Thème Théogonie Titre Tragédie Tragédie-ballet Tragi-comédie Tragédie à machine Tragédie en musique Tragique Trope
Thème. Étymologiquement, ce que l’on pose, et qui va faire l’objet d’une analyse, d’un développement, d’une argumentation. En linguistique, le thème est donc ce dont on parle, et à quoi on va adjoindre un prédicat, (rhème ou propos). Le thème ne coïncide pas nécessairement avec le sujet grammatical de la phrase :
L’homme / est un loup pour l’homme.
La journée, / il l’a passée à ne rien faire.
En musique, le mot désigne un élément qui, sujet à variation, fournit la base de la structure d’une composition musicale. En critique littéraire, le mot désigne un concept, une idée, comme l’amour, la mort, la création, la nature, etc., qui va être développée sous différentes formes dans une œuvre. On parlera de l’exil chez Saint-John Perse, de l’impuissance créatrice chez Mallarmé, de la ville chez Baudelaire, etc. Les thèmes d’une œuvre, qui sont souvent sous-jacents ou formulés indirectement, ne s’identifient pas avec son sujet, qui est clairement affirmé. Les thèmes, qui sont abstraits et généraux, s’incarnent dans des formes concrètes et particulières à travers le matériel linguistique, les mots et les images. Certains de ces mots sont récurrents et peuvent constituer des mots-thèmes s’ils sont parmi les plus fréquents de l’œuvre. Les images, comme la page blanche ou le givre, pour illustrer l’impuissance chez Mallarmé, peuvent être isolées ou répétées et constituer ces métaphores obsédantes étudiées par Charles Mauron. Ces éléments constituent ce que l’on appelle des motifs.
La critique thématique issue de Bachelard s’est employée à mettre en évidence les réseaux thématiques, leurs formes et leurs transformations et à les relier à l’imaginaire de l’auteur.
Théogonie. Long poème antique versifié, souvent inspiré des hymnes sacrés, qui, relatant la généalogie des dieux, fonctionne comme un mythe des origines. Comme l’épopée, forme tout aussi ancienne de littérature, son topos essentiel est le catalogue, c’est-à-dire une liste de noms propres. C’est grâce à la Théogonie d’Hésiode, écrite au VIIIe siècle av. J.-C. que nous connaissons la théologie, ou doctrine des choses divines, des Grecs anciens et leur cosmogonie, c’est-à-dire l’idée qu’ils se faisaient de l’origine de l’univers. Hésiode insère dans son poème plusieurs catalogues, notamment celui des enfants de Zeus. Après l’invocation traditionnelle aux muses, Hésiode commence ainsi sa Théogonie :
Donc, avant tout, fut Abîme ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir. D’Abîme naquirent Erèbe et la noire Nuit...
Titre. Élément paratextuel qui permet de distinguer une œuvre des autres. Si les poèmes n’ont pas toujours de titre, ils sont insérés dans un recueil qui en est doté. Qu’une œuvre soit divisée en chapitres ou en actes, les auteurs désignent parfois chacune de ces subdivisions par un titre. Le procédé est rare au théâtre. Il n’est utilisé pratiquement que chez Victor Hugo. Ex. : dans Hernani, l’unité de chaque acte est soulignée par un titre.
La caractéristique la plus fréquente du titre est sa concision (exception faite pour quelques romans du XVIIIe siècle). Aussi les auteurs ont-ils parfois recours à un sous-titre qui précise le contenu de l’œuvre. Si un titre est trop long ou semble peu explicite, l’usage le raccourcit. La Tragédie d’Hamlet, prince de Danemark est abrégée en Hamlet, Le Chevalier à la Charrette de Chrétien de Troyes est presque toujours désigné du nom de son héros, Lancelot. En ce qui concerne le roman ou le théâtre, le nom propre du personnage principal tient lieu, la plupart du temps, de titre, usage issu de la fonction éponyme du héros dans la tragédie grecque. Ex. : Ruy Blas (Hugo), Nana (Zola). Un nom commun qui caractérise le héros, peut également servir de titre. Ex. : L’Avare (Molière), Le Joueur (Dostoïevski). Parfois le titre peut être fonction du lieu où se déroule le drame. Ex. : Les Hauts de Hurlevent (Charlotte Brontë). Il peut apparaître aussi comme un commentaire métatextuel. Ex. : On ne badine pas avec l’amour (Musset), Les Liaisons dangereuses (Laclos), Sagesse (Verlaine).
Dans la littérature contemporaine, le titre semble parfois n’avoir aucun lien direct avec le sujet de l’œuvre. Cela s’explique par le regard phénoménologique que portent sur le réel la plupart des artistes contemporains. Leur appréhension du monde, discontinue, est faite de bribes éparses qu’un titre globalement ne saurait unifier. Ex. : le roman de Claude Simon, intitulé L’Acacia (1989), narre le drame des deux guerres mondiales à travers les agissements et les réminiscences des deux héros qui y sont mêlés. La description de la branche d’acacia, très brève, n’est qu’une perception du héros, parmi une infinité d’autres.
Tragédie. Genre dramatique qui se définit par quatre traits essentiels :
— Les personnages sont divins, royaux ou nobles.
— Les sujets sont empruntés à l’histoire ou à la légende. Ex. : Corneille emprunte l’intrigue d’Horace à l’histoire romaine, celle de Médée à la mythologie grecque.
Pour Corneille seule l’action détermine avec pertinence le caractère de la pièce, non le rang des personnages. Il critique Plaute qui fait de son Amphitryon une tragédie, sous prétexte qu’il met en scène des dieux et des rois. « C’est trop déférer aux personnages et considérer trop peu l’action », dit-il dans son Epître dédicatoire de Don Sanche d’Aragon.
— Les dénouements sont funestes (ex. : Phèdre se clôt par la mort d’Hippolyte et celle de Phèdre), sauf dans la « tragédie à fin heureuse » (ex. : dans Cinna, la clémence d’Auguste met fin au drame).
— L’effet que produit la tragédie sur le public est la catharsis.
La tragédie a connu deux époques brillantes. Dans l’Antiquité grecque au Ve siècle av. J.-C., elle est représentée par Eschyle, Sophocle, Euripide, en France au xviie siècle par Corneille et Racine.
Tragédie-ballet. Genre aristocratique, issu de la tradition des ballets de cour, né de l’engouement pour les spectacles chorégraphiques sous Louis XIV. Ex. : pour Psyché, en 1671 Molière et Corneille se partagent le texte, Lulli écrit la musique, Quinault le livret. Le spectacle nécessita plus de trois cents danseurs et de nombreux machinistes qui firent prodige pour la rapidité des changements à vue.
Tragédie à machine. Tragédie où priment les éléments de spectacle : musique, chant, bruitage, décor. Ex. : en 1650, Andromède, œuvre créée par Corneille avec un accompagnement musical de d’Assoucy, dans un décor de Torelli. Les machines jouent dans la pièce un rôle déterminant. Chaque machine, permettant l’apparition d’un dieu, introduit une péripétie. Cette esthétique, qui se situe à l’opposé de la tragédie classique est nécessaire pour les spectacles mythologiques où abondent les éléments merveilleux. Ex. : l’apparition d’Eole, aidé de ses vents qui emportent dans les airs Andromède au II, nécessite absolument de recourir à une machine.
Tragédie en musique. Genre créé par Racine avec Esther en 1689, en collaboration avec Jean-Baptiste Moreau. L’esthétique du genre, qui tend à concurrencer l’opéra fort en vogue en France dès la seconde partie du XVIIe siècle, repose sur le mélange de déclamation, de musique et de chant. Racine désire lier, comme dans la tragédie grecque, le chœur dont le rôle doit être prépondérant, et l’action dramatique.
Tragi-comédie. Genre dramatique inconnu dans l’Antiquité, créé par Garnier, en 1582, avec Bradamante. Il fut florissant en France surtout de 1628 à 1642 avec des auteurs comme Hardy ou Rotrou. Ce genre irrégulier participe à la fois de la tragédie et de la comédie, mêlant personnages populaires et héroïques, ton tragique et comique, événements heureux et pathétiques. Il se caractérise par son dénouement. C’est une tragédie qui finit bien, la catastrophe ayant été évitée de justesse. Le Cid est considéré par Corneille en 1637 comme une tragi-comédie. Ce n’est que plus tard, les goûts ayant changé, qu’il en fera une tragédie.
Tragique. Principe philosophique qui est inscrit au cœur de la tragédie, mais qui peut parcourir n’importe quelle œuvre littéraire comme n’importe quel événement de la vie. Il naît de l’affirmation que la nécessité, aveugle, provoque l’irrémédiable. L’essence du tragique réside dans l’ambiguïté des forces qui président à la fatalité. C’est, par exemple, l’histoire étrange rapportée par Aristote, de la statue de Mitys, assassiné, qui tomba sur le meurtrier et le tua. Est-ce là pure coïncidence ou intervention divine?
L’ironie tragique, ou ironie du sort, est la prise de conscience, par le héros, qu’il s’est précipité inconsciemment dans un malheur qu’il aurait pu éviter. Ex. : Œdipe, qui fuit Corinthe pour Thèbes, croyant échapper aux prédictions de l’oracle, commettra inexorablement l’inceste.
Pour le témoin, est tragique le spectacle de l’échec de l’homme ou du héros qu’il juge innocent (ex. : Prométhée) et auquel il s’identifie.
Trope. Figure de signification, par laquelle un mot n’est pas pris totalement dans son sens ordinaire, mais, grâce aux alliances qu’il contracte avec le contexte, est apte à se charger d’une signification nouvelle. Le sens est donc «tourné», comme l’indique l’étymologie du mot, du verbe grec trepo, tourner. Le nombre des tropes a varié au cours de l’histoire. En particulier, les siècles classiques innovent par rapport à la rhétorique ancienne, et font entrer parmi les tropes des figures comme l'hypotypose - description qui recrée la présence des choses dans sa vivacité - qui pourraient tout aussi bien être classées parmi les figures de pensée. De nos jours, dans une tradition qui remonte à Beauzée (article « trope » de l’Encyclopédie, 1765), on définit le plus souvent trois familles de tropes, dans lesquelles on introduit ou non des distinctions : ce sont les tropes par ressemblance (famille de la métaphore), les tropes par inclusion (famille de la synecdoque) et les tropes par contiguïté (famille de la métonymie).
Liens utiles
- Dans le journal d'un poète, en 1836, Alfred de Vigny écrivait: Le drame est vrai puisque, dans une action tantôt comique, tantôt tragique, suivant les caractères, il finit avec tristesse comme la vie des hommes puissants de caractère, énergiques de passion. Le drame n'a été appelé bâtard que parce qu'il n'est ni comédie ni tragédie. [...] Mais les vivants sont ainsi. Vous expliquerez cette opinion en l'illustrant à partir des drames romantiques que vous connaissez ?
- La comédie et la tragédie au XVIIIe siècle
- Cette tragédie ressemble constamment à une comédie qui tourne mal. Que pensez-vous de ce jugement de Charles Mauron sur l'histoire de Des Grieux ?
- On a dit de Molière qu'il côtoie parfois le tragique, montrez le d'après la pièce le Tartuffe, sans oublier que Molière ne perd jamais de vue que la règle essentielle de la comédie et de faire rire.
- Ionesco répond à une critique parue suite à la représentation de Rhinocéros à l'Odéon-Théâtre de France, mise en scène par Jean Louis Bonault le 22 Janvier 1960. Le journaliste reproche à Ionesco le fait que l'on ne puisse trancher entre une comédie ou une tragédie face au théâtre de l'absurde, et de Rhinocéros en particulier.