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Ne quid nimis

Publié le 06/03/2022

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« Ne quül nimis Rien de trop ! ,. , C'est l'une des sentences antiques les plus celebres : elle est attestee par Térence (Andria, 61 : Donat affi1111e qu'il faut sous-entendre agas >, il qualitie cette fo1111ule de pervulgata, de >, c'est-à-dire parfaitement adaptée à la condition servile du personnage qui la prononce), par Varron (Hebdomadum epigrammata, fr.

6, 7 Baehrens ), saint Jérôme (Ep..

60, 7 ; 130, 11 ; cf.

Regula monachorum, 13), Sidoine Apollinaire (Carm., 15,47), Jean de Salisbury (Policraticus, 1,4 [Pl 199, 398a]) et par de très nombreux auteurs chrétiens médiévaux (dont certains sont cités par Sutphen 192). Signalons une autre foï111ole équivalente à la nôtre :_ fl!il nimis (o~ nimium): cf.

Térence (Heautontimoroumenos, 519), C1ceron (De.fin,bus.

3, 22,73), Sénèque (Ep ..

94, 43) et le Pseudo-Ausone (Septem sapientum sententiae, 7, 49 [qui l'attribue à Anacharsis]); pour les variations ultérieures, cf.

le Nemini nimium bene est, par plusieurs auteurs (cf.

par exemple, Denys de Thrace, attesté par Clément d'Alexandrie, Stroma/a, 5, 8, 46; Varron, Satires ménippées, 320 Bücheler) car il incarnait un principe fondateur de la sagesse archaïque qui recommandait à l'homme de ne jamais dépasser les limites de l'être humain.

Ce précepte était très souvent cité (cf.

notamment Platon, Protagoras, 343b; Charmide, 165a; Philèbe, 45d ; Ménexène, 247e ; Pindare, fr.

35b Snell-Maehler; Euripide, Hippolyte, 265 ; Aristote, Rhétorique, 2, 1395a 31 sq.

; Plutarque, Vie de ('ami/le, 6, 6, et quelques épigrammes de l'Anthologie Palatine, 5,299, 1 [d'Agathias]; 7,683, 1 [de Palladas]; 9, 110, 4 [d'Alphée de Mytilène]) et il était attribué soit aux> (cf.

notamment la scholie du passage de Platon), soit à l'un ou 1·autre des plus grands sages grecs: à Chilon (par Critias, 88 B 7 D.-K.

; Aristote, Rhétorique, 2, 1389b 3 ; par une épigramme rapportée par Diogène Laërce [2, 41]; par Clément d'Alexandrie [Strom~ta, 1, 1~, 61] et par Pline l'Ancien [Naturalis historia, 7, 32, 119], qui le traduit par Nihil nimium cupere, >), à Pittacos (dan~ une épigramme anonyme de l'Anthologie Palatine [9,366, 5] ; cf.

aussi Apostolius, 14, 30) mais aussi à Solon (cf.

Diogène Laërce, ~.

6_3 ; Stobée, 3, 1, 172~; Varron [I.

c.]; Hygin, Fabulae, 221, 2, et S1do1ne Apollinaire[/.

c.]) et enfin à Sodarnus (dans une épigramme rapport~e par une scholie sur Euripide, Hippolyte, 265).

Notre fu1111ule est ensuite répertoriée par les parémiographes (Greg.

Cypr.

L., 2, 79; Macar.

5, 90) et la variante µT]6Èv vTTÈp To µl:'.Tpov > est elle aussi attestée (cf.

par exemple Straton, Anthologie Palatine, 12, 193, 2, cf.

aussi n.

1760).

La culture chrétienne fit sienne cette assertion, et ce, dès saint Augustin, qui en souligna fortement le bien-fondé et souligna sa vérité dans les Enarrationes in Psalmos, 118, 41 (cf.

aussi De vita beata, 4; De doctrina Christiana, 2, 39), tout comme saint Jérôme (Ep., 60, 7 ; 108, 21 ).

On la retrouve ensuite dans de nombreux passages de la littérature médiévale: pa1111i les différe11tes sentences citées par Walther (cf.

notamment 11349a ;16076-16078) • signalons en particulier Omne nimium vertitu_r in vitium, > ( 19837).

Notre expression est souvent repnse par les auteurs de la Renaissance, car pour eux elle incarnait l'un des principes de la philosophie humaniste héritée de I'Antiquité : cf.

not~mment Pic de la Mirandole, De hominis dignitate ; Erasme, qui la commente dans ses Adagia ( 1, 6, 96 )et la cite dans ses Colloquia (Dispar convivium; Philodoxus ; lusus pueriles.

Pila); _elle fut égal~ment inscrite sur divers monuments (entre autres sur le linteau du Petit Palais Eucherio Sanvitale à Pa1111~).

La fc,1111ole continua à jouir d'une ce1 taine fortune dans les siècles qui suivent : Montaigne (Essais, l, 27) l'attribue à Chilon ; La Fontaine (9, 11) affi1111~ que Rien de trop est _un 11oint dont on parle sans cesse, et qu 'on observe point ; H_ugo Grot!us le cite dans le premier chapitre du De iure praedae ; Gabnel Herve1us dans la Duorum dierum oratio datant de 1577 ( 102) ; Pietro Verri dans I'Orazione panegirica sui/a giurisprudenza milanese en 1763 ; Voltaire dans I' Histoire deJenni, et en citant Milton, raconte qu'Adam ayant demandé à Gabriel s'il vivrait longtemps, l'archange lui répondit: Oui, si tu observes la grande règle Rien de trop; l'un des t.'mblemata de Saavedra en 1649 (41) illustre notre sentence par une pluie intense tombant sur une meule de foin, et une fresque datant de la fin du seizième siècle par un âne courbé sous des sacs ; plus récemment citons aussi une lettre de Thomas Carlyle à Robert Mitchell du 15 ju,illet 1816 ; un passage des Fiancés de Manzoni (22, 36, où il est dit que le cardinal Frédéric Borromée >); ltalo Svevo, qui, dans la Conscience de Zeno (6), la traduit par Rien d'excessif et illustre par notre locution l'attitude de son héros vis-à-vis de son épouse, et une reprise plus polémique ~~s le dise.ours de _Paul VI à l'occasion del' Audience générale du 14 Juin 1972 ou le pontife contestait l'idée selon laquelle les préceptes de l'Evangile devraient être suivis selon la voie du juste milieu.

Notre phrase est encore bien vivante dans nos traditions proverbiales européennes : cf.

en italien // troppo stroppia; /l troppo bene sfonda la cassetta (dont il existe des parallèles dans toutes les langues européennes, la plupart remplaçant la cassette par un sac);// troppo amen guasta la messa, et// troppo è nemico del bene (cf.

Arthaber 1373; Passarini 93; Mota 218; 221 sq.; Schwarnenthal-Straniero 5362 ; 5608) ; en français le mieux est l'ennemi du bien ; Trop de bien nuit ; Un sac trop rempli ne se ferme pas ; li faut lier le sac avant qu'il ne soit plein - les variantes en dialectes italiens sont très nombreuses (cf.

en dialecte des Pouilles lu superr:hju rumpe lu cuperr:hju : on notera que la paronomase soverchio / coperchio est extrêmement diffuse, et qu'elle était déjà commentée par Michele Savonarole [Gotta, 13 r.

] ; cf.

Nystedt 128).. »

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