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Charles SAINTE-BEUVE (1804-1869) (Recueil : Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme) - Le calme

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Charles SAINTE-BEUVE (1804-1869) (Recueil : Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme) - Le calme Souvent un grand désir de choses inconnues, D'enlever mon essor aussi haut que les nues, De ressaisir dans l'air des sons évanouis, D'entendre, de chanter mille chants inouïs, Me prend à mon réveil ; et voilà ma pensée Qui, soudain rejetant l'étude commencée, Et du grave travail, la veille interrompu, Détournant le regard comme un enfant repu, Caresse avec transport sa belle fantaisie Et veut partir, voguer en pleine poésie. A l'instant le navire appareille : et d'abord Les câbles sont tirés, les ancres sont à bord, La poulie a crié ; la voile suspendue Ne demande qu'un souffle à la brise attendue, Et sur le pont tremblant tous mes jeunes nochers S'interrogent déjà vers l'horizon penchés. Adieu, rivage, adieu ! - Mais la mer est dormante, Plus dormante qu'un lac ; mieux vaudrait la tourmente ! Mais d'en haut, ce jour-là, nul souffle ne répond ; La voile pend au mât et traîne sur le pont. Debout, croisant les bras, le pilote, à la proue, Contemple cette eau verte où pas un flot ne joue, Et que rasent parfois de leur vol lourd et lent Le cormoran plaintif et le gris goëland. Tout le jour il regarde, inquiet du voyage, S'il verra dans le ciel remuer un nuage, Ou frissonner au vent son beau pavillon d'or ; Et quand tombe la nuit, morne, il regarde encor La quille où s'épaissit une verdâtre écume, Et la pointe du mât qui se perd dans la brume.

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