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Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Nouvelles méditations poétiques) - Les préludes

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Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) (Recueil : Nouvelles méditations poétiques) - Les préludes [...] L'onde qui baise ce rivage, De quoi se plaint-elle à ses bords ? Pourquoi le roseau sur la plage, Pourquoi le ruisseau sous l'ombrage Rendent-ils de tristes accords ? De quoi gémit la tourterelle Quand, dans le silence des bois, Seule auprès du ramier fidèle, L'Amour fait palpiter son aile, Les baisers étouffent sa voix ? Et toi, qui mollement te livre Au doux sourire du bonheur, Et du regard dont tu m'enivre, Me fais mourir, me fais revivre, De quoi te plains-tu sur mon coeur ? Plus jeune que la jeune aurore, Plus limpide que ce flot pur, Ton âme au bonheur vient d'éclore, Et jamais aucun souffle encore N'en a terni le vague azur. Cependant, si ton coeur soupire De quelque poids mystérieux, Sur tes traits si la joie expire, Et si tout près de ton sourire Brille une larme dans tes yeux, Hélas ! c'est que notre faiblesse, Pliant sous sa félicité Comme un roseau qu'un souffle abaisse, Donne l'accent de la tristesse Même au cri de la volupté ; Ou bien peut-être qu'avertie De la fuite de nos plaisirs, L'âme en extase anéantie Se réveille et sent que la vie Fuit dans chacun de nos soupirs. Ah ! laisse le zéphire avide À leur source arrêter tes pleurs ; Jouissons de l'heure rapide : Le temps fuit, mais son flot limpide Du ciel réfléchit les couleurs. Tout naît, tout passe, tout arrive Au terme ignoré de son sort : À l'Océan l'onde plaintive, Aux vents la feuille fugitive, L'aurore au soir, l'homme à la mort. Mais qu'importe, ô ma bien-aimée ! Le terme incertain de nos jours ? Pourvu que sur l'onde calmée, Par une pente parfumée, Le temps nous entraîne en son cours ; Pourvu que, durant le passage, Couché dans tes bras à demi, Les yeux tournés vers ton image, Sans le voir, j'aborde au rivage Comme un voyageur endormi. Le flot murmurant se retire Du rivage qu'il a baisé, La voix de la colombe expire, Et le voluptueux zéphire Dort sur le calice épuisé. Embrassons-nous, mon bien suprême, Et sans rien reprocher aux dieux, Un jour de la terre où l'on aime Évanouissons-nous de même En un soupir mélodieux. [...]

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