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Charles-Hubert MILLEVOYE (1782-1816) - Les J'ai vu

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Charles-Hubert MILLEVOYE (1782-1816) - Les J'ai vu de la promenade de Longchamp J'ai vu cette brillante fête, Fête des grâces, des amours, Que trois mois d'avance on apprête, Et dont on s'occupe trois jours. J'ai vu la beauté sous les armes, Rassemblant tous ses traits vainqueurs, Doubler le pouvoir de ses charmes Pour venir assiéger les coeurs. J'ai vu la toilette nouvelle, Et, d'honneur, j'en suis enchanté Ces dames mettant tant de zèle À retracer l'antiquité, Qu'on les verra, si cela dure, Quittant l'habit grec ou romain, Reprendre la simple parure De la mère du genre humain. J'ai vu tour à tour d'autres belles, Se livrant à des goûts nouveaux, Oser, amazones nouvelles, Caracoler sur des chevaux... Comme tomber n'est pas descendre, Belles, prenez garde aux faux pas : Vous risquez... Vous devez m'entendre, Et Boufflers a su vous apprendre Ce qu'il arrive en pareil cas. J'ai vu la tournure grossière Des parvenus en chars brillants : Ces messieurs se tiennent dedans De l'air dont on se tient derrière. J'ai vu l'intrigant Dorival, Qui faisait aujourd'hui figure, Et demain vendra le cheval Afin de payer la voiture. J'ai vu 'campos ubi Troja...' J'ai vu les ruines célèbres Du temple où jadis ce jour-là Les nonnettes chantaient ténèbres Avec les filles d'Opéra. J'ai vu la foule confondue Revenir, au déclin du jour, Par la longue et sombre avenue De ce bois planté par l'amour, Où, dit-on, à l'hymen son frère Le fripon joua plus d'un tour ; Bois charmant où le doux mystère Établit avec lui sa cour. J'ai vu l'amant et son amie, Dans leurs yeux portant le bonheur ; Je les ai vus d'un oeil d'envie, Et me suis dit au fond du coeur : Ah ! dans ce bois, aimable Laure, Que ne puis-je avec toi rêver ! Je ne voudrais m'y retrouver Qu'afin de m'y reperdre encore.

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