ADAMOV Arthur 1908-1970
ADAMOV Arthur 1908-1970
Auteur dramatique, né dans le Caucase. Tour à tour traducteur (Kleist et Buchner), adaptateur (Gogol et Gorki), exégète de Strindberg, enfin, très tard, dramaturge. Et dans toutes ses activités diverses, fidèle à l’unique passion de sa vie, le théâtre (pourtant son premier livre - paru en 1946 - est un récit : L'Aveu). Ce théâtre d’Adamov a une tonalité singulière qui retentit dès les œuvres du début. Le pitoyable se mêle à des saillies d’humour grinçant dans L'Invasion (1950) où des papiers envahissent la chambre. Et aussi dans La Grande et la Petite Manœuvre (1950) où les mouvements des acteurs, à l’occasion, sont commandés par des coups de sifflet. Mais La Parodie (1952) et Le Professeur Taranne (1953) restent les plus célèbres des œuvres de cette « première carrière ». Le curieux Ping-Pong (1955), avec son duo de ratés; est un tournant dans l’œuvre d’Adamov : du théâtre de l’absurde - c’est-à-dire du tragique absolu ou du no man's land poétique, selon ses propres termes - vers un théâtre résolument situé, daté. Et même, bientôt, « engagé » : Paolo-Paoli (1957), La Politique des restes (1962), Printemps 71 (1963), Off limits (1969).
Du moins conserve-t-il les mêmes thèmes (relier l'homme à ses propres fantômes, mais aussi à d'autres hommes et, partant, à leurs fantômes, dit-il dans la postface à l’essai Ici et maintenant, 1967). Enfin, dans le même livre, Adamov affirme sans ambages : Il ne faut plus compter sur le public bourgeois. Au surplus, son pessimisme atrocement lucide, voire toxique, parfois, lui vaut une place un peu à l’écart parmi le groupe de ces écrivains, résolument toniques pour leur part, qui, comme lui, se préoccupent de promouvoir un théâtre populaire. (Dans L'Aveu, Adamov révélait sa hantise du suicide.)
Entré bien tardivement dans la lice, après la quarantaine, il trouva le temps d’y mener deux combats : face à un public très averti, puis face à un tout autre public, qu’il souhaitait le plus ouvert et le plus prolétarien possible. Il se donne la mort (à soixante ans) avant que ce nouveau public qu’il s’était choisi l’ait reconnu et adopté.
■ Œuvres - En poche : L'Homme et l'enfant (Folio). - Autres : Théâtre, en 4 vol. (Gallimard). - Off limits (id.). - Printemps 71 (id.). - Ici et maintenant (id.). - Je... ils... [rééd. de L'Aveu, suivi d'autres textes autobiographiques] (Gallimard, 1969). - Strindberg (L'Arche). - Traductions de G. Buchner [Théâtre complet, en collab. avec Marthe Robert] (L'Arche) et de R. M. Rilke [Le Livre de la pauvreté et de la mort] (Actes Sud).
Adamov Arthur (1908-1970). Né le 23 août 1908 à Kislovodsk (Caucase) dans une riche famille propriétaire de puits de pétrole, il grandit à Bakou, dans la sécurité matérielle. Mais étouffé par sa mère et perturbé par une sœur qui prend plaisir à le terroriser, il est en proie à des angoisses dont il ne se libérera jamais totalement. La guerre, puis la Révolution russe contraignent la famille à l’exil : Constance, Genève, Mayence, puis Paris en 1924. Adamov fréquente les cafés de Montparnasse, où il côtoie l’avant-garde artistique et littéraire, donne des articles à la presse anarchiste, écrit quelques poèmes surréalistes, fonde une éphémère revue : Discontinuité, et imagine sa première pièce de théâtre : Mains blanches (une scène muette de cinq minutes). Sa première grande aventure amoureuse avec « Irène », rencontrée en 1928, s’achève par une tentative de suicide : il a la révélation définitive de son impuissance sexuelle. Le suicide de son père (1933) accroît son sentiment de culpabilité. Jusqu’à la guerre, il vit de travaux littéraires et de traductions (Rilke, Jung, etc.). En 1946, paraît une œuvre de confession : L'Aveu, «journal terrible» où il dit «l’horreur sexuelle, les mille superstitions qui rongent l’intérieur de l’être, tous les maux ». A partir de 1947, date à laquelle il rencontre Jacqueline Autrusseau, l’indéfectible compagne de son existence, il poursuit, dans la composition théâtrale, l’exorcisme de ses obsessions. Son théâtre veut « montrer sur scène le plus grossièrement et le plus visiblement possible la solitude et l’absence de communication » et, très vite, la critique associe le nom d’Adamov à ceux d’Ionesco et de Beckett, sous l’étiquette de « théâtre de l’absurde». La Parodie (1947), pièce onirique, présente des personnages qui se côtoient sans vraiment se rencontrer, dans un monde brutal et sans âme, où chacun est conduit à l’échec et à la mort. Dans L'Invasion (1949), Pierre, dépositaire d’un précieux manuscrit, tente de le déchiffrer et de le classer, mais obstacles et trahisons le conduisent à déchirer les précieux feuillets et à se donner la mort. La Grande et la Petite Manœuvre (1950) est la transposition d’un rêve personnel, l’histoire désespérée d’une double défaite, celle du Mutilé, incapable de résister à ses hantises, et celle du Militant révolté mais vaincu. La technique dramatique d’Adamov accorde une large place aux bruits et aux éclairages violents, aux objets qui menacent l’homme, dont le langage lui-même n’est plus qu’un objet insignifiant.
Les pièces suivantes appartiennent encore à ce théâtre fantasmatique où il transpose ses rêves angoissés (Le Professeur Taranne) sa hantise de l’autoritarisme paternel (Le Sens de la marche), ses souvenirs de drames familiaux (Comme nous avons été). Mais à partir de Tous contre tous (1953) et des Retrouvailles (1954), décidé à «en finir avec l’exploitation du demi-rêve et du vieux conflit familial », il s’oriente vers un théâtre plus politique, ancré dans la réalité socio-historique. Le Ping-Pong (1955), pièce organisée autour d’un billard électrique, dénonce notre société matérialiste, la mécanisation envahissante et aliénante, le goût de l’argent facile. Paolo Paoli (1957) présente une chronique des années 1910-1914 : au milieu d’affairistes sans scrupules, de cléricaux intrigants et d’aristocrates anti-dreyfusards, la seule figure sympathique est celle de l’ouvrier socialo-anarchiste Mar-peaux, victime de l’injustice et révolté contre la société oppressive. La lecture de Brecht, de Piscator et l’actualité politique conduisent Adamov à un engagement qui le rapproche du parti communiste : les événements d’Algérie et son opposition à de Gaulle lui inspirent trois saynètes recueillies dans Théâtre de société (1958). Adamov traduit et adapte des œuvres de Gorki, Gogol, Tchekhov, Büchner, Strindberg, mais sa création personnelle s’oriente résolument vers un théâtre de dénonciation politique et sociale. Il travaille à une pièce sur la Commune, Le Printemps 71, et publie une partie de son abondante documentation dans Anthologie de la Commune (1959). La pièce, achevée en 1960, est d’abord créée à Londres en 1962, puis montée à Saint-Denis en 1963. Signataire du Manifeste des 121 (contre la guerre d’Algérie), Adamov est interdit d’antenne à l’ORTF. Ses pièces ne sont plus jouées que grâce à l’appui des municipalités communistes de la banlieue « rouge ». La Politique des restes (1962), inspirée autant par sa propre névrose que par un séjour aux États-Unis, dénonce le racisme et la justice de classe. Ici et maintenant (1964) recueille les textes critiques et théoriques du dramaturge, qui considère que le théâtre « doit être le lien où le monde visible et le monde invisible se touchent et se heurtent ». Pendant toutes ces années, l’alcoolisme d’Adamov s’aggrave au point de compromettre sa santé mentale et sa capacité de travail. En 1965, il entreprend la rédaction de son Journal et tente une cure de désintoxication. La Sainte Europe (1966) dénonce, sous le masque d’un Moyen Age de convention, l’Europe capitaliste du Marché commun. En 1967, il est hospitalisé pour une pleurésie tuberculeuse. « Cerné par le malheur, écrit-il, il fallait que j’éclate de rire ou me suicide ». Il compose alors M. le Modéré, une « clownerie ». Il poursuit la rédaction de souvenirs autobiographiques (L'Homme et l'enfant, 1968 ; Je... ils..., 1969) et commence une pièce anti-américaine (Off Limits, 1969). Avec Si l'été revenait (1970), il renoue avec un théâtre plus subjectif. Dans « un langage fluide, compliqué, réaliste, nu, fou », il donne à entendre les propos débridés et les pensées chaotiques de quatre rêveurs. Adamov se suicide à Paris, le 15 mars 1970. Dans un itinéraire qui irait de Strindberg à Brecht en passant par Tchékhov, l’œuvre dramatique d’Adamov fonde son originalité dans la difficile conciliation du rêve et du réel. « Marxiste ou non marxiste, le seul problème est de savoir comment utiliser ses névroses », écrivait-il en 1967. A la croisée du monde politico-social et de l’univers onirique, Adamov montre la lutte des classes tout en préservant la complexité des êtres. Il définissait ainsi l’ambition de son théâtre : « Tout ce qui ne relie pas l’homme à ses propres fantômes, mais aussi, mais encore à d’autres hommes, et partant, à leurs fantômes, cela dans une époque donnée et, elle, non fantomatique, n’a pas le moindre intérêt, ni philosophique, ni artistique. » (Ici et maintenant).
Auteur dramatique, né dans le Caucase. Tour à tour traducteur (Kleist et Büchner), adaptateur (Gogol et Gorki), exégète de Strindberg, enfin, très tard, dramaturge. Et dans toutes ses activités diverses fidèle à l’unique passion de sa vie (pourtant son premier livre - paru en 1946 - est un récit : P Aveu). Ce théâtre d’Adamov a une tonalité singulière qui retentit dès les œuvres de début. Le pitoyable se mêle à des bouffées d’humour grinçant dans l'Invasion (1950) où des papiers envahissent la chambre. Et aussi dans la Grande et la Petite Manœuvre (1950) où les mouvements des acteurs, à l’occasion, sont commandés par des coups de sifflet. Mais la Parodie (1952), et le Professeur Taranne (1953) restent les plus célèbres des œuvres de cette « première carrière ». Le curieux Ping-Pong (1955), avec son duo de ratés, est un tournant dans l’œuvre d’Adamov : du théâtre de l’absurde - c’est-à-dire du tragique absolu ou du no man's land poétique, selon ses propres termes - vers un théâtre résolument situé, daté. Et même, bientôt, « engagé » : Paolo-Paoli (1957), la Politique des restes (1962), le Printemps 71 (1963), Off limits (1969). Du moins conserve-t-il les mêmes thèmes {Relier l'homme à ses propres fantômes, mais aussi à d'autres hommes et, partant, à leurs fantômes, dit-il dans la postface à l’essai Ici et Maintenant, 1967). Enfin, dans le même livre, Adamov affirme sans ambages : Il ne faut plus compter sur le public bourgeois. Au surplus, son pessimisme atrocement lucide, voire toxique, parfois, lui vaut une place un peu à l’écart parmi le groupe de ces écrivains, résolument toniques pour leur part, qui, comme lui, se préoccupent de promouvoir un théâtre populaire. (Dans l'Aveu, Adamov révélait sa hantise du suicide.)
Entré bien tardivement dans la lice, après la quarantaine, il trouva le temps d’y mener deux combats : face à un public très averti, puis face à un tout autre public, qu’il souhaitait le plus ouvert et le plus prolétarien possible. Il se donne la mort (à soixante ans) avant que ce nouveau public qu’il s’était choisi l’ait reconnu et adopté. Œuvres Théâtre, en 4 vol. (Gallimard). - Ici et Maintenant (Gallimard). Critique (collectif) Revue Théâtre populaire, n° 18 (1956). - Geneviève Serreau, Histoire du « nouveau théâtre » (Gallimard, 1966). - B. Dort, Théâtre public (Le Seuil, 1967).