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Brantôme - Vies des dames illustres.

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…… En nommerai-je encor davantage ? Non ; car ma mémoire n'y saurait fournir. Aussi il y en a tant d'autres Dames et filles, que je les prie de m'excuser si je les fais passer au bout de la plume ; non que je ne les veuille fort priser et estimer ; mais je n'y ferais que rêver et m'y amuser par trop. Pour vouloir faire fin, et dire que toute cette compagnie, que je viens à nommer, on n'y eut rien à reprendre de leur temps, car toute beauté y abondait, toute majesté, toute gentillesse, toute bonne grâce ; et bienheureux était-il qui pouvait être touché de l'amour de telles dames, et bien heureux aussi qui ne pouvait escapar . Et vous jure que je j'ai nommé nulles de ces Dames et Damoiselles qui ne fussent fort belles, agréables et bien accomplies, et toute batantes pour mettre un feu par tout le monde. Aussi, tant qu'elles ont été en leur beaux âges, elles en ont bien brûlé une bonne part, autant de nous autres gentils hommes de Cour que d'autres qui s'approchaient de leurs feux : aussi à plusieurs ont-elles été douces, amiables et favorables et courtoises. Je parle d'aucunes, desquelles j'espère en faire de bons contes dans ce livre avant que je m'en départe, et d'autres aussi qui ne sont y comprises ; mais le tout si modestement, et sans scandale, qu'on ne s'en apercevra de rien ; car le tout se couvrira sous le rideau du silence de leur nom : si que possible aucunes qui en liront des contes d'elles-mêmes ne s'en désagréront ; car puisque le plaisir amoureux ne peut pas toujours durer, pour beaucoup d'incommodité, empêchements et changements, pour le moins le souvenir du vieil passé contente encore. Or, pour bien considérer combien il faisait beau voir toute cette belle troupe de Dames et Damoiselles, créatures plutôt divines que humaines, il fallait se représenter les entrées de Paris et autres villes, les sacrées et superlatives noces de nos Rois de France, et de leurs sœurs Filles de France. (…) Bref, on n'eut rien vu que tout beau, tout éclatant, tout brave, tout superbe, que jamais la gloire de Niquée n'en approcha : car on voyait tout cela reluire dans une salle du bal, au Palais ou au Louvre, comme étoiles au ciel en temps serein. Ainsi leur Reine voulait et leur commandait toujours qu'elles comparussent en haut et superbe appareil , encor que, durant sa viduité , elle ne se para jamais de mondaines soies, sinon lugubres, mais tant bien proprement pourtant, et si bien accommodée , qu'elle paraissait bien la Reine par-dessus toutes. …… Brantôme - Vies des dames illustres.

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