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BARTHES Roland 1915-1980

BARTHES Roland 1915-1980
Critique et essayiste, né à Cherbourg. Si l’expression « Nouvelle Critique », naguère célèbre, mérite d’être retenue et de survivre, c’est à Barthes qu’elle le doit assurément ; à lui qu’elle peut à merveille s’appliquer : il a métamorphosé la critique en art. En un art bien proche, souvent, de la poésie. Ainsi dans S/Z (1970) où il arrive, à coups de trouvailles verbales, à nous faire oublier le prétexte d’une lecture plurielle (dit-il) de la nouvelle de Balzac, Sarrasine. Ou, mieux encore, dans ces deux autobiographies que sont Fragments d’un discours amoureux (1977) et, surtout, Roland Barthes par Roland Barthes (1979), lequel se présente, de façon délicieusement ambiguë, sous la forme d’« entrées alphabétiques » entrecoupées d’éléments indépendants qui sont, en fait, de véritables poèmes en prose. Barthes, du fait de toutes ses réussites proprement littéraires, a exercé, dans le seul secteur de la critique, un rayonnement aussi puissant, sur les intellectuels, que Sartre. Il ne s’est pas borné à faire parler Michelet « par lui-même » (1954) et à « décoder » Racine (1963) ; il a pris à bras-le-corps toute la littérature « vivante » : et il a été le héraut de ceux dont il prévoyait qu’ils resteraient « vivants », en effet. Dès le lendemain de la guerre, il saluait dans ses articles de revues les meilleurs auteurs du théâtre dit « populaire » (et Brecht, leur ancêtre, encore méconnu à l’époque) ; et, bientôt, il a acclamé (expliqué aussi, avec une rare pénétration ; encouragé, enfin) Samuel Beckett, le romancier, puis, un peu plus tard, le dramaturge. Puis Alain Robbe-Grillet (ainsi, dans Le Degré zéro de récriture, 1953) ; puis les jeunes du groupe Tel Quel et, tout particulièrement, leur chef de file (Sollers écrivain, 1979). Il a fait mieux encore en bousculant le puritanisme larvé (disons plutôt l’anti-hédonisme) en matière d’écriture, qui sévissait en France depuis les derniers livres de Gide et jusqu’à ceux de Sartre : Le Plaisir du texte, 1973 ; Poétique du récit (en collaboration avec P. Hamon et quelques autres, 1977) ; Le Bruissement de la langue, ouvrage posthume, 1984. Paradoxalement, tandis que Barthes nous répétait sans cesse (et, ce qui est plus beau encore, tout en prêchant d’exemple) le divin précepte de Nicolas Poussin selon lequel « l’art est délectation », il s’est cru moralement tenu, pour être sur ce point-là aussi de son temps, d’emprunter l’insipide jargon de la psychanalyse, puis de la linguistique et autres disciplines tour à tour en vogue. Ainsi Barthes a fini professeur (il n’avait pas mérité cela !) : titulaire de la « chaire de sémiotique » au Collège de France (1976). Bah ! permis de se prendre au sérieux, sur le tard, à l’homme qui a écrit un livre éblouissant, éclaboussant de joie, livre de pure « délectation » et oeuvre de jeunesse en outre (1957), dont nous voudrions citer, entre tant, la page intitulée Publicité de la profondeur :J’ai indiqué qu’aujourd’hui la publicité des détergents flattait essentiellement une idée de la profondeur (un peu plus loin il s’extasie sur les petits avant-propos scientifiques, destinés à introduire publicitairement le produit). Le titre de ce livre magistral : Mythologies.

■ Œuvres - En POCHE : Le Degré zéro de /'écriture (Points Essais). -Miche/et (id.). - Mythologies (id.). - Sur Racine (id.). - S/Z (id.). - Le Bruissement de la langue (id.). - Système de la mode (id.). - Le Plaisir du texte (id.). - Essais critiques (id.). - Roland Barthes par Roland Barthes (Le Seuil, coll. Ecrivains de toujours). - Autres : Fragments d'un discours amoureux (Le Seuil, coll. Tel Quel). - L'Empire des signes (Skira). - Œuvres complètes, t. 1 (1942-1965), t. 2 ( 1900-1973), éd. par Éric Marty (Le Seuil, 1993 et 1994).