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Bertrand de Born

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Bertrand de Born vers 1150-avant 1215 S'il était question de donner la palme à l'un de nos grands poètes méridionaux des XIIe et XIIIe siècles, Bertrand de Born, à coup sûr, serait sur les rangs. Du moins apparaît-il comme le type achevé du troubadour politique et guerrier. Il naquit vers le milieu du XIIe siècle à Hautefort — Born étant le nom d'un étang et d'une forêt, non loin de là. Il n'est que de se référer à la vieille biographie provençale d'Uc de Saint-Circ, miroir grossissant peut-être, mais où se réfléchit grossièrement la figure du poète, telle qu'ont pu la voir les contemporains : "Bertrand de Born était seigneur d'un château appelé Hautefort, dans l'évêché de Périgord. Toujours il fut en guerre avec ses voisins et avec le comte de Périgord, tant que celui-ci resta comte de Poitiers. Il fut bon chevalier, bon guerrier, bon troubadour, et avisé, et galant. Et il était l'hôte, chaque fois qu'il le voulait, du roi d'Angleterre et de son fils… Mais il voulait toujours qu'ils fussent en guerre entre eux…" Sur toutes choses, dès l'abord, un fomenteur de disputes.


« Bertrand de Born vers 1150-avant 1215 S'il était question de donner la palme à l'un de nos grands poètes méridionaux des XIIe et XIIIe siècles, Bertrand de Born, à coup sûr, serait sur les rangs. Du moins apparaît-il comme le type ac hevé du troubadour politique et guerrier. Il naquit vers le milieu du XIIe siècle à Hautefort — Born étant le nom d'un étang et d'une forêt, non loin de là.

Il n'est que de se référer à la vieille biographie provençale d'Uc de Saint-C irc, miroir grossissant peut-être, mais où se réfléc hit gross ièrement la figure du poète, telle qu'ont pu la voir les contemporains : "Bertrand de Born était seigneur d'un château appelé Hautefort, dans l'évêc hé de Périgord.

T oujours il fut en guerre avec ses voisins et avec le comte de P érigord, tant que c elui-ci resta comte de P oitiers.

Il fut bon chevalier, bon guerrier, bon troubadour, et avisé, et galant.

Et il était l'hôte, chaque fois qu'il le voulait, du roi d'A ngleterre et de s on fils… M ais il voulait toujours qu'ils fussent en guerre entre eux…" Sur toutes choses, dès l'abord, un fomenteur de disputes. I l faut, pour comprendre cette ac tivité essentielle de Bertrand, se rappeler que l'A quitaine était alors le théâtre des rivalités des trois fils de Henri I I d'A ngleterre : H enri au C ourt M antel, Richard C oeur de Lion, comte de Poitiers, et Godefroy ; rivalités qui armèrent bientôt, contre le roi et le comte, l'aîné et le benjamin jaloux.

Il faut savoir, d'autre part, que Bertrand de Born avait eu maille à partir avec son propre frère C onstantin, par lui accusé de l'avoir lésé dans le partage des biens paternels, et que Richard C oeur de Lion avait pris, au moment c ritique, le parti de C ons tantin : de là, l'empressement du troubadour à verser une huile périgourdine sur le feu des querelles anglaises, et c ette rage, notamment, d'animer contre le vieux roi c elui qu'on appelait le "Jeune roi", rage qui lui a valu si belle place au C h a n t X X V III de L'Enfer de Dante : "J'ai vu, et il me semble que je le vois encore, un buste décapité, marchant, ainsi que marchaient les autres dans ce groupe funèbre.

Il tenait sa tête par les cheveux, suspendue à sa main, en guise de lanterne…, et cette tête nous regardait et disait : — Hélas !… P arce que j'ai séparé des personnes que le sang unissait, je porte mon cerveau séparé du buste sur lequel il devrait reposer…" Dès la terre, d'ailleurs, s a passion de faire battre les murs valut à Bertrand de Born c ertains revers .

C 'est ainsi que, H enri au C ourt M antel étant mort de maladie à Martel, en 1183, au cours de sa guerre monstrueuse, le troubadour vit sa propre terre de Hautefort occupée par l'ennemi même qu'il avait suscité. Une belle légende le montre assez piteux aux pieds du roi H enri, au reste aus si habile, pour s e tirer de difficulté, à faire vibrer c hez le père la corde paternelle, qu'hier, chez le fils , la corde parricide. “…Et toujours il voulut aussi, ajoute U c de Saint-C irc, que le roi d'A ngleterre et le roi de France fussent en guerre entre eux…" En fait, qu'il s'agisse de mettre aux prises le vieux roi d'A ngleterre et ses enfants, ou bien Richard et P hilippe A uguste, ou encore Richard et A lfonse II, notre Bertrand est toujours là ; ce petit seigneur ne rêve que grandes plaies et grandes bosses. A u fait, pas tellement pour lui-même.

En bon troubadour militaire, il aime surtout voir les autres se battre.

O n a parfois l'impres sion qu'il se plaît mieux à composer des sirventès dans son château qu'à se jeter, l'épée haute, dans la mêlée.

A insi quand, reprochant à Richard et à P hilippe leur retard à secourir en O rient le roi C onrad, il déclare avoir été retenu, pour s on c ompte, par les charmes de sa dame. C ar c e brutal eut un amour : ne parlons pas des deux femmes qu'il épousa : une Rosemonde, puis une P hilippe, dont il devait avoir en tout cinq enfants — mais une certaine M aheut de Montignac, objet de ses chants, cette personne "fraîc he et fine, mignonne, gracieuse et délicate, à la chevelure ardente comme rubis, à la peau blanche comme fleur d'aubépine, aux coudes potelés, aux tétons durs, à l'échine de lapin" qu'il décrit dans une pièce célèbre.

A moureux infidèle, c omme ami ou ennemi opportuniste et versatile ! Il devait exciter la jalousie de M aheut contre une certaine Guicharde et s e voir provisoirement congédié — quitte à adorer les plus beaux fragments d'un certain nombre de dames nouvelles, pour reconstituer, par un ingénieux puzzle, l'idole perdue… Ses amours, d'ailleurs, prennent une allure martiale comme le reste : mais, sous la chemise de l'amant c omme sous l'armure du chevalier, on peut douter qu'il ait élevé ses actes à la hauteur de ses chants. C e politique égoïste et perfide, ce chevalier hâbleur et inc onstant, s orte, comme on l'a dit, de "c ondottière lyrique", devait finir étrangement sous la capuce d'un moine de l'ordre de C îteaux, à l'abbaye de D alon, proche de Hautefort, où des doc uments s ûrs nous le montrent installé dès 1197.

O n trouve à la date de 1 2 1 5 , dans la chronique de B.

Itier, bibliothécaire de Saint-M artial de Limoges, cette phrase laconique : " O c t a v a c andela in sepulcro ponitur pro Bertrando de Born." Dès 1194, d'ailleurs, Bertrand, à ce qu'il semble, avait cessé d'écrire. Les "chansonniers", ou manuscrits anthologiques des troubadours , nous ont gardé de Bertrand de Born quarante-deux sirventès ou chansons , soit vingtsept poés ies politiques, sept poésies amoureuses et huit pièces d'intention morale ou politique.

L'ens emble a fait l'objet d'une édition et d'une étude définitive d'A ntoine T homas, d'une belle publication aussi de l'A llemand Stimming. P armi les poés ies guerrières, on admire surtout le sirventès Pois V entodorns e C omborns ab Segur par lequel il excite les barons à se liguer contre Richard, le sirventès A r ve la coindeta Sazos, saluant, par un de c es revirements dont le poète est familier, l'arrivée du même Richard, le Mes sage du roi C onrad à T yr (A ra s ai eu de pretz cual l'a plus gran) le P laint sur la mort du Jeune roi (Si tuit li dol elh plor elh marrimen) où il fait voir, avec beaucoup d'art, une émotion presque sincère, surtout, et peut-être, le demi-sirventès (Mei s irventes volh far dels reis amdos ) sur la guerre de Richard et d'A lfonse, où éclate toute sa mâle joie devant les combats auxquels il ne prend point part : "Si les rois sont tous deux vaillants et hardis, nous aurons tôt fait de voir les c hamps jonchés de débris de heaumes et d'éc us, d'épées et d'arçons ; nous verrons partout des cadavres fendus de la tête à brayette et au has ard les destriers courants, et mainte lance enfoncée à travers les poitrines…" Entre s e s poésies amoureus es, relativement moins intéress antes, les anthologistes retiennent volontiers s a Justification à M aheut (Eu m'esc ondis c, dompna, que mal non mier) où, sous l'amant, éclate le mieux le hobereau paillard et violent : "Si jamais , fût-ce par la pensée, j'ai commis quelque faute envers vous, puisé-je, quand je serai s eul avec une femme dans une chambre ou un jardin, me trouver impuissant et hors d'état de faire mon devoir…" C 'est parmi les pièces morales et satiriques qu'on range généralement s on chef-d'oeuvre, le sirventès Be m platz lo gais temps de Pas cor : "J'aime le joyeux temps de P âques Q ui fait venir feuilles et fleurs Et j'aime entendre la rumeur Des oiseaux qui font retentir Leur chant par le bocage ; Et j'aime voir sur les prairies T entes et pavillons dressés, Et j'ai grande allégresse, Lorsqu'aux champs je vois se dresser C hevaux et cavaliers en armes." Impétueux, mordant, fort, concis, animé, coloré, on se demande quelles vertus de la plume belliqueuse ont manqué à ce T yrtée limousin, le plus grand sans doute, comme le premier en date, de nos poètes militaires .. »

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