Anna de NOAILLES (1876-1933) (Recueil : Le coeur innombrable) - L'empreinte
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Sujet: Anna de NOAILLES (1876-1933) (Recueil : Le cœur innombrable) - L'empreinte
Je m'appuierai si bien et si fort à la vie,
D'une si rude étreinte et d'un tel serrement,
Qu'avant que la douceur du jour me soit ravie
Elle s'échauffera de mon enlacement.
La mer, abondamment sur le monde étalée,
Gardera, dans la route errante de son eau,
Le goût de ma douleur qui est âcre et salée
Et sur les jours mouvants roule comme un bateau.
Je laisserai de moi dans le pli des collines
La chaleur de mes yeux qui les ont vues fleurir,
Et la cigale assise aux branches de l'épine
Fera vibrer le cri strident de mon désir.
Dans les champs printaniers la verdure nouvelle,
Et le gazon touffu sur le bord des fossés
Sentiront palpiter et fuir comme des ailes
Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés.
La nature qui fut ma joie et mon domaine
Respirera dans l'air ma persistante ardeur,
Et sur l'abattement de la tristesse humaine
Je laisserai la forme unique de mon cœur...
Femme de lettres mondaine et productive, Anna de Noailles est l’auteur d’un grand nombre de recueils de
poésie ainsi que de romans et fut qualifiée, par Marcel Proust qui la connaissait bien, de véritable « génie ».
Le cœur
innombrable, recueil dont notre texte est extrait, est le premier texte publié par Anna de Noailles, ce qu’elle fit en
1901.
Avec une sensibilité et une attention délicate, elle y analyse les différents émois de son âme, cette pluralité
d’émotions complexes qui lui font précisément qualifier son cœur « d’innombrable », c'est-à-dire de composite, de
varié.
Le texte que nous avons à étudier aujourd’hui développe un thème qui devint de plus en plus prégnant dans
la production d’Anna de Noailles au fil des années : le thème de la mort, dont elle parle ici avec une grande sensibilité.
Nous pouvons en effet lire ce texte comme un poème à la tonalité élégiaque, dans la mesure où un « je » lyrique s’y
exprime en son nom propre pour exprimer un sentiment de plainte et un message d’adieu au monde.
Cependant, il faut
bien voir que tout élégiaque qu’il soit, ce texte n’est pas pour autant l’expression d’un sentiment désespéré : en effet,
c’est aussi un amour de la nature et de la vie qui s’y lit, alors que la possibilité de laisser une trace, une « empreinte »
comme le dit précisément le titre de l’œuvre, fait de cette dernière l’expression d’une philosophie optimiste de
l’existence, dans la mesure où celle-ci ne verse pas toute entière dans le néant, mais peut au contraire laisser au
monde un témoignage de son fugitif passage.
La question au centre de notre étude sera donc de montrer de quelle manière cet adieu à la vie
s’accompagne d’un hymne sensuel aux beautés de l’existence et de l’espérance d’imprimer dans le monde l’empreinte
durable d’une sensibilité.
Si dans un premier temps nous pouvons étudier la forme de ce texte, en montrant dans quelle mesure nous
pouvons parler d’une forme exigeante et d’une tonalité élégiaque, nous verrons ensuite comment un hymne véritable à
la vie y est exprimé, alors que le dernier temps de notre travail s’attachera à montrer comment l’adieu à l’existence
s’accompagne de l’espoir de laisser dans le monde une durable empreinte..
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