Anatole FRANCE
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Anatole France évolue du scepticisme aimable au socialisme militant; mais il redoute les effets de la passion politique
et demeure un apôtre de la tolérance.
1 La carrière d'Anatole France
L'HUMANISTE DILETTANTE (1844-1897)
Anatole Thibault, qui devait prendre le pseudonyme d'Anatole France, est né à Paris; son père, libraire quai
Malaquais, lui donne de très bonne heure le goût des beaux livres et des belles lettres.
Il a évoqué, notamment dans
Le Livre de mon Ami (1885), les principaux épisodes de son enfance studieuse et douce.
Au collège Stanislas, il
apprit à connaître les grandes oeuvres de l'antiquité gréco-latine; il devint bientôt un humaniste averti.
Commis de
librairie chez Bossange, puis lecteur chez Lemerre, l'éditeur des Parnassiens, il se lia d'amitié avec Leconte de Lisle,
qui le prit comme adjoint à la bibliothèque du Sénat; sous l'égide de ce maître, il publia un recueil de Vers dorés
(1873), puis un poème dramatique, Les Noces corinthiennes (1876).
Anatole France acquit la réputation d'un pur artiste, peu soucieux de frayer avec le monde moderne.
Pendant six
ans, il tint, au journal Le Temps, la chronique de La Vie littéraire (1887-1893); il y témoigna d'une certaine largeur
de goût, qui, cependant, ne l'empêchait pas de juger sévèrement l'obscurité des symbolistes et la crudité des
naturalistes.
On s'était plu à le reconnaître, dans l'un de ses premiers romans, Le Crime de Sylvestre Bonnard
(1881), sous les traits d'un aimable érudit à l'âme ingénue; dans La Rôtisserie de la reine Pédauque et dans Les
Opinions de Jérôme Coignard (1893), on l'identifia à son nouveau héros, un étrange abbé, indulgent aux faiblesses
de ses semblables, mais grand contempteur des institutions humaines.
Il ne semblait croire lui-même en rien, sinon
en un idéal de sagesse et de beauté païennes qui revit dans un récit symbolique, Thaïs (I89o), dans un roman
psychologique au décor florentin, Le Lys rouge (1894), dans un recueil de réflexions, Le Jardin d'Épicure (1895).
LE SAGE HUMANITAIRE (1897-1924)
En 1897 s'ouvre la campagne pour la révision du procès Dreyfus Anatole France prend parti et compte bientôt parmi
les dreyfusistes.
Ce changement d'attitude à l'égard des problèmes de son temps apparaît très nettement à travers
son oeuvre.
Dans L'Orme du mail (1896), puis dans Le Mannequin d'osier (1897), il avait campé un nouveau
personnage à sa ressemblance, un universitaire, M.
Bergeret, grand maître de scepticisme, comme Jérôme Coignard.
Or, dans L'Anneau d'améthyste (1899) et dans Monsieur Bergeret à Paris (19oI), les deux derniers volumes de cette
suite, qui recevra le nom d'Histoire contemporaine, le héros évolue : il se mêle à la bataille politique et, sans oublier
ses chers livres, il lutte pour l'avènement d'un ordre plus juste et plus humain.
L'Histoire contemporaine.
L'Orme du mail.
L'Orme du mail est l'arbre sous lequel ont coutume de converser le sceptique M.
Bergeret, maître
de conférences à la Faculté des lettres d'une ville de province, et le dogmatique abbé Lantaigne, supérieur du Grand
Séminaire.
Les principaux notables de la ville sont peints ou esquissés en quelques traits : Mgr Charlot,
l'archevêque; le préfet Worms Clavelin; le général en retraite Cartier de Chalmot; l'abbé Guitrel, professeur au
séminaire; l'archiviste départemental Mazure; M.
de Terremondre, président de la société d'agriculture et
d'archéologie; l'orfèvre Rondonneau jeune; le libraire Paillot, dont M.
Bergeret aime à hanter la boutique.
Le
Mannequin d'osier.
Sur ce mannequin, Mme Bergeret drape les jupes taillées par elle.
M.
Bergeret n'est guère
heureux en ménage; et pour comble de disgrâce, sa femme le trahit avec son disciple préféré, M.
Roux.
Ulcéré
malgré sa sagesse, M.
Bergeret rompt avec l'infidèle et choisit comme confident de ses pensées un autre disciple,
M.
Goubin.
Il s'abandonne à l'amertume et au désenchantement.
L'Anneau d'améthyste.
L'Anneau d'améthyste, insigne du pouvoir épiscopal, est convoité simultanément par l'abbé
Lantaigne et par l'abbé Guitrel; c'est Guitrel, plus souple et plus habile, qui finira par l'obtenir.
Cependant, l'affaire
Dreyfus a éclaté : les notables de la ville s'opposent tous à la révision du procès; à peu près seul avec son recteur,
M.
Bergeret, dans l'héroïsme de sa conscience, brave l'opinion publique; il affirme sa conviction avec mesure et
sérénité.
Quand il ressent trop douloureusement l'injustice des hommes, il se console en se livrant à quelque savante
besogne, ou bien en apostrophant son chien Riquet, génie familier de sa demeure.
M.
Bergeret à Paris.
Nommé à la
Sorbonne, le professeur dreyfusiste est honni par les « trublions », qui mènent dans le pays une agitation violente.
La plupart d'entre eux rêvent d'une restauration monarchiste; mais ils n'ont aucun programme positif et semblent
embarrassés de leurs propres victoires.
M.
Bergeret juge ces turbulents adversaires avec une ironie tranquille, qui
n'exclut pas la vigilance.
Désormais, Anatole France mêle à presque tous ses écrits des préoccupations sociales.
Dans L'Affaire Crainquebille
(1902), il conte la pitoyable aventure d'un marchand des quatre-saisons injustement accusé d'avoir poussé un cri
séditieux.
Dans L'Ile des Pingouins (1908), associant l'ardeur polémique à la fantaisie, il retrace, sous une forme
allégorique, l'histoire du peuple français jusqu'à l'affaire Dreyfus.
Dans La Révolte des Anges (1914), il imagine une
campagne menée contre le paradis par des anges déchus; sous le couvert de ce mythe, il dénonce l'esprit de
violence et de tyrannie.
Il redoute d'ailleurs les excès qui naissent des révolutions; dans Les Dieux ont soif (1912),
dont l'action se déroule sous la Terreur, il a peint le fanatisme d'Évariste Gamelin, héros pur, mais sanglant, dont le
zèle républicain sacrifie sans remords des vies humaines sur l'autel des dieux populaires.
En dépit de ces
appréhensions, il adhère aux doctrines d'extrême gauche et devient même, dans les dernières années de sa vie, un
porte-drapeau du parti communiste..
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