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Béroalde de VERVILLE (1556-1626) - Faut-il qu'incessamment passionné je traîne

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Béroalde de VERVILLE (1556-1626) - Faut-il qu'incessamment passionné je traîne Faut-il qu'incessamment passionné je traîne Les rigoureux liens de l'amour qui me gêne, Et que sans espérer de me voir en repos Je loge le souci pour toujours en mes os, Que lamentant en vain mon malheur je soupire, Sans pouvoir m'alléger en mon cruel martyre, Faut-il, hélas ! faut-il, qu'avecque tant d'ennuis Je passe en mes regrets mes malheureuses nuits, Et que sous la clarté que le Soleil nous donne, Je souffre le tourment qui toujours me poinçonne, Sans pouvoir une fois sous un meilleur destin Sentir de tant de maux une agréable fin, Sans que madame m'aime et qu'une douce flamme L'émouvant à pitié attise dans son âme Un amoureux brasier, qui par quelques soupirs S'égale aux doux effets de mes chastes désirs ? Non non, il ne faut point qu'en tel espoir je vive, Il faut qu'en mon malheur ma fortune me suive, Pour me tyranniser et loger en mon flanc Mille traits inhumains qui répandront mon sang, Afin que dedans moi sa source étant faillie Se finisse en un coup mes amours et ma vie. Car j'ai trop entrepris d'aimer en si haut lieu, Une beauté divine appartient à un Dieu, Et non à un mortel, dont la faible pensée Ne doit s'imaginer une si belle Idée. Mais quoi las ! faudrait-il qu'un si divin portrait Pour n'y renaître plus de mon coeur fût distrait, Et que de feux divins qui mon âme ont atteinte La douceur pour jamais de mon coeur fût éteinte ? Ha feux qui nourrissez vos flammes en l'humeur Qui m'entretient ici, ne partez de mon coeur, Brûlez-moi, brûlez-moi d'une ardeur éternelle, Pour les chastes beautés d'une dame si belle, Tant que la pâle mort lors qu'il en sera temps Par un juste destin fasse finir mes ans, Et puis quand de ce corps je laisserai la cendre, Échappant de mon sang, allez soudain vous rendre Autour de mon esprit, y allumant toujours Les plus heureux brasiers de mes chastes amours.

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