Corneille, Le Cid, Acte II, scène 8.
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Corneille, Le Cid, Acte II, scène 8.
CHIMÈNE
Sire, sire, justice !
DON DIÈGUE
Ah ! sire, écoutez-nous.
CHIMÈNE
Je me jette à vos pieds.
DON DIÈGUE
J'embrasse vos genoux
CHIMÈNE
Je demande justice.
DON DIÈGUE
Entendez ma défense.
CHIMÈNE
D'un jeune audacieux punissez l'insolence ;
Il a de votre sceptre abattu le soutien,
Il a tué mon père.
DON DIÈGUE
Il a vengé le sien.
CHIMÈNE
Au sang de ses sujets un roi doit la justice.
DON DIÈGUE
Pour la juste vengeance il n'est point de supplice.
DON FERNAND
Levez-vous l'un et l'autre, et parlez à loisir.
Chimène, je prends part à votre déplaisir ;
D'une égale douleur je sens mon âme atteinte.
Vous parlerez après ; ne troublez pas sa plainte.
CHIMÈNE
Sire, mon père est mort ; mes yeux ont vu son sang
Couler à gros bouillons de son généreux flanc ;
Ce sang qui tant de fois garantit vos murailles,
Ce sang qui tant de fois vous gagna des batailles,
Ce sang qui tout sorti fume encor de courroux
De se voir répandu pour d'autres que pour vous,
Qu'au milieu des hasards n'osait verser la guerre,
Rodrigue en votre cour vient d'en couvrir la terre.
J'ai couru sur le lieu, sans force et sans couleur,
Je l'ai trouvé sans vie. Excusez ma douleur,
Sire, la voix me manque à ce récit funeste ;
Mes pleurs et mes soupirs vous diront mieux le reste.
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