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BÉROALDE DE VERVILLE (François BROUARD, dit)

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Béroalde de Verville concentre admirablement les défis de la Renaissance, dont celui d'avoir engagé avec le lecteur une redoutable partie d'interprétation. Science, spiritualité et romans. Fils d'un professeur humaniste célèbre, Mathieu Béroalde, l'auteur est d'abord élevé dans la religion réformée : condisciple de d'Aubigné et de Pierre de L'Estoile, on le trouve au siège de Sancerre, puis à Genève (1572). C'est dans cette ville qu'il fait probablement des études médicales, mais ses premières publications sont d'un autre ordre : il édite le Théâtre mathématique de Jacques Besson (1578) et collabore à l'ouvrage d'héraldique de Bara (1579), partageant sa vie entre Lyon (alors ligueuse) et Genève, jusqu'en 1583 où il s'installe à Paris. Il publie les Appréhensions spirituelles... poèmes et autres oeuvres philosophiques, avec les recherches de la pierre philosophale ; les Connaissances nécessaires, épopée des débuts du monde dans la lignée de Scève et de Du Bartas ; des poèmes spirituels dans l'esprit du lyrisme sacré (Stances de la mort, la Muse céleste) ; les Soupirs amoureux, d'une veine plus gaillarde et plus proche du Moyen de parvenir ; enfin un traité scolastique en vers, De l'âme (1584). Il aurait écrit en outre un roman, les Aventures d'Ali (1581) et deux tragédies perdues. La forme du dialogue philosophique et mondain le tente aussi, avec un Dialogue de la vertu, un Dialogue de l'honnête amour (1584) repris ensuite dans les mélanges du Cabinet de Minerve (1596) où figurera aussi la Sagesse... auquel est traité du moyen de parvenir au parfait état de bien vivre et son titre parodié plus tard. Un ouvrage juridique et utopique, l'Idée de la République (1584) proposait de son côté un idéal de vertu politique. L'oeuvre est déjà disparate, et la vie de l'auteur pleine d'obscurités : Verdun-Louis Saulnier situe son abjuration vers les années 1586-1588 et on sait qu'il devint chanoine. À partir de 1589, il est à Tours où il semble rester jusqu'à sa mort. La ville y accueille la Cour, mais son industrie de la soie périclite : Béroalde écrira une Histoire des vers qui filent la soie (1600) à un moment où Henri IV favorise la sériciculture. L'auteur a toujours manifesté un grand intérêt pour les techniques et se considère comme un « manipulaire » ; il effectue divers travaux pour des éditeurs, rédige les Aventures de Floride (1593-1596) et le Voyage des Princes fortunés, romans marqués par les préoccupations alchimistes.

« BÉROALDE DE VERVILLE (François BROUARD, dit) Béroalde de Verville concentre admirablement les défis de la Renaissance, dont celui d'avoir engagé avec le lecteur une redoutable partie d'interprétation. Science, spiritualité et romans. Fils d'un professeur humaniste célèbre, Mathieu Béroalde, l'auteur est d'abord élevé dans la religion réformée : condisciple de d'Aubigné et de Pierre de L'Estoile, on le trouve au siège de Sancerre, puis à Genève (1572).

C'est dans cette ville qu'il fait probablement des études médicales, mais ses premières publications sont d'un autre ordre : il édite le Théâtre mathématique de Jacques Besson (1578) et collabore à l'ouvrage d'héraldique de Bara (1579), partageant sa vie entre Lyon (alors ligueuse) et Genève, jusqu'en 1583 où il s'installe à Paris.

Il publie les Appréhensions spirituelles...

poèmes et autres oeuvres philosophiques, avec les recherches de la pierre philosophale ; les Connaissances nécessaires, épopée des débuts du monde dans la lignée de Scève et de Du Bartas ; des poèmes spirituels dans l'esprit du lyrisme sacré (Stances de la mort, la Muse céleste) ; les Soupirs amoureux, d'une veine plus gaillarde et plus proche du Moyen de parvenir ; enfin un traité scolastique en vers, De l'âme (1584).

Il aurait écrit en outre un roman, les Aventures d'Ali (1581) et deux tragédies perdues.

La forme du dialogue philosophique et mondain le tente aussi, avec un Dialogue de la vertu, un Dialogue de l'honnête amour (1584) repris ensuite dans les mélanges du Cabinet de Minerve (1596) où figurera aussi la Sagesse...

auquel est traité du moyen de parvenir au parfait état de bien vivre et son titre parodié plus tard.

Un ouvrage juridique et utopique, l'Idée de la République (1584) proposait de son côté un idéal de vertu politique.

L'oeuvre est déjà disparate, et la vie de l'auteur pleine d'obscurités : Verdun-Louis Saulnier situe son abjuration vers les années 1586-1588 et on sait qu'il devint chanoine.

À partir de 1589, il est à Tours où il semble rester jusqu'à sa mort.

La ville y accueille la Cour, mais son industrie de la soie périclite : Béroalde écrira une Histoire des vers qui filent la soie (1600) à un moment où Henri IV favorise la sériciculture.

L'auteur a toujours manifesté un grand intérêt pour les techniques et se considère comme un « manipulaire » ; il effectue divers travaux pour des éditeurs, rédige les Aventures de Floride (1593-1596) et le Voyage des Princes fortunés, romans marqués par les préoccupations alchimistes. L'Autre du discours. On retrouve cet aspect au centre du Moyen de parvenir, probablement achevé vers 1610 : le discours de Paracelse (chap.

35-36) est un éloge paradoxal de la « piperie », mais dévoile en même temps le but non secret du livre, mettre à nu le fonctionnement du discours humain autorégulé et sans liaison avec les choses.

L'alchimie du verbe s'opère dans la structure romanesque, à première vue imitée de la Turba Philosophorum, texte médiéval qui met en scène des alchimistes.

Tout ici est manipulé : la matérialité du texte, mystificatrice, puisqu'aucune édition contemporaine ne mentionne de lieu ou de date (« imprimé cette année » dit la page de titre...) et bien entendu, pas de nom d'auteur ; le déroulement des propos, supposés reproduire les discours de banqueteurs, mais aussi un manuscrit remanié ayant malencontreusement mélangé texte et glose ; l'esprit libertin et paillard, présent dans la majorité des contes et interventions, et qui renvoie à l'attitude du lecteur : « Les paroles ne sont point sales, il n'y a que l'intelligence » (chap.

76), et c'est « Cicéron » qui le dit.

Partant de ces principes, tous les niveaux de la communication sont brouillés et instables : les banqueteurs sont surtout des personnalités connues, passées (Socrate, Nicolas de Cues, Néron, la Pucelle d'Orléans), ou récentes (Ramus, Sturm, Luther, Bèze...) ; ou encore des pronoms indéfinis (« quelqu'un », « cettuycy » et surtout l'« Autre ») qui pourraient être l'auteur, ou le lecteur. Cédant à une compulsion de répétition qui fait redire sans cesse le sexe par d'autres indéfinis (« cas », « cela », « chose ») ou une langue plus verte, le texte bouge entre ce qu'il dit et tait, dans une continuelle transmutation de propos.

Les titres des chapitres ne correspondent surtout pas à leur contenu, et reprennent les subdivisions sérieuses ou facétieuses des ouvrages classiques.

En revanche, les noms propres des quelque trois cent quatrevingts locuteurs semblent souvent choisis en fonction du discours tenu : « Érasme » renvoie au cicéronianisme, « Baïf » rappelle à « Ronsard » qu'il est tonsuré, « Münster » est soi-disant loué par Thévet, « Sturm » parle de lard en Carême, « Épicure » d'univers gauchi, etc.

Mais il y a moins satire que jeu sur les références.

De même, le libertinage tient aux mots, et fait tenir les propos libres à grands renforts de « comme » et d'« à propos ».

Les faux lapsus (« fariboles » pour « paraboles »), les déformations dignes de Ionesco (la « réputanation »), donnent à la vérité de la lettre un nouvel air, celui de sa réception, orientée par la question de Diogène : « Ignorez-vous que, d'ici à quelques siècles, ce sympose ne soit, selon son mérite, tenu pour authentique ? » (chap.

30).

De même ce livre, qui se prétend la source de tous les livres, présents et à venir, propose son mode de lecture « anamorphotique ».

La postérité a longtemps biaisé en n'y voyant qu'un recueil de contes libertins, mais la critique récente tente de rétablir l'ordre du labyrinthe.. »

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