Lexique: haïku hapax haplologie harmonie imitative Hélinand (douzain ou strophe d’-) hémistiche heptasyllabe
haïku (ou hâïkai). Les deux mots ont un sens légèrement différent en japonais pour des raisons d’histoire littéraire. L’un n’est pas le pluriel de l’autre, mais le français utilise les deux termes indifféremment pour désigner une forme poétique d’origine japonaise composée de trois vers de 5, 7 et 5 syllabes. Les poètes français utilisent parfois le terme pour désigner des poèmes qui se signalent par leur brièveté. Il y a peu de cas où la forme elle-même est respectée, comme dans cet exemple d’Eluard : Palissade peinte Les arbres verts sont tout roses Voilà ma saison. (M.A.)
hapax (n. m., du grec hapax, « une fois »). Mot dont on ne trouve qu’une seule occurrence dans un corpus ou dans une langue. (MA)
haplologie. Chute d’une syllabe lorsque, pour des raisons morphologiques ou syntaxiques, elle se trouve redoublée à l’identique ou presque : la fusion de « tragique » et de « comique » aurait par exemple dû aboutir à « tragico-comique », mais l’usage a préféré « tragi-comique ». Les cas d’haplologie les plus fréquents sont d’ordre strictement stylistique : on dit « nous y allons », mais on évitera instinctivement « nous y irons ». Un excellent exemple se trouve dans cette phrase de Valéry : un détachement sans repos et sans exception de tout ce qu’y paraît [et non : qui y paraît], quoi qui paraisse (Note et digression, 1919).
(G.P.)
harmonie imitative. Idée selon laquelle certains effets d’allitérations ou d’assonances seraient tels qu’ils imitent les bruits de ce que les mots désignent (cratylisme appelé justement « primaire » par G. Genette). Selon une telle théorie, le vers célèbre de Racine, Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? imiterait par l’allitération en [s] le sifflement des serpents. C’est une interprétation réductrice, qui trouve facilement son contre-exemple : que faire alors de là même allitération, combinée avec [f] dans ce vers de Laforgue : Eux sucent des plis dont le frou-frou les suffoque ? Les phonèmes n’ont a priori pas plus de signification que les notes en musique. On peut parler d’harmonie, de rappel de mot en mot de tels et tels sons qui lés lient entre eux, et les théoriciens (Roman Jakobson, Ivan Fonagy, Gérard Genette...) se penchent sérieusement sur cette question des sons. La notion d’harmonie imitative — toutes proportions gardées — n’est convaincante que lorsqu’il s’agit d’onomatopées (encore les onomatopées varient-elles d’une langue à l’autre). Hélinand (douzain ou strophe d’-). Douzain d’octosyllabes rimant aabaabbbabba, mis à la mode par Hélinand de Froidmont dans ses Vers de la Mort à l’extrême fin du XIIe siècle. Il a été réutilisé en particulier dans les Congés du XIIIe siècle. hémistiche (n. m., du grec hêmi, « moitié »., et stikhos, « ligne, vers »). Moitié de vers. Le point de partage entre les deux hémistiches est la césure. On ne parle d’hémistiche que pour les vers qui comportent plus de huit syllabes, et donc une césure. Exemple de Molière {Les Femmes savantes, II, 7) :
Le moindre solécisme // en parlant vous irrite. 1er hémistiche 2e hémistiche (M.A.) hendécasyllabe (n. m., du grec hendeka, « onze »). Mètre de onze syllabes. Vers déjà utilisé à l’époque médiévale en hétérométrie, il tombe en désuétude à la fin du XIIIe siècle. Marceline Desbordes-Valmore puis Verlaine l’ont remis à l’honneur. Le plus souvent césuré 5/6, il peut connaître d’autres rythmes (6/5, 7/4, 4/7). Exemple de Marceline Desbordes-Valmore : J’ai vécu d’aimer, .// j’ai donc vécu de larmes ; Et voilà pourquoi // mes pleurs eurent leurs charmes. (M.A.)
hendiadyn (n. m., du grec hen, « un », dia « à travers », et duoîn, « deux »). Figure de construction qui consiste à dire en deux mots dissociés syntaxiquement (avec coordination par exemple) ce qui devrait les réunir en un syntagme solidaire (par détermination ou subordination). Exemple : Un étourdissement de sève et de croissance (Victor Hugo) c’est-à-dire de sève qui fait croître. (M.A.) heptasyllabe (n. m., du grec hepta, « sept»). Mètre de sept syllabes. Employé dès la littérature courtoise, on le trouve assez régulièrement dans la poésie jusqu’à nos jours, et le plus souvent en hétérométrie. Exemple de Jules Laforgue (Les Complaintes) : De l’eau, des fruits, maints tabacs, Moi, plus naïf qu’hypocondre, Vibrant de tact à me fondre, Trempé dans les célibats. (MA)
humanisme. Terme apparu dans la langue française au début du XIXe siècle et traduit de l’allemand Humanismus. Il désigne d’une façon synthétique la culture savante et la vision du monde du XVe siècle italien (le Quattrocento) et du XVIe siècle européen. Les humanistes ont d’abord en commun l’amour de la littérature (en latin : bonae litterae ou, expression plus significative, litterae humaniores : les lettres qui rendent plus humain). Ils prennent pour modèles, presque insurpassables, les œuvres de l’Antiquité grecque et latine. Pas d’humanisme sans cet amour de la beauté littéraire. Bien entendu, ils s’efforcent de restaurer la connaissance de la langue grecque, ignorée du Moyen Age. Plus audacieux, certains ajoutent l’héritage hébraïque à celui de Rome et d’Athènes. Mais l’humanisme n’est pas seulement l’amour des langues anciennes. Il apporte avec lui une philosophie où l’idée de « dignité de l’homme » (dignitas hominis) tient une place essentielle. « On ne naît pas homme, on le devient », écrit Érasme. Cela signifie que l’homme possède une liberté dont il peut faire un bon ou un mauvais usage. Telle est l’idée majeure exprimée par Pic de la Mirandole dans son grand Discours de la dignité de l’homme (1496). L’humanisme est inséparable de la recherche, intellectuelle et morale. Quelle qu’ait été leur philosophie personnelle, les humanistes s’opposent en général à toute forme de dogmatisme. A cet égard, et surtout dans ses derniers livres, qui racontent la quête de Pantagruel et de Panurge, Rabelais est un humaniste. Cette recherche de la vérité peut prendre des formes individuelles (Érasme) ou collectives : le mouvement des Académies, dont la plus connue est l’Académie platonicienne fondée à Florence par Marsile Ficin à la fin du Quattrocento, est l’une des formes possibles que peut revêtir la réflexion collective. Les humanistes s’efforcent de créer également des lieux d’enseignement qui possèdent une liberté plus grande que les Universités (Collège des lecteurs royaux, qui deviendra le Collège de France).
Presque tous les humanistes de la Renaissance ont été chrétiens. Dans la mesure où ils rejettent les commentaires proliférants et veulent revenir au texte de la Bible, lue en hébreu pour l’Ancien Testament, en grec pour le Nouveau, ils se sont heurtés à l’enseignement officiel de la théologie, représenté en France par la Sorbonne. Ils ne pensaient pas que la révélation chrétienne s’opposât aux plus hautes philosophies de l’Antiquité, en particulier à celle de Platon. Socrate était un sage que l’on pouvait comparer à Jésus. Les humanistes les plus lucides, comme Érasme, distinguaient fort bien ce qui, dans l’Antiquité, était compatible avec le message chrétien, et ce qui ne l’était pas, l’épicurisme par exemple. Ils se réservaient donc un droit d’inventaire. Un premier clivage oppose les idolâtres de la beauté littéraire, qui ne jurent que par Cicéron pour la prose et par Virgile pour la poésie, et ceux qui se soucient des « choses » (ce que l’on a à dire) plus que des mots. Montaigne appartient à la seconde catégorie, et avant lui Érasme. On a vu s’opposer ceux qui croyaient aux capacités de la langue française (Du Bellay et ses amis de la Pléiade) et ceux qui lui déniaient toute possibilité de devenir une langue artistique ou philosophique. S’opposèrent aussi un humanisme du Nord, plus religieux, et un humanisme du Sud (italien) gagné parfois par certaines formes de paganisme. Pour plusieurs historiens, d’ailleurs, l’humanisme a vécu en Italie dès le sac de Rome par les armées de Charles Quint (1527). Non seulement parce que les bibliothèques et les églises furent pillées par la soldatesque, mais parce que les espoirs des humanistes dans un triomphe de la culture prennent fin à ce moment-là. En ce qui concerne la France, on a écrit parfois que les guerres civiles, qui commencent en 1562, sonnaient le glas du « beau XVIe siècle » et de l’humanisme. C’est oublier que de grandes entreprises (éditions de textes, travaux d’érudition) voient le jour à cette époque-là et se prolongent loin dans le XVIIe siècle. (D.M.)
hymne (du grec humnos, « chant », « chant en l’honneur d’un dieu », « chant de deuil »). Au masculin (emploi le plus fréquent), le mot désigne un poème à la gloire d’un dieu ou d’un héros, ou encore d’une personne ou d’une idée (nature, sentiments, patrie) : genre qui se développe à partir du XIVe siècle, et surtout à la Renaissance (Hymnes de Ronsard). Au féminin, le sens est plus restreint et plus ancien (XIIe siècle) : chants à la louange de Dieu dans la liturgie chrétienne. hypallage (n. f., du grec hupallagè, « échange »). Figure de construction qui lie un mot syntaxiquement à un autre alors qu’il se rattache logiquement et sémantiquement à un terme extérieur. Ainsi Laforgue, dans la « Complainte du fœtus de poète » parle de Déchirer la nuit gluante des racines Or ce sont les racines qui sont gluantes, non la nuit. hyperbate (n. f., du grec huper, « sur, au-delà », et bainein, « aller »). Figure de construction par laquelle à une phrase qui paraît terminée l’auteur ajoute un élément syntaxiquement très lié à cette phrase. Exemple de Saint-John Perse (Anabase I) : Les armes au matin sont belles et la mer. hyperbole (n. f., du grec hyperballein, « jeter au-dessus »). C’est une figure de l’exagération, qui grossit excessivement ce dont elle parle, comme lorsqu’on dit de quelqu’un qui est grand, « c’est un géant ». La Fontaine, lorsqu'il décrit le Chêne daps la fable « Le Chêne et le Roseau », use de l'hyperbole pour rendre sensible l'impression d'immensité qui s'en dégage en comparaison du faible roseau : Celui de qui la tête au ciel était voisine / Et dont les pieds touchaient a lempire dos morts. Lorsque l'exagération est inversée vers le petit et le négatif, on parle plutôt de tapinose.