Devoir de Français

Pointe Polysémie Ponctuation Positivisme Préciosité Prétérition

Pointe. Figure brillante et inattendue qui joue sur l’effet de surprise, et qui apparaît souvent à la fin d’une grande unité, période, strophe ou même texte ou poème. La pointe peut prendre différentes formes, antithèse : Mais elle à qui le sort est bien plus favorable Contient tout l’étemel, et tout le perdurable, Le Ciel en son visage, et l’Enfer en son cœur. (Fin d’un sonnet de Gaspar Bachet, début du xviie siècle) ou métaphore : L’affection ou la haine change la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide! Combien son geste hardi la fait-il paraître meilleure aux juges, dupés par cette apparence ! Plaisante raison qu’un vent manie, et à tout sens ! (Pascal, Pensées) Le concetto (conceit, concepto) baroque qui propose une énigme et qui joue donc sur la dimension intellectuelle de la métaphore utilise tout particulièrement ce type de pointe. Polysémie. Présence au sein d’un signe de plusieurs sens. On dira ainsi que le mot écume est polysémique parce qu’il présente au moins les deux sens suivants : 1. Mousse blanchâtre qui se forme à la surface des liquides agités ; 2. Bave de certains animaux. Pour pouvoir parler de polysémie, il faut pouvoir relier les différents sens. Si cela n’est pas possible, même avec une étymologie commune, comme pour grève (plage) et grève (cessation du travail), il faut poser deux ou plusieurs unités différentes homonymiques. La polysémie est la situation de presque tous les termes de la langue et la monosémie n’est qu’un idéal rarement atteint en dehors des vocabulaires techniques ou scientifiques. Ponctuation. Éléments de l’écriture qui sont essentiellement idéographiques, même s’ils sont parfois à mettre en relation avec des pauses orales, et avec la respiration. La ponctuation remplit plusieurs fonctions. Elle sert à séparer des éléments linguistiques, comme le point qui marque la séparation entre phrases, comme la virgule qui peut séparer des groupes équivalents. Elle a donc une fonction organisatrice de l’énoncé, et peut servir à le désambiguïser. On opposera par exemple : Il est parti naturellement.
et : Il est parti, naturellement. Elle se relie également à l’énonciation, dont elle marque les modalités, interrogative (?) ou exclamative (!). Elle sert aussi, dans ce cadre, à marquer un changement de voix comme lorsqu’elle introduit, par les guillemets, une citation. De même les tirets ou la parenthèse permettent-ils d’indiquer des plans énonciatifs différents, de mettre en retrait ou en relief tel ou tel passage. Enfin, la ponctuation se relie à l’oral en marquant les endroits où l’on peut indiquer des pauses et respirer. La ponctuation est donc à la fois logique, expressive et respiratoire. Dans ce fragment de Saint-John Perse : J’ai aimé un cheval - qui était-ce? - il m’a bien regardé de face, sous ses mèches. Les trous vivants de ses narines étaient deux choses belles à voir - avec ce trou vivant qui gonfle au-dessus de chaque œil. Quand il avait couru, il suait : c’est briller! - et j’ai pressé des lunes à ses flancs sous mes genoux d’enfant... j’ai aimé un cheval - qui était-ce? - et parfois (car une bête sait mieux quelles forces nous vantent) il levait à ses dieux une tête d’airain : soufflante, sillonnée d’un pétiole de veines. (Pour fêter une enfance, II) outre son rôle grammatical et logique (virgule pour séparer des éléments identiques : soufflante et sillonnée, points pour marquer la fin des phrases), elle joue un rôle très important pour noter les modalités interrogatives et exclamatives, et surtout pour séparer les plans de l’énonciation. Ainsi, dans le récit proprement dit (j’ai aimé) s’insère un commentaire marqué par l’imparfait (qui était-ce?) qui introduit le temps de l’écriture. La parenthèse, avec le présent atemporel (sait), fait de même. Enfin, les points de suspension, très fréquents au demeurant chez Saint-John Perse, sont-ils l’analogue du point d’orgue en musique. Ils marquent un élargissement, un silence qui prolongent les paroles, ils sont aussi l’entrée dans la rêverie que lance le mot merveilleux d'enfant. La ponctuation est donc un élément d’une extrême importance sur le plan stylistique. Il faut noter que la ponctuation telle que nous la connaissons est le résultat d’une longue évolution. Les premiers manuscrits français en effet n’en comportent pas et c’est avec l’imprimerie qu’elle va apparaître. Elle reste limitée et ne se développe vraiment qu’à partir du XVIIIe siècle. Ce n’est cependant pas avant le XIXe siècle qu’on lui attribue une fonction autre que respiratoire. Les imprimeurs ont joué un rôle important dans ce développement. Avec sa codification, naît également sa contestation, et elle sera souvent supprimée, comme dans la poésie de Cendrars ou d’Apollinaire : « le rythme même et la coupe des vers voilà la véritable ponctuation et il n’en est point besoin d’autre » (Apollinaire, lettre à Henri Martineau).

Positivisme. Doctrine philosophique qui tire son nom du Cours de philosophie positive d’Auguste Comte, disciple de Saint-Simon et inventeur de la sociologie. Contre l’idéalisme, contre les religions et la métaphysique, il affirme la supériorité de l’étude positive et scientifique des faits. Le bonheur naîtra pour l’homme de la connaissance des lois scientifiques et sociologiques. Les idées positivistes se répandirent dans tous les secteurs de la pensée, philologie, critique littéraire, histoire, médecine, etc. La Médecine expérimentale de Claude Bernard, par exemple, qui marqua tellement Zola, est issue du positivisme. L’influence de ce mouvement de pensée fut très grande sur des auteurs comme Littré, Taine ou Renan, mais aussi sur les poètes alors même qu’ils affirmaient l’art pour l’art. Le tableau des religions antiques qui apparaît chez Leconte de Lisle est par exemple à mettre au compte de l’idée positiviste que le travail critique sur le passé pourrait libérer les hommes de toute forme de servitude. Préciosité. Phénomène social et littéraire qui se développe au XVIIe siècle et qui, en France, connaît son apogée entre 1650 et 1660. Le phénomène est lié à la vie des salons parisiens où se réunissent, sous la houlette de femmes de tête, écrivains et intellectuels. L’hôtel de Rambouillet (de 1620 à 1665), salon de Catherine de Vivonne, surnommée « l’incomparable Arthénice » (selon l’anagramme de Malherbe), est le plus célèbre. Madame de Sévigné et Madame de La Fayette l’ont fréquenté. Corneille y vint parfois lire ses pièces. A la mort de la marquise de Rambouillet, c’est le salon de Madeleine de Scudéry qui le supplante. Il est moins aristocratique et plus studieux. Mademoiselle de Scudéry est une romancière infatigable qui a déjà publié pas moins de deux romans de dix volumes chacun en douze ans : Le Grand Cyrus (1649-1653), puis Clélie (1654-1661). Cette littérature de salon excelle dans les genres particulièrement appréciés en société : la lettre (celles de Voiture feront l’objet d’une publication posthume), l’énigme en vers (le recueil d’énigmes de Cotin, paru en 1638, jouit d’une grande vogue pendant tout le siècle), toutes les formes poétiques brèves comme l’épigramme, le madrigal et enfin le portrait. (Le Grand Cyrus, roman à clef où pouvait se reconnaître toute l’intelligentsia parisienne de l’époque offre une collection de portraits et introduit la mode du portrait dans la littérature romanesque.)

La préciosité est un art d’aimer, hérité de la courtoisie. Les « questions d’amour» sont constamment débattues dans les salons précieux, comme elles l’étaient au Moyen Age dans les Cours d’amour. Un roman comme La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette se fait l’écho de cet usage, puisque c’est la question : « faut-il ou non aller à un bal où l’aimé n’assistera pas?», qui permet l’aveu indirect des sentiments de l’héroïne. La lecture de prédilection des précieuses est celle des romans galants et héroïques, tel L’Astrée d’Honoré d’Urfé (1607). La « Carte de Tendre » (insérée dans Clélie) règle les conduites amoureuses. La femme, vénérée comme une déesse, fait attendre très longuement l’amant avant d’avouer son amour. Cet amour, sublimé, porte les marques du néoplatonisme. En matière de sexualité, les précieuses sont, selon l’expression de Ninon de Lenclos, des «jansénistes de l’amour» qui méprisent les relations charnelles. Féministes avant l’heure, elles se refusent le plus souvent au mariage qui asservit la femme aux volontés du mari. La rhétorique précieuse se caractérise par son souci élitiste. Les précieux cultivent le « bel esprit ». Ils raffolent de la trouvaille, de la pointe, aiment les exagérations dans les discours, aussi abusent-ils des adverbes superlatifs en -ment du type furieusement, effroyablement, etc. Ils épurent la langue, bannissant les mots grossiers, remplaçant les mots jugés « bas » par des périphrases. Par « les commodités de la conversation », on désigne un fauteuil, si l’on en croit Molière dans Les Précieuses ridicules (1659) qui se moque du jargon de ses deux héroïnes et qui reviendra à la charge en 1672 dans Les Femmes savantes. Somaize, dans son Dictionnaire des Précieuses, recense toutes leurs expressions. Le phénomène est européen au XVIIe siècle. C’est l’euphuisme en Angleterre, créé par John Lily (Euphues, 1579-1581), le marinisme en Italie, introduit avec Adone (1623) par le Cavalier Marin, le gongorisme en Espagne, créé par Gongora (Ode sur la prise de Larache, 1610). Après le XVIIIe siècle, par le terme de « préciosité », on désignera, de façon quelque peu péjorative, un mélange de raffinement excessif dans les sentiments et de recherche dans le langage. On parle ainsi de la préciosité de Marivaux ou de Giraudoux. Prétérition. Procédé rhétorique par lequel on feint de ne pas dire : Je passe sous silence le cigare classique qu’alluma le conteur, les spirales traditionnellement bleuâtres qu’il contempla un instant, et j’arrive au récit [...] (Alphonse Allais, Le Bahut Henri II)

Généralement, on utilise une négation qui porte sur un verbe de parole : je ne dirai pas, je n’avouerai pas, et donc sur l’énonciation elle-même, cependant que le complément de ces verbes énonce explicitement ce que l’on dit vouloir omettre. L’effet de la prétérition est évidemment, à l’inverse, d’attirer l’attention sur ce complément : Je ne suis pas de ceux qui disent : Ce n’est rien : C’est une femme qui se noie [...] (La Fontaine, La Femme noyée)

Liens utiles