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SAINTE -BEUVE Charles Augustin 1804-1869

SAINTE -BEUVE Charles Augustin 1804-1869
Poète, puis critique, né à Boulogne. Aidé par le jeune et déjà glorieux Hugo, dont il a gagné l’amitié par un article de critique flatteuse (1827) - et dont il séduira la femme peu après - il fait éditer Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme (1829), livre très original; et aussi autoportrait: Delorme est un indécis, plus encore un inconstant qui passe sa vie à voir passer les eaux. Au plus fort de la joyeuse mêlée romantique, Sainte-Beuve invente ici une tonalité poétique un peu sourde, mineure (par exemple dans le poème: Les Rayons jaunes), que Baudelaire à ses débuts reprendra ; et même, au seuil du XXe siècle, Laforgue. Mais cette œuvre n’est pas comprise, et non plus son second recueil, Les Consolations (1830).

Un livre de fiction commencé la même année, Arthur, ne pourra être mené à bonne fin (c'est son ami Guttinger qui s'en charge), tandis que sa nouvelle tentative romanesque, Volupté (1834), agace la critique et ne trouve pas de public à sa mesure. Ici encore, l'œuvre était trop à contre-courant, trop originale, trop moderne. (Au point que l'on croit parfois lire L’Éducation sentimentale de Flaubert.) Volupté raconte de cette même voix monocorde mais attachante qui faisait, à sa façon, la force de son Joseph Delorme, les hésitations d'Amaury tenté tour à tour par la passion amoureuse la plus ardente et la plus chaste, puis par la débauche, par la politique; et même, par le sacerdoce. À la fin de son récit, dans le salon de Mme de Couaen (bouleversante figure de femme, en qui l'on a voulu voir, à tort, Mme Hugo), le hasard réunira ses deux autres passions, Amélie de Liniers et Mme R... Et Amaury pourra conclure que son inconstance a gâché, l'un après l'autre, tous ces bonheurs possibles.
En tant qu'œuvre littéraire, ce livre n'est pas inférieur - par sa saveur, son charme triste, par son parfum doux et insistant - aux Poésies de Joseph Delorme; et qui l'a lu n'oubliera pas de sitôt Mme de Couaen ni Amaury. En tant qu'autobiographie par contre (car l'auteur, de nouveau, l'a voulu telle), Amaury. donne une idée bien inexacte - ou disons : bien complaisante - du modèle qui a posé devant le romancier Sainte-Beuve. Bouillant de trop d'« ardeurs»? et trop nombreuses? Absolument pas. Doué de trop d'« appétits » ? Pas davantage. Amaury. comme Sainte-Beuve n'a que des inclinations, et de plus en plus fortes, des pentes vers le plaisir (la volupté, comme nous précise le titre) ; mais il est défaillant du côté de son désir : manque de feu, de puissance. Cette constatation honnête, courageuse, Sainte-Beuve ne l'a pas faite, parce qu'il ne pouvait pas la faire. Capable d'un autoportrait, séduisant et même émouvant, non d'une autocritique. Il est plus connu de nos jours en tant qu'auteur de Portraits littéraires (plusieurs séries de 1834 à 1846), de Causeries du lundi (quinze volumes, 1851-1852) et Nouveaux Lundis (treize volumes, 1863-1870), d'énormes études sur Chateaubriand... (1861); et, plus encore, sur Port-Royal (quatre mille pages, 1840-1859), thème paradoxal chez un homme qui affirmait :Je suis incapable d'aimer et de croire. À quoi s'ajoutent d'étonnantes critiques non publiées de son vivant, et révélées sous le titre Mes poisons par La Revue des Deux Mondes en 1926: il s'y acharne sur ses grands contemporains; en particulier sur son ami Hugo, qu'il évoque même avec impudeur sur le plan physique et qu'il s’applique, avec une audace - hélas - posthume, à déshonorer méticuleusement, sans trouver le temps long. Pour le reste, trop attentif aux grands hommes du passé, par exemple aux classiques du XVIIe siècle qu’il aime, il a omis de signaler le génie de Stendhal, de Nerval, de Balzac (que Baudelaire avait salué) ; et bien sûr, il manqua aussi Baudelaire. Il insulta Flaubert (précédemment traîné pour outrages aux mœurs devant les tribunaux) en l’accusant de sadisme; et fit rire le Tout-Paris en nommant Salammbô une carthaginoiserie.
Reste qu’il a écrit - et cela mérite bien que l’on passe sur l’aspect négatif du personnage - ces deux chefs-d’œuvre: Les Poésies de Joseph Delorme, et Volupté. Ce qui lui valut de la part d’Alfred de Musset la boutade justement célèbre (et qui est peut-être la meilleure définition de cet auteur) : « Un poète mort jeune à qui l’homme survit. »

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