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Chateaubriand, Lettre à Julie Récamier, 1829.

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Chateaubriand, Lettre à Julie Récamier, 1829. Rome, mercredi 15 avril 1829. Je commence cette lettre le mercredi saint au soir, au sortir de la chapelle Sixtine, après avoir assisté à Ténèbres1 et entendu chanter le Miserere. Je me souvenais que vous m'aviez parlé de cette belle cérémonie, et j'en étais, à cause de cela, cent fois plus touché. C'est vraiment incomparable. Cette clarté qui meurt par degrés, ces ombres qui enveloppent peu à peu les merveilles de Michel-Ange; tous ces cardinaux à genoux; ce nouveau pape prosterné lui-même au pied de l'autel où, quelques jours avant, j'avais vu son prédécesseur; cet admirable chant de souffrance et de miséricorde s'élevant par intervalles dans le silence et la nuit; l'idée d'un Dieu mourant sur la croix pour expier les crimes et les faiblesses des hommes, Rome et tous ses souvenirs sous la voûte du Vatican. Que n'étiez-vous là avec moi ! J'aime jusqu'à ces cierges dont la lumière étouffée laisse échapper une fumée blanche, image d'une vie subitement éteinte. C'est une belle chose que Rome pour tout oublier, pour mépriser tout et pour mourir. Au lieu de cela, le courrier demain m'apportera des lettres, des journaux, des inquiétudes. II faudra vous parler de politique. Quand aurai-je fini de mon avenir et quand n'aurai-je plus à faire dans le monde qu'à vous aimer et à vous consacrer mes derniers jours ? 1. Ténèbres : office du soir célébré pendant la Semaine sainte.

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