boulanger est de savoir en peu de pages, par tel geste, quelques mots, les individualiser, leur enlever tout caractère stéréotypé, conventionnel.

Parmi ses œuvres : les Noces du Merle, Vessies et Lanternes, Fouette cocher ! Il est l'auteur, entre autres, des scénarios de l'Homme de Rio et d'A bout de souffle.] Dans le jardin au milieu des champs et sous le saule au milieu du jardin, les enfants se sont réfugiés.

Ils parlent à voix basse.

Leur rire parfois s'égare en papillon jusqu'au soleil.

La mère est à l'ombre de la grange.

Le père, de vague en vague, s'enfonce dans le sommeil, retrouvant dans la chambre qui tangue avec douceur tout un lot de couleurs qui s'enfuient par la porte et brûlent sur les pierres.

Avant le repas de midi, manège autour de la carafe d'eau, les enfants sont rentrés chargés de fleurs.

L'oie les suivait, qui s'appelle Séraphine, sous l'œil en coin du chien qui veille près de la table, au frais des carreaux rouges.

Il n'y a personne au-delà de ce monde, mais dans le globe de la lumière où les arbres ont la pâleur d'un bouquet de mariée un bonheur encore se prépare d'où naîtra le vent.

On le sent déjà qui nous désire.

L'unique oiseau qui se tenait immobile en plein ciel tombe au ras des chaumes.

Il n'y a plus à vivre que l'instant. Au retour de la fraîcheur, les yeux se regardent et se découvrent.

La maison sent le pain.

Le père, avant la nuit, dira l'histoire qu'on lui réclame, un conte qui ressemble à ce jour hors du temps, sans héros et sans gestes, qui s'ouvre et se ferme avec la délicatesse d'une fleur.

Après, nous irons regarder les astres qu'une fois encore les enfants se mettront à compter. Les Noces du Merle (1963) est l'un des nombreux recueils de nouvelles composés par D.

Boulanger.

Les soixante-trois nouvelles qu'il compte s'organisent en cinq sections, portant chacune pour titre un fragment de l'épigraphe de Buffon, donnée en fin de volume : « Le ramage naturel du merle est très doux, très flûte, mais un peu triste, comme doit être le chant de tout oiseau vivant en solitude.

» Le recueil répond au naturaliste en proposant une série d'observations minutieuses et poétiques des hommes dans les cadres les plus variés, marquées par la sensation et la sensualité. « En été » est la dernière pièce et expose, dans un bref développement, le déroulement d'un jour d'été brûlant à la campagne.

Du texte se dégage une sensualité paisible qui invite à goûter chaque moment de cette journée.

Mais audelà, ne faut-il pas distinguer la présence d'un temps suspendu qui n'est plus seulement d'un jour ou d'une saison ? Le texte raconte une journée d'été vécue par une famille anonyme composée d'enfants, (on en ignore le nombre) et d'adultes : la mère, le père.

Nous nous trouvons à la campagne, comme en témoignent non seulement le cadre, « dans le jardin au milieu des champs » (l.

1), mais encore les animaux domestiques, « chien » et surtout « oie ».

Seule cette dernière est nommée, Séraphine, ce qui ajoute une valeur affective à l'apparition de l'animal.

Elle fait partie de la famille dont les autres membres se définissent par leur relation : enfants, parents.

Tous se retrouvent dans une maison fraîche, ouverte néanmoins sur l'extérieur puisque les couleurs « s'enfuient par la porte » (l.

6). Car nous sommes au plein cœur de l'été, comme l'indique l'oiseau qui « tombe au ras des chaumes » (l.

13-14).

Le titre, En été, implique un contenu, sous l'espèce de la préposition « en », que le texte développe, déroulant les éléments constitutifs de ce jour d'été : lumière et chaleur.

La lumière est celle, crue, qui tue les couleurs : « lot de couleurs qui (...) brûlent sur les pierres » (l.

5-6).

Elle est à ce point une lampe qui consume, qu'elle peut s'inscrire dans un « globe » d'une extrême blancheur (l.

11).

Elle tue donc les regards qui devront attendre le soir pour se voir (« Au retour de la fraîcheur les yeux se regardent et se découvrent », 1 14-15).

Mais à l'intérieur de la maison les couleurs sont suggérées .

« Les enfants sont rentrés chargés de fleurs », (l.

7-8) « au frais des carreaux rouges », (l. 9-10).

La fin du texte opère une bienheureuse synthèse de la lumière et de l'obscurité dans la contemplation du ciel étoile : « Après, nous irons regarder les astres » (l.

18-19).

La chaleur n'est dite explicitement qu'une fois, lorsque les couleurs « brûlent sur les pierres » (l.

6).

Ailleurs, elle est exprimée par ses contraires : « au frais des carreaux »(l.

910), « au retour de la fraîcheur » (l.

14-15).

Tout se passe comme si elle était trop grande pour que l'on pût même la prononcer.

Le rythme dit, mieux qu'une 92 définition, l'hébétude qui s'empare des êtres, sous son effet : courtes pour la plupart, dans le début du texte où les êtres cherchent l'ombre et au moment de la touffeur de l'après-midi, les phrases expriment ainsi l'immobilité à laquelle réduit la chaleur. Néanmoins, ce jour d'été n'est pas figé dans un moment unique ; au contraire, nous en suivons les étapes de la matinée au crépuscule.

La structure du texte épouse les différentes heures : en fin de matinée, la famille est dispersée (l.

1-6) ; puis elle se réunit à midi (l.

6-10) avant de sombrer dans la torpeur de l'après-midi (l.

10-14) ; ensuite, la fraîche soirée délie les regards et les langues (l.

14-20).

Les moments de plus grande chaleur et de plus intense lumière sont aussi ceux du silence : ce n'est que le soir que la famille raconte ; le matin ne laissait filtrer que des chuchotements et des rires : « Ils parlent à voix basse.

Leur rire parfois s'égare en papillon » (l.

2-3). Malgré la canicule, le monde que nous offre Boulanger ici est confortable : de la pièce d'ombre, de l'arbre au globe de lumière, il reconduit sans cesse cette image du cercle : chambre (l.

5) ou carafe d'eau (l.

7).

La première phrase donne le ton, avec ses longs compléments qui laissent attendre le sujet : « dans le jardin au milieu des champs et sous le saule au milieu du jardin » (l.

1).

La double construction, par « dans » et « sous », dessine un espace clos qui se réduit et symbolise la protection. Les métaphores font de tous les éléments un univers cohérent : le rire enfantin « s'égare en papillon jusqu'au soleil », (l.

3), « les arbres ont la pâleur d'un bouquet de mariée » (l.

11) et le jour se fait fleur (l.

17-18).

Cette. »

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