Aristophane
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A ristophane
A ristophane naquit à A thènes et débuta au théâtre.
Polémiste virulent, il s'appliqua à dénoncer la corruption, la démagogie et la violence qu'il observait
dans la société et dressa un portrait satirique des A théniens et de leurs marottes.
Ses premières comédies, satires politiques, traduisent la vision
conservatrice de l'auteur.
Il s'attaquait aux nouvelles théories politiques, littéraires et pédagogiques de l'époque, ridiculisant les personnages qui étaient à
l'origine de ces réformes.
Il écrivit quarante-quatre pièces qui firent de lui le maître de la comédie attique et il remporta plusieurs victoires aux concours
officiels organisés à l'occasion des fêtes des Grandes Dionysies à A thènes.
La guerre du Péloponnèse (431-404 avant JC) sévissait à l'époque de sa
carrière littéraire ; dans Les A charniens présentés en 425 avant JC, il plaida pour la paix entre les Grecs, critiquant violemment la folie guerrière et la
politique impérialiste de la démocratie athénienne.
Le rôle et le costume du choeur donnaient souvent son titre à la pièce comme dans Les nuées et Les
grenouilles.
Dans son théâtre de maturité, le poète tragique Euripide devint la cible de ses railleries, ainsi que son ennemi, le démagogue C léon.
A ristophane
traitait de sujets d'actualité, en respectant toujours son attachement au principe de la démocratie athénienne.
Son apport fut immense dans l'évolution
théâtrale ; il contribua à instituer des dialogues pleins d'esprit et l'art de la parodie, qui influencèrent la comédie élisabéthaine.
Le lieu de naissance d'Aristophane est resté incertain, les villes d'Athènes, d'Égine et de Rhodes le réclamant chacune pour son compte.
Quant à son
existence, qui semble s'être écoulée presque tout entière à Athènes, notre ignorance est complète.
A près lecture de son oeuvre, il est pourtant à présumer
qu'il appartenait à l'une de ces familles de l'aristocratie athénienne qui se consolaient mal de se voir évincées de la direction des affaires publiques par les
professionnels de la politique.
Il est en effet peu probable que la virulence et la constance qu'il manifesta dans sa hargne à l'égard de toute espèce de
nouveauté aient été uniquement d'inspiration personnelle.
Poussé à un tel degré, ce genre de malveillance ne peut procéder que d'un esprit de parti.
Quelles
que fussent ses origines et sa situation de fortune, une chose est sûre, c'est qu'Aristophane était ce qu'on appelle aujourd'hui un réactionnaire, vivant à
contre coeur son époque et regrettant celle de son grand-père.
De son oeuvre, qui semble avoir été des plus abondantes, il ne nous reste que onze comédies qui sont, dans l'ordre chronologique des représentations : Les
A charniens, Les Chevaliers, Les Nuées, Les Guêpes, La Paix, Les Oiseaux, Les Fêtes de C érès et de Proserpine, Lysistrata, Les Grenouilles, Les
Harangueuses, Plutus.
Ce sont pour la plupart des comédies de moeurs en même temps que de violentes satires dirigées contre les politiciens, la guerre, et
les novateurs de toute espèce.
A ristophane était un moralisateur et chacune de ses oeuvres fut pour lui l'occasion de faire la leçon aux Athéniens.
Il était
pour la paysannerie, pour l'épargne, pour la religion et pour le respect des libertés qui permettent aux personnes fortunées de jouir tranquillement de leurs
biens et prérogatives.
L'évolution sociale qui s'opérait alors en Grèce et particulièrement à Athènes n'avait donc pas son agrément et l'idée qu'on pût
laisser des métèques et des affranchis accéder à la citoyenneté lui faisait horreur.
Si l'on considère les événements de son époque et leur aboutissement,
on ne peut lui refuser d'avoir eu raison à l'intérieur d'un cycle historique.
Le sujet qui tint le plus à coeur à Aristophane fut la guerre du Péloponnèse.
Le peuple d'A thènes, alors engagé dans cet interminable conflit, était affamé de
victoires et il ne manquait pas d'orateurs et de politiciens qui faisaient métier de l'entretenir dans ces dispositions.
Aristophane étrille durement les
démagogues et les jusqu'au-boutistes et ne se lasse pas d'exhorter ses concitoyens à traiter avec les Lacédémoniens.
Son acharnement à défendre la
cause de la paix n'abrégea d'ailleurs pas la guerre du Péloponnèse, ce qui prouve qu'auprès des foules le génie d'un poète comique ne saurait prévaloir sur
les beuglements et les trémolos des professionnels de la démagogie.
Entre tous les fauteurs de guerre, Aristophane détesta particulièrement C léon qui avait acquis une grande popularité à A thènes et finalement réussi à
disposer du pouvoir de l'État.
Ce qui le rendait le plus odieux à notre auteur était sa naissance et le fait qu'un fils de corroyeur pût connaître une si haute
fortune.
En 424 av.
JC, Aristophane fit représenter Les Chevaliers, comédie dans laquelle il le mettait nommément en scène, lui prêtant les propos les plus
vils et faisant de cet homme redouté un personnage odieux et grotesque.
Bien que le peuple d'Athènes eût toujours pris plaisir à voir abaisser ses propres
idoles, il fallait un grand courage pour attaquer publiquement Cléon avec cette violence.
Le fait est qu'aucun acteur n'accepta de tenir le rôle et
qu'Aristophane dut le jouer lui-même après s'être barbouillé le visage de lie de vin, n'ayant pas trouvé non plus d'artisan qui voulût se risquer à lui faire un
masque ressemblant à Cléon.
Beaucoup moins justifiés sont les sarcasmes qu'Aristophane réserve à Euripide et Socrate qui faisaient à ses yeux figure d'artisans de la décadence
athénienne.
L'art et les idées ne valaient pour lui qu'en fonction d'une Athènes fictive, celle de Marathon et de Salamine, une A thènes dépassée qui ne
pouvait renaître.
Reconnaissons, néanmoins, qu'il avait raison, puérilement raison, comme tous les conservateurs qui se persuadent rageusement que la
société a tort de vieillir et de se conformer à son inéluctable destin.
A ristophane, qui ne voyait pas au-delà de l'actualité nationale, dénonçait en C léon, en
Socrate, en Euripide, les responsables du malheur des temps sans songer qu'ils étaient eux-mêmes un produit de l'époque.
Dans sa tête de réactionnaire
conséquent, pleine de bon sens, le monde est en place une fois pour toutes, et c'est celui d'avant-hier.
A ristophane ne se lance jamais à la découverte de l'homme qui semble ne lui inspirer aucune curiosité, et cela peut contribuer à expliquer son aversion pour
un Socrate et un Euripide.
Il n'écrit pas des comédies de caractères.
Quoique très près de la vie, ses personnages, tracés à gros traits, se limitent aux
exigences d'une situation théâtrale et sont dépourvus des prolongements intérieurs qui pourraient les rendre attachants.
Les plus significatifs de ces
personnages ne sont que des caricatures.
Ceux-là mêmes qui possèdent un véritable état civil, tels C léon, Socrate, Euripide, restent des figures
conventionnelles qui nous sembleraient aujourd'hui procéder de l'art du revuiste beaucoup plus que de l'art théâtral.
En fait, si l'on y réfléchit, on conviendra
que la plupart de ses comédies s'apparentent par bien des côtés aux revues de nos modernes chansonniers, à cela près qu'elles se proposent moins
d'amuser que de convaincre et de moraliser.
Il n'est pas douteux qu'Aristophane ait amusé et fait rire ses contemporains : par son talent de revuiste, en portant sur les tréteaux l'actualité athénienne,
par la drôlerie des situations théâtrales et par d'énormes obscénités.
Mais il s'en faut qu'il soit seulement un satirique et un bouffon ; il a su trouver des
accents d'un lyrisme noble, touchant et s'élever au sublime dans ces mêmes comédies où il prodigue ses ressources comiques.
Ces envolées poétiques ne
sont pas le fait des protagonistes qui soutiennent l'action et Aristophane les réserve généralement au choeur ou à des entités (le Juste et l'Injuste) ou à des
dieux.
Les interventions du choeur, qui semblent des a parte de l'auteur, sont le plus souvent des commentaires de la pièce à laquelle ils confèrent un
sérieux et une gravité répondant aux desseins moralisateurs du poète.
Ce qui le rend admirable, dans ces moments de haute inspiration, c'est une grande
simplicité, l'absence de toute enflure et, dans la familiarité et l'émotion, une retenue qui confère à ses propos une allure mâle.
On peut se demander si Aristophane a cru aux dieux de la Grèce antique, ces dieux qu'il pressait les Athéniens d'honorer avec plus de zèle.
Dans certaines
de ses comédies, il les traite avec quelque irrévérence.
C e qui est certain, c'est qu'il considérait Jupiter, qu'il y ait cru ou non, comme un excellent moyen
de gouverner et c'est là un point de vue qui n'incline guère aux effusions mystiques.
Les conservateurs qui défendent l'autel avec une idée de derrière la tête
ne sont pas souvent d'une piété très ardente.
On souhaiterait tout de même qu'en écrivant Les Nuées et en ouvrant ainsi l'instruction du procès de Socrate,
A ristophane eût cru aux dieux de la Cité.
Il est resté relativement proche de nous et peut-être ne le fut-il jamais plus qu'en ces dernières années.
Les problèmes qu'il agite dans ses comédies ne
cessent de se poser à notre époque et il n'en est pas aujourd'hui de plus actuel que ce conflit qui oppose, d'une part l'intérêt public, de l'autre la liberté de la
pensée et de l'expression..
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