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Charles Augustin Sainte-Beuve

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Charles Augustin Sainte-Beuve Charles Augustin Sainte-Beuve, qui eût pu sans usurpation ajouter une particule à son nom, est né à Boulogne-sur-Mer, 146, rue du Pot d'Étain, le 23 décembre 1804. Il est mort à Paris, rue du Montparnasse, le 13 octobre 1869. Il a publié son premier article au journal Le Globe le 10 octobre 1824. Ces trois dates bornent la durée d'une existence et d'une oeuvre. Pour être fixé sur l'importance de cette existence et de cette oeuvre, il suffit de les supprimer en pensée du siècle où elles sont inscrites. L'épreuve est décisive : Sainte-Beuve absent du XIXe siècle, le vide qui s'y produit est considérable. Et pourtant Sainte-Beuve n'est pas un homme de son siècle pas plus que, né dans un port, il n'est un enfant de la mer. Il ne s'est pas embarqué, il n'a pas souhaité de longues absences. Lorsqu'il a dit : "J'irais volontiers au bout du monde pour chercher un autre moi-même", ce voeu n'était pas l'expression d'une humeur voyageuse mais celui d'un dépaysement moral. S'il fallait, selon une théorie qui lui était chère, assigner à Sainte-Beuve un type physiologique, on le classerait volontiers comme un lacustre plus que comme un maritime. C'est au bord d'un lac, à Lausanne, qu'il a trouvé son climat. Il s'y est senti heureux : "Mon goût et ma région naturelle, c'est la mi-côte, le riant et l'agreste pays de Vaud... Je crois, en effet, que si j'avais pu vivre quelques années dans ce beau pays, au sein de l'amitié, dans une étude grave et douce, non sans y mêler de cette poésie domestique que je me croyais appelé à introduire le premier chez nous, je crois que je me serais amélioré et que j'aurais retrouvé mon âme..." Ces quelques lignes écrites à une amie définissent ses goûts véritables. Il est l'homme des eaux douces et des coteaux modérés. Aux bords du Léman il rencontrait une société dont il devait partager naturellement les traditions et les plaisirs, dont il pouvait, mieux que personne, apprécier l'ordre et la libéralité. Sa nature n'est pas aventureuse et son talent est à l'image de sa nature : il n'emprunte rien aux lieux où il a vu le jour.

« Charles Augustin Sainte-Beuve Charles Augustin Sainte-Beuve, qui eût pu sans usurpation ajouter une particule à son nom, est né à Boulogne-surMer, 146, rue du Pot d'Étain, le 23 décembre 1804.

Il est mort à Paris, rue du Montparnasse, le 13 octobre 1869.

Il a publié son premier article au journal Le Globe le 10 octobre 1824.

Ces trois dates bornent la durée d'une existence et d'une oeuvre.

Pour être fixé sur l'importance de cette existence et de cette oeuvre, il suffit de les supprimer en pensée du siècle où elles sont inscrites.

L'épreuve est décisive : Sainte-Beuve absent du XIXe siècle, le vide qui s'y produit est considérable. Et pourtant Sainte-Beuve n'est pas un homme de son siècle pas plus que, né dans un port, il n'est un enfant de la mer.

Il ne s'est pas embarqué, il n'a pas souhaité de longues absences.

Lorsqu'il a dit : "J'irais volontiers au bout du monde pour chercher un autre moi-même", ce voeu n'était pas l'expression d'une humeur voyageuse mais celui d'un dépaysement moral.

S'il fallait, selon une théorie qui lui était chère, assigner à Sainte-Beuve un type physiologique, on le classerait volontiers comme un lacustre plus que comme un maritime.

C'est au bord d'un lac, à Lausanne, qu'il a trouvé son climat.

Il s'y est senti heureux : "Mon goût et ma région naturelle, c'est la mi-côte, le riant et l'agreste pays de Vaud...

Je crois, en effet, que si j'avais pu vivre quelques années dans ce beau pays, au sein de l'amitié, dans une étude grave et douce, non sans y mêler de cette poésie domestique que je me croyais appelé à introduire le premier chez nous, je crois que je me serais amélioré et que j'aurais retrouvé mon âme..." Ces quelques lignes écrites à une amie définissent ses goûts véritables.

Il est l'homme des eaux douces et des coteaux modérés.

Aux bords du Léman il rencontrait une société dont il devait partager naturellement les traditions et les plaisirs, dont il pouvait, mieux que personne, apprécier l'ordre et la libéralité.

Sa nature n'est pas aventureuse et son talent est à l'image de sa nature : il n'emprunte rien aux lieux où il a vu le jour. Cependant, d'où tenait-il ses dons ? Dans une biographie qu'il a écrite lui-même, et qu'on peut lire en tête du tome XIII des Nouveaux Lundis, il a précisé ses origines.

Son père, contrôleur principal des droits réunis, et qui mourut deux mois avant la naissance de son enfant, était né près de Montdidier en Picardie ; sa mère était Boulonnaise, fille d'un capitaine au long cours et d'une Anglaise.

Ce serait sans doute forcer ce qui peut légitimement revenir à l'hérédité que d'évoquer cette grand-mère anglaise pour justifier le tempérament "lakiste" de Sainte-Beuve et le goût que, poète, il montra pour des poètes comme Wordsworth.

Mais sans remonter à sa grand-mère, Sainte-Beuve attribuait à son père, lettré sensible et virgilien, ses inclinations intellectuelles : Il m'a laissé du moins son âme et son esprit... Sainte-Beuve avait conservé les livres paternels ; il retrouva en marge de Lucrèce, d'Horace, de Voltaire, les notes de ce père qu'il n'avait pas connu : ce fut là une des voix qui parlèrent à son adolescence. Une autre circonstance familiale a sans doute influencé son caractère.

Né d'un homme âgé, il a été élevé par une mère affectueuse mais exigeante dans son affection, comme certaines veuves le sont envers leur fils.

Sainte-Beuve a aimé sa mère dont il a partagé la finesse d'esprit et le bon sens, et qui est morte à plus de quatre-vingts ans dans la maison où il a lui-même cessé de vivre et, l'aimant, il ne s'en est séparé que rarement.

Cette communauté qui dura depuis l'enfance et qui prit parfois l'insistance d'une tutelle n'aura pas été sans gêner Sainte-Beuve.

Sa tendresse filiale réduisit ses libertés comme ses amitiés freinèrent son jugement.

Sainte-Beuve fut un homme à la recherche de son indépendance et parce que sa nature l'inclinait à la modération, il s'efforça souvent de rejoindre cette indépendance par des biais qui firent injustement contester son caractère. Ce tempérament un peu féminin, plus vulnérable qu'offensif, et plus inquiet qu'incertain, se compliquait d'une imperfection physique et d'une vive imagination sentimentale.

"Tout enfant, je ne rêvais qu'un bonheur : l'amour...", écrivait-il à Victor Pavie, auquel il faut ajouter la réponse qu'il fit un jour où on lui demandait ce qu'il aurait souhaité d'être : "Lieutenant de hussards" répondit-il en pensant assurément à la séduction exercée par l'uniforme.

C'est Paul Bourget qui a rapporté ce propos dans la Physiologie de l'amour moderne, en classant Sainte-Beuve dans la troupe des "exclus par timidité".

Timidité ?...

certainement ; mais l'exclusion ne fut pas totale ; et un amour de SainteBeuve a rempli l'histoire littéraire de son énigme et de ses indiscrétions. Ces détails montrent la complexion et la complexité de sa nature.

Ils seraient ici superflus si l'oeuvre de SainteBeuve se situait à l'écart de son naturel ; mais cette oeuvre tout entière poésie, roman, critique garde les reflets de ce naturel quand elle n'en est pas une justification.

Ses portraits les mieux réussis, ses approximations les plus profondes portent sur des ressemblances ou des inclinations personnelles.

C'est ainsi qu'il a fort bien parlé des femmes et de ceux qui les aimaient.

Il sut même peindre, les enviant, ceux qui, comme Chateaubriand et Benjamin Constant, les aimaient en les désolant. Cette intuition de nature se doubla chez Sainte-Beuve d'un pouvoir de pénétration qu'il dut en partie à quatre années d'études médicales.

Après de sérieuses études accomplies à Boulogne puis à Paris à la pension Landry, au collège Charlemagne et au collège Bourbon, il avait pris, en 1823, une première inscription à la Faculté de Médecine, puis seize autres en poursuivant sa formation sous Dupuytren et à l'hôpital Saint-Louis, avec Richerand.

Pourtant ce n'est pas avec ces deux maîtres, mais à l'Athénée Royal, où se maintenait très active une tradition scientifique et libérale, que Sainte-Beuve affermit ses dons d'analyste et de physiologiste.

Il avait "un goût décidé" pour la médecine ; et c'est à elle, affirmait-il au terme de sa vie, qu'il devait son "esprit de philosophie, l'amour de l'exactitude et de la réalité physiologique".

Ses carnets de jeunesse certifient ces assertions de l'âge mûr.

SainteBeuve, dès l'âge de vingt ans, y déposait sa doctrine et son espérance.

Il y disait déjà ce qu'il inscrivait plus tard. »

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