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Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Acte I, scène 9

Publié le 22/02/2012

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Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Acte I, scène 9 LE COMTE et CHÉRUBIN cachés, SUZANNE, BAZILE BAZILE. N'auriez-vous pas vu Monseigneur, mademoiselle ? SUZANNE, brusquement. Eh ? pourquoi l'aurais-je vu ? Laissez-moi. BAZILE s'approche. Si vous étiez plus raisonnable, il n'y aurait rien d'étonnant à ma question. C'est Figaro qui le cherche. SUZANNE. Il cherche donc l'homme qui lui veut le plus de mal après vous ? LE COMTE, à part. Voyons un peu comme il me sert. BAZILE. Désirer du bien à une femme, est-ce vouloir du mal à son mari ? SUZANNE. Non, dans vos affreux principes, agent de corruption ! BAZILE. Que vous demande-t-on ici que vous n'alliez prodiguer à un autre ? Grâce à la douce cérémonie, ce qu'on vous défendait hier, on vous le prescrira demain. SUZANNE. Indigne ! BAZILE. De toutes les choses sérieuses le mariage étant la plus bouffonne, j'avais pensé... SUZANNE, outrée. Des hommes ! Qui vous permet d'entrer ici ? BAZILE. Là, là, mauvaise ! Dieu vous apaise ! Il n'en sera que ce que vous voulez : mais ne croyez pas non plus que je regarde monsieur Figaro comme l'obstacle qui nuit à Monseigneur ; et sans le petit page... SUZANNE, timidement. Don Chérubin ? BAZILE la contrefait. Cherubino di amore, qui tourne autour de vous sans cesse, et qui ce matin encore rôdait ici pour y entrer, quand je vous ai quittée. Dites que cela n'est pas vrai ! SUZANNE. Quelle imposture ! Allez-vous- en, méchant homme ! BAZILE. On est un méchant homme, parce qu'on y voit clair. N'est, ce pas pour vous aussi, Cette romance dont il fait mystère ? SUZANNE, en colère. Ah ! oui, pour moi ! ... BAZILE. A moins qu'il ne l'ait composée pour Madame ! En effet, quand il sert à table, on dit qu'il la regarde avec des yeux !... Mais, peste, qu'il ne s'y joue pas ! Monseigneur est brutal sur l'article. SUZANNE, outrée. Et vous bien scélérat, d'aller semant de pareils bruits pour perdre un malheureux enfant tombé dans la disgrâce de son maître. BAZILE. L'ai-je inventé ? Je le dis, parce que tout le monde en parle. LE COMTE se lève. Comment, tout le monde en parle ! SUZANNE. Ah Ciel ! BAZILE. Ah ! ah ! _ LE COMTE. Courez, BAZILE, et qu'on le chasse. BAZILE. Ah ! que je suis fâché d'être entré ! SUZANNE, troublée. Mon Dieu ! Mon Dieu ! LE COMTE, à BAZILE. Elle est saisie. Asseyons-la dans ce fauteuil. SUZANNE le repousse vivement. Je ne veux pas m'asseoir. Entrer ainsi librement, c'est indigne ! LE COMTE. Nous sommes deux avec toi, ma chère. Il n'y a plus le moindre danger ! BAZILE. Moi je suis désolé de m'être égayé sur le page, puisque vous l'entendiez. Je n'en usais ainsi que pour pénétrer ses sentiments ; car au fond... . LE COMTE. Cinquante pistoles, un cheval, et qu'on le renvoie à ses parents. BAZILE. Monseigneur, pour un badinage ? LE COMTE. Un petit libertin que j'ai surpris encore hier avec la fille du jardinier. BAZILE. Avec Fanchette ? LE COMTE. Et dans sa chambre. SUZANNE, outrée. Où Monseigneur avait sans doute à faire aussi ! LE COMTE, gaiement. J'en aime assez la remarque. BAZILE. Elle est d'un bon augure. LE COMTE, gaiement. Mais non ; j'allais chercher ton oncle Antonio, mon ivrogne de jardinier, pour lui donner des ordres. Je frappe, on est longtemps à m'ouvrir ; ta cousine a l'air empêtré ; je prends un soupçon, je lui parle, et tout en causant j'examine. Il y avait derrière la porte uneespèce de rideau, de portemanteau, de je ne sais pas quoi, qui couvrait des hardes ; sans faire semblant de rien, je vais doucement, doucement lever ce rideau (pour imiter le geste, il lève la robe du fauteuil), et je vois... (Il aperçoit le page. ) Ah ! ! ... BAZILE. Ah ! ah ! LE COMTE. Ce tour-ci vaut l'autre. BAZILE. Encore mieux. LE COMTE, à Suzanne. A merveille, mademoiselle ! à peine fiancée, vous faites de ces apprêts ? C'était pour recevoir mon page que vous désiriez être seule ? Et vous, monsieur, qui ne changez point de conduite, il vous manquait de vous adresser, sans respect pour votre marraine, à sa première camériste, à la femme de votre ami ! Mais je ne souffrirai pas que Figaro, qu'un homme que j'estime et que j'aime, soit victime d'une pareille tromperie. Etait-il avec vous, Bazile ? SUZANNE, outrée. Il n'y a ni tromperie ni victime ; il était là lorsque vous me parliez. LE COMTE, emporté. Puisses-tu mentir en le disant ! Son plus cruel ennemi n'oserait lui souhaiter ce malheur. SUZANNE. Il me priait d'engager Madame à vous demander sa grâce. Votre arrivée l'a si fort troublé, qu'il s'est masqué de ce fauteuil. . LE COMTE, en colère. Ruse d'enfer ! Je m'y suis assis en entrant. CHÉRUBIN. Hélas ! Monseigneur, j'étais tremblant derrière. LE COMTE. Autre fourberie ! Je viens de m'y placer moi-même. CHÉRUBIN. Pardon ; mais c'est alors que je me suis blotti dedans. LE COMTE, plus outré. C'est donc une couleuvre que ce petit... Serpent-la ! Il nous écoutait ! CHÉRUBIN. Au Contraire, Monseigneur, j'ai fait ce que j'ai pu pour ne rien entendre. LE COMTE. Ô perfidie ! (A Suzanne.) Tu n'épouseras pas Figaro. BAZILE. Contenez-vous, on vient. LE COMTE, tirant Chérubin du fauteuil et le mettant sur ses pieds. Il restera là devant toute la terre.

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