ZOLA Émile 1840-1902
ZOLA Émile 1840-1902
1. Vie et œuvres. -2. Zola théoricien. -3. Zola écrivain.
Romancier, né à Paris.
Vie et œuvres
Son père, établi à Aix, est un Italien naturalisé. Après avoir échoué au baccalauréat, le jeune homme s'engage d'abord comme docker. Employé chez Hachette, il commence à écrire (dans la note romantique; car il trouve les réalistes dénués de poésie). Puis il se lance avec fougue dans le journalisme. Critique d'art, il défend, contre tous ses confrères qui l'insultent, la révolution impressionniste. Mais surtout, jugeant très insuffisante sa culture, il lit. C'est ainsi qu'il découvre Taine, dont la théorie « déterministe » lui fournit le germe de sa propre doctrine; puis Claude Bernard (Introduction à la méthode expérimentale), et enfin les romans des frères Goncourt. Sous ce triple parrainage, il écrit son premier roman, Thérèse Raquin (1867), déjà «naturaliste» d'esprit (mais le mot ne sera inauguré que dix ans plus tard). Il trace le plan d'ensemble des Rougon-Macquart qui se veut l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire ; citons, du moins, les principaux titres : Le Ventre de Paris (1874), La Faute de l'Abbé Mouret (1875), L'Assommoir (1877), Nana (1880, son chef-d'œuvre), Germinal (1885), La Terre (1887), La Bête humaine (1890). Prenons, par exemple, Nana:
Nana est une blonde et plantureuse fille. Issue du peuple (du peuple dont elle a l'odeur, comme dit ailleurs Zola), avide de plaisirs, mais simple et sans calcul, elle va peu à peu, d’amis pauvres en riches protecteurs (d'abord théâtreuse sans talent véritable, puis « cocotte ») accéder à un luxe et à un «monde» qui lui resteront toujours étranger. Voire indifférents. Pour finir elle se verra dégrader dans sa chair par une foudroyante maladie de peau, veillée à son chevet par une camarade, alors qu'éclate dans les rues l'annonce de la guerre (le désastre de 1870, que Zola va décrire dans La Débâcle). En quelque vingt ans (de 1871 à 1893), à raison d'un titre chaque année - c'est-à-dire en fait deux volumes-, il mène cette entreprise à son terme; sans parler des activités du polémiste social, du théoricien littéraire (plusieurs volumes, en particulier Le Roman expérimental, 1880) et même du librettiste d'opéra: L'Attaque du moulin, et Messidor (après Germinal; Zola amie décidément le calendrier révolutionnaire). Sur le tard, il va adhérer au Parti socialiste (l'extrême gauche de l'époque). On sait qu'il était intervenu dans l'affaire Dreyfus en dénonçant les responsables par un article retentissant, «J'accuse » (1898). Ce qui lui vaut une condamnation (« un an ferme »); il préféra s'exiler en Angleterre jusqu'à ce que, l'année suivante, Dreyfus soit gracié. Ses derniers livres, écrits de 1894 à 1902, ne sont plus qu'un complément à son activité militante : le cycle des Trois cités (Lourdes, Rome, Paris), et le cycle des Quatre Évangiles, dont la dernière partie n'est qu'ébauchée au moment de sa mort (Fécondité, Travail, Vérité,Justice).
Zola théoricien Zola crut vraiment que la littérature était une annexe de la science. Taine le lui avait dit ; la psychologie édicte des lois comme la physique ; il suffira donc de dénombrer, puis d'étudier à fond, et un par un, les éléments qui influent sur une individualité donnée (« race, milieu, et moment») pour tout connaître d'elle. À ce déterminisme, Claude Bernard ajoute la nécessité de l'expérimentation: il faut faire varier les circonstances, pour contrôler l'une après l'autre les hypothèses qui ont été suggérées par l'observation lors de l'étude préliminaire. Les héros de Zola seront donc, d'une part, des bonshommes physiologiques évoluant sous l'influence des milieux (hommage à Taine). D'autre part (hommage à Claude Bernard et à sa méthode expérimentale) il faudra faire mouvoir ces personnages dans une histoire particulière, pour vérifier que la succession des faits y sera telle que l'exige le déterminisme des phénomènes mis à l'étude. Ce souci de fournir un document psychologique qui, dit-il, ne s'écarte pas des lois de la nature, dépasse l'ambition des hommes de science eux-mêmes, qui n'ont jamais osé croire, quant à eux, qu'il y ait des « lois » en matière de psychologie; ni a fortiori qu'on puisse prévoir le comportement d'un individu donné.
Une troisième admiration scientifique va se révéler plus décisive encore, et plus encombrante ; celle du Dr Lucas et de son livre alors très controversé, Traité de l'hérédité naturelle (1850); Zola, dans le cycle des Rougon-Macquart, veut nous montrer la cascade de conséquences (inévitables, dit-il, sur cinq générations d'une même famille) de l'aliénation mentale d'une certaine tante Dide.