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Benjamin Constant, Adolphe, chapitre 9.

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Benjamin Constant, Adolphe, chapitre 9. La pauvre Ellénore, je l'écris dans ce moment avec un sentiment de remords, éprouva plus de joie de ce que je paraissais plus tranquille, et se résigna, sans trop se plaindre, à passer souvent la plus grande partie de la journée séparée de moi. Le baron, de son côté, lorsqu'un peu de confiance se fut établie entre nous, me reparla d'Ellénore. Mon intention positive était toujours d'en dire du bien, mais, sans m'en apercevoir, je m'exprimais sur elle d'un ton plus leste et plus dégagé : tantôt j'indiquais, par des maximes générales, que je reconnaissais la nécessité de m'en détacher ; tantôt la plaisanterie venait à mon secours ; je parlais en riant des femmes et de la difficulté de rompre avec elles. Ces discours amusaient un vieux ministre dont l'âme était usée, et qui se rappelait vaguement que, dans sa jeunesse, il avait aussi été tourmenté par des intrigues d'amour. De la sorte, par cela seul que j'avais un sentiment caché, je trompais plus ou moins tout le monde : je trompais Ellénore, car je savais que le baron voulait m'éloigner d'elle, et je le lui taisais ; je trompais M. de T**, car je lui laissais espérer que j'étais prêt à briser mes liens. Cette duplicité était fort éloignée de mon caractère naturel ; mais l'homme se déprave dès qu'il a dans le coeur une seule pensée qu'il est constamment forcé de dissimuler.

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